Avec son attaque, l’Iran donne vie à une alliance – de Doha à Amman, en passant par Ryad
Un responsable israélien a qualifié l'opération de défense aérienne conjointe de "réelle avancée" ; c'est la première fois qu'une telle coalition se réunit pour contrecarrer Téhéran
Israël a hésité à évoquer l’alliance qui s’est formée dans la journée de samedi, une coalition qui rassemble les États-Unis, la Jordanie, l’Arabie saoudite, l’Égypte, les Émirats arabes unis et le Qatar dans une vaste cellule de guerre conjointe. Son objectif : Coordonner les efforts livrés contre les missiles et les drones iraniens qui étaient envoyés et tirés sans relâche en direction de l’État juif.
L’inclusion du Qatar dans cette alliance peut surprendre quelque peu dans la mesure où l’émirat est habituellement considéré comme un ennemi d’Israël, figurant sur la même liste que l’Iran et le Hamas.
C’est pourtant sur le territoire qatari que l’alliance s’est réunie.
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La cellule de crise géante qui a été ouverte sur la base aérienne américaine Al Udeid, à proximité de Doha, a pour mission de fournir une image générale de l’espace aérien régional avec une puissance aérienne dont le champ de compétence s’étend du Kazakhstan jusqu’à l’Égypte.
Le centre collecte des données à partir de radars et de capteurs sillonnant toute la région. C’est là que les analystes sont parvenus à établir l’image précise de l’attaque iranienne au moment même où elle était en train de se dérouler, Israël obtenant des informations en temps réel comme si ses responsables se trouvaient eux-mêmes dans la pièce.
S’exprimant auprès de Zman Yisrael, le site hébréophone du Times of Israel, une source israélienne qualifie cette coopération de réelle avancée – c’est la première fois qu’une alliance régionale est passée à l’action contre l’Iran. Cela n’a pas été seulement la première fois que ce partenariat a mené des opérations ouvertement, mais aussi la toute première fois que tous ont travaillé ensemble, de concert, unis pour déjouer les desseins de la république islamique.
C’est vrai, cet effort de coopération est resté discret – et ce ne sont que les interventions d’Israël, des États-Unis, de la Jordanie, du Royaume-Uni et de la France, face à la menace, qui ont été soulignées.
Mais dans les coulisses, tous les membres de ce partenariat ont apporté une contribution, qu’il s’agisse de partager des informations issues des radars ou d’abattre matériellement les plus de 500 drones et missiles qui ont été tirés en direction de l’État juif.
Parce que ces informations sont sensibles, il est difficile de dire qui a fait quoi exactement – mais il y a beaucoup de leçons à tirer de cette nouvelle alliance régionale.
Le Wall Street Journal – qui semble dorénavant trouver officieusement ses sources du côté d’Israël – a signalé que l’Arabie saoudite et le Qatar avaient été prévenus par l’Iran du moment choisi pour l’attaque et qu’ils avaient transmis ce renseignement à Israël (quoique avec réticence) suite aux pressions exercées par les Américains.
Une information qui paraît logique même s’il est douteux que les États-Unis aient dû beaucoup insister pour que Ryad et Doha fasse part de ce renseignement : c’était dans leur intérêt à tous les deux de le faire au vu des conséquences s’ils ne s’étaient pas exécutés. Imaginons ce qui serait arrivé, par exemple, si les États-Unis avaient découvert qu’ils avaient eu connaissance des détails de l’agression mais qu’ils n’avaient pas jugé utile d’émettre une mise en garde.
La Jordanie, qui a fait la Une des médias pour son rôle dans la destruction des missiles et des drones qui se dirigeaient vers Israël – une médiatisation dont elle se serait (vraiment) bien passée – a été vivement critiquée dans la presse et à la télévision iraniennes et le roi Abdallah a été qualifié de « traître » par Téhéran.
Mais l’Arabie saoudite semble avoir été épargnée par la colère des ayatollahs, même si personne n’ignore que le Royaume a bien tenu un rôle dans cette opération. Ryad n’a pas interdit à ses alliés d’utiliser son espace aérien et n’a pas empêché les radars américains qui se trouvent sur son territoire de contribuer à l’élaboration de l’image aérienne en temps réel, aidant ainsi les interceptions de missiles et de drones.
Et l’Iran qui, officiellement, continue à s’enorgueillir du « succès » de ses frappes de samedi, sait très bien que le pays s’est potentiellement tiré une balle dans le pied. Au lieu de contribuer à l’isolement international d’Israël – un isolement entraîné par la guerre à Gaza – et au lieu d’éviter la mise en place d’une alliance anti-Téhéran dans la région avec l’appui de l’Occident, la république islamique a, au contraire, révélé cette coalition au grand jour, lui donnant l’opportunité de démontrer l’efficacité d’une coopération dirigée par les Américains.
Il s’agit donc au mieux, pour l’Iran, d’une victoire à la Pyrrhus. Le pays a réussi à établir de nouvelles règles d’engagement au Moyen-Orient, où toute agression contre un haut-responsable ou contre un site sensible est susceptible d’entraîner une riposte massive, faisant courir le risque du conflit ouvert et faisant réfléchir Israël à deux fois. Il a aussi défié les États-Unis en ignorant les avertissements lancés par le président américain Joe Biden : « Ne le faites pas ».
Ce faisant, il semble également que la république islamique ait réveillé un géant endormi qui n’avait pas été en capacité de redresser la tête jusqu’à présent.
Israël peut se réjouir de cette évolution positive des choses mais doit aussi regarder la moitié du verre qui reste encore vide : même si la catastrophe a été évitée lors de l’attaque iranienne, peu de politiciens considéreront toutefois ce qui s’est passé comme une victoire pour l’État juif.
Au Moyen-Orient, c’est l’attaque qui crée la dissuasion, ce n’est pas la défense. Les systèmes israéliens de défense antiaérienne, malgré les succès qu’ils enregistrent, offrent aux dirigeants une plus grande marge de manœuvre mais la capacité, même incontestable, d’un pays à abattre des missiles et des drones ne peut être pour autant être considérée comme un outil majeur de dissuasion.
Le gouvernement et le peuple, en Israël, sont largement convaincus de la nécessité de mener une opération offensive en riposte. La difficulté sera de trouver un moyen de lancer une telle opération sans déchirer la structure fragile de la nouvelle alliance et sans détruire des relations avec les États-Unis, des liens qui viennent tout juste de se réchauffer.
Deux réunions du cabinet de guerre, la cellule de commandement militaire gouvernementale, qui ont eu lieu en l’espace de 24 heures révèlent l’intensité des délibérations au sein de l’État juif. Cette montée des tensions peut aussi entrer dans le cadre de la riposte israélienne, avec des Iraniens attendant nerveusement de découvrir quelle sera la nature de cette réponse militaire, une image qui reflète le climat tendu qui prévalait en Israël juste avant que l’Iran ne donne la « gifle » que le pays avait antérieurement promise.
Des informations quelque peu contradictoires portant sur la conversation qui a eu lieu, dimanche matin, entre Biden et le Premier ministre Benjamin Netanyahu laissent entendre qu’il est néanmoins possible que les Américains comprennent parfaitement le positionnement difficile qui est celui d’Israël aujourd’hui.
Certaines affirment que Biden a opposé un « non » catégorique à une riposte militaire tandis que d’autres déclarent qu’il s’est contenté de demandé à l’État juif de bien réfléchir à ces représailles, de les adoucir et d’attendre.
Des informations qui font croire que si la Maison Blanche ne veut clairement pas, de la part d’Israël, une réponse qui pourrait potentiellement plonger toute la région dans la guerre, elle reconnaît également que face à l’Iran, il faut faire quelque chose de plus.
Il n’y a pas que l’Iran qui attende de constater quelle sera la réaction d’Israël. C’est aussi le cas des membres de cette nouvelle alliance. Et ce n’est pas seulement Israël qu’ils observent, mais les États-Unis également.
La marge de manœuvre dont bénéficie Biden est limitée. Il pourrait tenter d’acheter le calme à court-terme mais il ne pourra pas rester indéfiniment sur la défensive.
A un certain stade, les États-Unis devront passer davantage à l’action contre l’Iran s’ils veulent renforcer l’alliance et s’ils veulent être en mesure d’agir de façon décisive contre le programme nucléaire de Téhéran. Et après l’attaque de ce week-end, trouver la façon de faire face aux ambitions nucléaires de l’Iran est devenu un problème au caractère plus urgent que jamais.
Cette analyse a initialement été publiée dans Zman Yisrael, le site hébréophone du Times of Israel.
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