Au Soudan, la guerre se poursuit en attendant la trêve en soirée
Dans les quartiers résidentiels de Khartoum, les habitants disent ne voir pourtant aucun préparatif pour un arrêt des combats
Raids aériens et explosions ont de nouveau frappé Khartoum lundi quelques heures avant l’entrée en vigueur d’un cessez-le-feu d’une semaine promis par l’armée et les paramilitaires pour laisser passer civils et aide humanitaire.
Pour le 37ème jour consécutif, les cinq millions d’habitants de la capitale soudanaise se sont réveillés au son des combats, sous une chaleur écrasante, pour la plupart privés d’eau, d’électricité et de télécommunications.
« Des avions de combat ont bombardé mon quartier », témoigne l’un d’eux, Mahmoud Salaheddine.
Depuis le 15 avril, la guerre entre l’armée du général Abdel Fattah al-Burhane et les paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR) du général Mohamed Hamdane Daglo a fait un millier de morts et plus d’un million de déplacés et de réfugiés.
Si le conflit se poursuit dans le pays d’Afrique de l’Est, l’un des plus pauvres du monde, un million de Soudanais supplémentaires pourraient se réfugier dans les pays voisins qui redoutent une contagion, prévient l’ONU.
Fuir, voir un médecin ou rétablir l’eau
Pour tenter de réhabiliter les infrastructures et d’approvisionner hôpitaux, stocks humanitaires et marchés pillés ou bombardés, les médiateurs américains et saoudiens ont annoncé avoir obtenu, après deux semaines de négociations en Arabie saoudite, une trêve d’une semaine à compter de 19H45 GMT lundi.
Les deux camps ont annoncé par communiqué vouloir respecter cette trêve saluée par l’ONU, l’Union africaine et le bloc de l’Afrique de l’Est, l’Igad.
Mais dans les quartiers résidentiels de Khartoum, les habitants disent ne voir aucun préparatif pour un arrêt des combats.
L’armée a peu d’hommes dans le centre de la capitale. Les FSR, elles, occupent le terrain à Khartoum –l’armée contrôlant les airs mais peinant à prendre pied au sol.
Or, rapporte M. Salaheddine, même si les deux camps ont signé un accord pour dégager des passages aux civils et à l’aide humanitaire, « on ne voit aucun signe que les FSR, qui occupent toujours les rues, se préparent à les quitter ».
Depuis le début de la guerre le 15 avril, une dizaine de cessez-le-feu ont été promis et aussitôt violés.
Malgré tout, Khaled Saleh, qui vit dans la banlieue nord-ouest de Khartoum, veut croire que les belligérants respecteront leur engagement.
« Avec un cessez-le-feu, l’eau courante pourra être rétablie et je pourrai enfin aller voir un médecin car je suis censé en consulter un régulièrement pour mon diabète et mon hypertension », raconte-t-il à l’AFP.
Othman al-Zein, lui, veut partir plus loin. Commerçant à Nyala, chef-lieu du Darfour-Sud, il a vécu les intenses combats qui ont fait une trentaine de morts la semaine passée dans sa ville.
« Si la trêve tient partout au Soudan, ce dont je doute, je quitterai Nyala », affirme-t-il à l’AFP, « pour me mettre à l’abri et sauver mes économies ».
Car, outre les balles perdues, les Soudanais redoutent aussi les pillages.
A travers le pays, les banques sont fermées et les convois d’approvisionnement impossibles sous les tirs.
Alors que 25 millions des 45 millions de Soudanais ont besoin d’aide humanitaire, selon l’ONU, les vivres se font de plus en plus rares et la plupart des usines agro-alimentaires ont été détruites ou pillées.
« Mécanisme de surveillance »
Les médecins ne cessent d’alerter sur le sort dramatique des hôpitaux: à Khartoum, comme au Darfour, la région de l’ouest du pays la plus meurtrie par les combats avec la capitale, ils sont quasiment tous hors d’usage. Ceux qui n’ont pas été bombardés n’ont plus de stocks ou sont occupés par des belligérants.
Les humanitaires réclament des couloirs sécurisés pour relancer des services déliquescents depuis des décennies.
Cette fois, assurent Ryad et Washington, il y aura « un mécanisme de surveillance du cessez-le-feu » regroupant des représentants des deux camps ainsi que des Etats-Unis et de l’Arabie saoudite.
L’émissaire de l’ONU au Soudan, Volker Perthes, rendra compte en soirée de l’évolution de la situation dans le pays devant le Conseil de sécurité à New York.
Au début de la guerre, il avait raconté avoir été « pris par surprise » par les combats débutés alors que les deux généraux étaient censés se retrouver pour discuter transition démocratique.
En octobre 2021, ils avaient évincé ensemble les civils du pouvoir par un putsch et coupé court à la promesse de tenir sous peu les premières élections libres après 30 années de dictature d’Omar el-Béchir.
Les deux hommes se sont ensuite divisés sur la question de l’intégration des FSR dans l’armée régulière.
Depuis le 15 avril, ils ne se sont pas parlé, se contentant de s’invectiver par médias interposés.
Vendredi, le général Burhane, dirigeant de facto du Soudan, a remplacé le général Daglo au poste de numéro deux du pouvoir militaire par Malik Agar, un ancien rebelle qui avait signé en 2020 un accord de paix avec Khartoum.
Il a également nommé trois de ses fidèles au sommet de l’armée après avoir remplacé plusieurs hauts fonctionnaires, dont le patron de la Banque centrale.