Annulation d’un office interreligieux de la Brooklyn Pride à cause des positions pro-Israël d’une synagogue
La rabbin de la synagogue de Kane Street réfute le motif officiel d'annulation et invoque un nombre insuffisant d'inscrits

JTA – Aucun office interconfessionnel ne sera célébré durant la Brooklyn Pride 2025, en raison du retrait d’au moins un groupe à cause de « l’engagement public de la synagogue hôte en faveur de positions politiques pro-israéliennes ».
C’est à la synagogue historique et conservatrice de Kane Street que devait se dérouler mercredi, pour la 15e année, l’office interconfessionnel. Mais ce dernier a été annulé la semaine dernière.
Mickey Heller, coprésident de la Brooklyn Pride, a annoncé que cette annulation était due à un faible nombre d’inscriptions. Plusieurs organisations et chorales avaient également fait savoir que, « pour diverses raisons », elle ne pourraient pas participer cette année.
Dans un email adressé vendredi aux fidèles de Kane Street, la rabbin Michelle Dardashti a déclaré que, si le motif d’annulation invoqué par les organisateurs était un « nombre insuffisant d’inscrits », elle avait néanmoins reçu un courriel d’un groupe de musiciens justifiant leur absence par la politique pro-israélienne de la synagogue.
« Le responsable de l’un des groupes qui se sont retirés a exposé les raisons de son retrait. D’une part, nombre de membres de cette communauté (en grande partie composée de personnes LGBT de couleur et d’immigrants) se sentent mal à l’aise face à la présence policière. D’autre part, « nous avons également pris connaissance des positions de la synagogue de Kane Street en faveur des politiques pro-israéliennes », peut-on lire dans cet email.
Le nom du groupe concerné n’a pas été cité dans l’email de Dardashti. La direction de Kane Street a refusé tout commentaire supplémentaire.
Parmi les groupes qui avaient participé au service l’an dernier, un seul a répondu aux questions de la JTA. Le révérend Micah Ma de la First Unitarian Congregational Society de Brooklyn, dont la chorale s’était produite l’année dernière, a refusé de s’exprimer.
L’annulation du service interconfessionnel de la Brooklyn Pride intervient alors que les marches des fiertés vont débuter dans tout le pays, dans un contexte également marqué par des affrontements sur le conflit israélo-palestinien. Ces dernières années, la dérive grandissante de l’activisme queer vers l’antisionisme a entraîné l’exclusion des festivités et marches des fiertés de certains Juifs de la communauté LGBTQ.
Cette année, à la San Diego Pride, tous les groupes de participants juifs se sont retirés des festivités en raison de la présence en tête d’affiche de la chanteuse de R&B Kehlani. Ils ont accusée cette dernière d’antisémitisme à cause de ses prises de position pro-palestiniennes.

À New York, les participants juifs ont longuement réfléchi avant de décider d’assister ou pas à la Dyke March, en raison de ses positions antisionistes. L’année dernière, la marche était organisée sous l’intitulé « Dykes Against Genocide » [Dykes contre le génocide], incitant un groupe de lesbiennes juives à organiser sa propre marche des fiertés.
Dans une interview, Heller a fait savoir que, une semaine avant la date prévue, seules deux personnes s’étaient inscrites au service interreligieux de la Brooklyn Pride. Les années précédentes, à la même période, il a fait état « d’au moins une centaine » d’inscriptions.
Heller a ajouté ne pas être en mesure de parler des positions de chacun des groupes à l’égard de Kane Street, expliquant que ce serait « injuste » pour ces organisations. Il a justifié l’annulation du service par le manque d’intérêt suscité.
« Il est très difficile d’émettre des suppositions sur les raisons d’un tel comportement », a rapporté Heller. « Je dirai simplement que le pays vit actuellement de nombreux événements, avec des répercussions très inquiétantes. Et malheureusement, alors que ces événements devraient tous nous inciter à nous rassembler, c’est impossible : les gens ont peur. »
Dans les éditions précédentes de la Pride, plusieurs chorales ainsi que des responsables juifs, chrétiens, musulmans et bouddhistes zen avaient assisté au service interconfessionnel. La liste des participants de cette année a été retirée et mise hors ligne après l’annulation.
Heller a déclaré à la JTA ne pas personnellement disposer d’informations sur les participants. D’après lui, la Brooklyn Pride n’est pas en mesure de dévoiler l’identité des participants pour des raisons de confidentialité.

Dans l’email adressé à sa congrégation, Dardashti a expliqué se sentir « anéantie et offensée » par la « décision discriminatoire » d’annuler le service.
« Je me suis sentie reconnaissante pour la transparence dont avait fait preuve l’organisateur (qui a en outre utilisé la fonction « Répondre à tous » dans nos échanges), mais aussi anéantie et offensée par les nombreuses hypothèses envisagées et par la décision discriminatoire d’annuler sans prendre le temps de s’informer ou de discuter », a-t-elle écrit.
Dardashti a déploré l’annulation de l’office, et présenté clairement les liens de Kane Street avec Israël dans un email adressé aux membres du clergé et aux musiciens censés participer au service interreligieux, dont elle a cité un extrait dans le courriel envoyé à ses fidèles.
« Je suis triste de constater que cet événement a finalement détruit plutôt que créé des liens entre nous », a-t-elle expliqué, ajoutant qu’elle serait « heureuse d’échanger avec chacun d’entre vous sur notre communauté, sur les relations profondes et complexes que nos membres entretiennent avec Israël et sur notre large rejet de l’administration israélienne actuelle, sur les prières pour la fin des violences, le retour des otages et le salut des civils à Gaza que nous récitons chaque semaine, ainsi que sur la communauté juive, plus largement. »
Dardashti, qui a fondé une organisation à but non lucratif visant à améliorer le discours sur Israël et l’antisémitisme parmi les Juifs, a fait savoir à ses fidèles qu’elle avait également partagé un récent éditorial du New York Times traitant de la manière dont les récentes attaques avaient exacerbé les peurs que ressentent les Juifs.
« J’ai expliqué que les Juifs n’étaient pas seulement dénigrés pour leur association avec Israël (comme Kane Street dans le cas présent, et ce genre de choses n’a hélas rien de nouveau), mais aussi violemment ciblés à cause de cette association, et que ces attaques physiques extrêmes récentes provenaient des antisionistes », a-t-elle déclaré.
Heller a annoncé le souhait de la Brooklyn Pride de reprendre le service interconfessionnel dès l’année prochaine, ajoutant qu’il était désolé du caractère si brusque de l’annulation du service, cette année.
« En tant que président de la Brooklyn Pride, je tiens à m’excuser auprès de toutes les personnes qui ont au fil des ans apporté un soutien sans faille à notre service interreligieux. Je vous envoie à tous, pas uniquement aux membres de notre congrégation juive mais bien à tous, des mots d’encouragement, pour traverser cette période qui nous pousse à nous diviser », a précisé Heller.
« Et c’est lors de moments comme ceux-ci que nous devons, qui que nous soyons, permettre à chacun d’exister, nous réunir et nous soutenir mutuellement. Ce qui nous unit est tellement plus important que ce qui nous sépare », a-t-il conclu.