A New York, création du premier seminaire de formation des avocats à la lutte contre l’antisémitisme
En collaboration avec l’ONG National Jewish Advocacy Center, l’Université Touro propose un programme axé sur l’aide juridique aux Juifs, avec l’espoir de faire des émules
Luke Tress est le vidéojournaliste et spécialiste des technologies du Times of Israël
NEW YORK – L’an dernier, des manifestations anti-Israël ont agité l’Université Columbia de New York, mettant aux prises étudiants militants, organisations juives, police et membres du Congrès, sans oublier la direction de l’université.
En coulisse, une bataille plus subtile a eu lieu lorsque les organisations pro et anti-Israël se sont attaquées à l’université et se sont engagées dans une querelle judiciaire.
L’étudiant suspendu par l’université pour avoir déclaré « Les sionistes ne méritent pas de vivre » a intenté un procès contre Columbia et un étudiant juif sanctionné pour l’utilisation d’un article de farces et attrapes lors d’une manifestation a porté plainte. La branche new-yorkaise de l’ACLU a poursuivi Columbia en raison des sanctions prises à l’encontre d’organisations étudiantes anti-Israël et cinq étudiants ont porté plainte contre des militants anti-Israël en raison de la gêne occasionnée lors des campements de protestation sur le campus.
L’Université Touro de New York a décidé d’innover en proposant une formation sur ces questions aux futurs avocats. Le semestre dernier, elle a lancé son tout premier cours de droit sur l’antisémitisme et ce semestre, elle va ouvrir son premier séminaire ad hoc. Touro est une université juive qui compte près de 19 000 étudiants.
Cette initiative est l’oeuvre du rabbin Mark Goldfelder, directeur du National Jewish Advocacy Center, ONG dédiée aux moyens éducatifs et juridiques de lutter contre l’antisémitisme.
Le programme fait partie du projet pluri-annuel de l’organisation de mobilisation juridique pour lutter contre l’antisémitisme, explique Goldfelder. Ces efforts serviront de contrepoint aux efforts ciblés déployés depuis des décennies par les adversaires d’Israël, ajoute-t-il.
« Il nous faut mettre en oeuvre des plans sur 20 ans », poursuit Goldfelder dans une interview. « L’un de ces plans sur 20 ans consiste à former les futures générations de professionnels du droit susceptibles de défendre les intérêts de la communauté juive. Pour l’heure, aux Etats-Unis, aucun établissement ne prépare spécifiquement un avocat juif à se spécialiser sur la question des droits civiques des Juifs.
Au dernier semestre, les 18 places disponibles pour le cours de premier cycle sont parties en quelques minutes, souligne Goldfelder. Ce sont des étudiants à la fois juifs et non juifs qui se sont inscrits.
« Si l’on regarde la société américaine et l’enseignement supérieur, à titre général, il parait nécessaire de former des défenseurs à la lutte contre l’antisémitisme et aux préjugés », estime le rabbin Moshe Krupka, vice-président exécutif de Touro, dans une interview.
« Nous nous sentons la responsabilité de faire quelque chose pour nos étudiants, pas seulement pour les étudiants juifs, mais tous nos étudiants qui ont à coeur de donner sa place à la vérité et de défendre la justice d’une manière responsable. »
Le cours, intitulé « L’antisémitisme et la loi », informe les étudiants sur « les moyens dont la loi peut être utilisée pour définir l’antisémitisme et lutter contre lui, sans faire obstacle à la liberté d’opinion ou à la légitimité des désaccords », peut-on lire dans le descriptif des cours.
Le cours donne à voir les limites de la liberté d’expression et les circonstances dans lesquelles est franchie la ligne qui tend vers le harcèlement ou la discrimination, au prisme de l’antisémitisme. Il commence par l’étude des définitions de l’antisémitisme et aborde des sujets comme la veille de l’antisémitisme, les crimes de haine, la liberté religieuse, la diffamation collective, la diffamation ou encore le droit international.
Le 7 octobre et ses conséquences ont inspiré nombre d’étudiants à suivre le cours, affirme Goldfelder.
« Ils suivent le cours parce qu’ils sont choqués. Ils ne comprennent pas ce qui s’est passé », poursuit-il.
Ce semestre, Touro organise le tout premier séminaire juridique du NJAC consacré à l’antisémitisme, auquel prendront part huit étudiants au total. Un séminaire juridique permet aux participants d’acquérir une expérience pratique de cas réels, sous la supervision d’un professeur expert. Le cours sur l’antisémitisme sera le premier de la sorte.
Goldfelder explique travailler à un « modèle de franchise » pour le cours et s’entretenir avec avec d’autres universités, y compris des institutions non juives, en vue de la mise en place de programmes similaires, avec Touro pour modèle.
« Il s’agit de former les gens à défendre l’équité, l’honnêteté et la vérité : nous estimons que c’est par ailleurs une occasion de lutter contre les horreurs antisémites et toutes les formes de préjugés », poursuit Krupka.
Les organisateurs espèrent que les étudiants travailleront ensuite au sein d’organisations de défense comme l’Anti-Defamation League, le Brandeis Center, le Lawfare Project ou StandWithUs.
« Je pense que c’est exactement le genre d’initiative dont nous avons besoin », assure Gerard Filitti, avocat principal du Lawfare Project.
« Il est grand temps que la communauté juive dispose des mêmes séminaires juridiques pratiques qui ont été d’une grande utilité pour d’autres minorités », conclut Filitti, qui ne relève pas du programme Touro.