Blinken félicite Netanyahu: les « conversations franches » avec Israël se poursuivront
Le secrétaire d'État américain réitère que les USA jugeront le nouveau gouvernement israélien sur la base de ses politiques plutôt que sur ses législateurs d'extrême droite
Le chef de la diplomatie américaine Antony Blinken a félicité jeudi Benjamin Netanyahu, qui a annoncé la veille être en mesure de former un gouvernement, très à droite, et l’a appelé à un engagement sur les « valeurs », notamment pour les droits des Palestiniens.
Le secrétaire d’Etat américain a appelé jeudi lors d’une conférence de presse à ce que les deux pays travaillent ensemble afin « d’apporter des mesures de sécurité, d’opportunité, de prospérité et de dignité aussi bien aux Israéliens qu’aux Palestiniens ».
« Nous serons heureux de travailler aux côtés d’Israël pour promouvoir à la fois les intérêts et les valeurs qui sont depuis longtemps au cœur de notre relation », a-t-il déclaré.
Benjamin Netanyahu a annoncé tard mercredi soir être en mesure de former le prochain gouvernement avec ses partenaires des partis ultra-orthodoxes et d’extrême droite.
Interrogé pour savoir si la diplomatie américaine travaillerait avec les membres les plus radicaux du nouveau gouvernement, M. Blinken a dit que les Etats-Unis « jugeraient nos partenaires israéliens sur la base des politiques qu’ils mettent en place, pas sur les personnalités qui se trouvent être dans le gouvernement ».
Il a ajouté que Washington avait l’habitude d’avoir des « discussions très franches » sur les désaccords avec Israël en raison d’un « partenariat à toute épreuve » entre l’Etat hébreux et les Etats-Unis.
Les relations entre Benjamin Netanyahu et Barack Obama étaient notoirement mauvaises.
Vainqueur avec ses alliés des élections législatives du 1er novembre, M. Netanyahu, déjà Premier ministre de 1996 à 1999 puis de 2009 à 2021, doit former un gouvernement qui serait, selon les analystes, le plus à droite de l’histoire d’Israël.
C’est sur la question palestinienne que l’administration Biden a le plus de risques de conflit avec le prochain gouvernement de Netanyahu, vu qu’il comprend des législateurs qui s’opposent à une solution à deux États, veulent annexer la Cisjordanie sans accorder de droits égaux aux Palestiniens, accélérer la construction d’implantations et légaliser les avant-postes israéliens sauvages à travers la Cisjordanie tout en démolissant les constructions palestiniennes similaires dans ces zones.
Blinken a toutefois minimisé l’impact que ces désaccords potentiels pourraient avoir sur les relations américano-israéliennes au sens large.
« Nous avons démontré au fil des gouvernements israéliens successifs et des administrations américaines successives, justement parce que notre partenariat est solide comme le roc et un engagement à assurer la sécurité d’Israël, que nous pouvons avoir des conversations très franches lorsque nous ne sommes pas d’accord », a-t-il déclaré. « Cela ne va pas changer non plus ».
Mercredi également, le conseiller américain à la sécurité nationale Jake Sullivan et son homologue israélien Eyal Hulata ont convoqué une autre réunion virtuelle du groupe consultatif stratégique américano-israélien (SCG) avec des représentants des agences de politique étrangère, de défense et de renseignement des deux pays. La dernière réunion du groupe remonte à juin.
« Les officiels ont passé en revue les développements régionaux importants depuis la dernière réunion du SCG, y compris la situation actuelle concernant l’Iran », selon un compte-rendu de la Maison Blanche.
« Ils ont également discuté du renforcement des relations militaires entre l’Iran et la Russie, y compris la fourniture d’armes que le Kremlin déploie contre l’Ukraine, en ciblant son infrastructure civile, et la transmission par la Russie de technologies militaires à l’Iran en retour », indique le communiqué.
Les responsables ont également exprimé leur engagement à contrer les menaces iraniennes et à veiller à ce que Téhéran ne se dote pas de l’arme nucléaire, et ont discuté des sanctions économiques contre l’Iran. Les deux parties ont passé en revue la coopération et les exercices organisés entre les forces armées américaines et israéliennes et ont discuté du renforcement de la sécurité d’Israël et de son intégration économique dans la région, selon la Maison Blanche.
Israël réclame depuis longtemps une position plus agressive des États-Unis à l’égard de l’Iran, estimant que les États-Unis doivent se montrer crédibles dans leur menace militaire afin de dissuader Téhéran de développer une arme nucléaire. Bien que Biden ait déclaré qu’il utiliserait la force militaire contre l’Iran si nécessaire, son administration persiste à affirmer qu’elle préfère une solution diplomatique au problème, même si le président a reconnu que les pourparlers visant à relancer l’accord nucléaire étaient « morts ».
Israël a fait pression sur les États-Unis pour qu’ils proposent un « plan B » dans l’éventualité très probable que les négociations échouent, mais l’administration Biden s’est montrée réticente à en discuter publiquement.
Hulata a profité de l’occasion pour annoncer qu’il ne resterait pas dans le prochain gouvernement. Netanyahu ne l’aurait probablement pas gardé comme conseiller à la sécurité nationale.
L’administration Biden a entretenu des relations plus chaleureuses avec le gouvernement sortant dirigé par l’ancien premier ministre Naftali Bennett et le premier ministre sortant Yair Lapid, grâce à la volonté de ces derniers de faire avancer une série de mesures visant à améliorer les conditions de vie des Palestiniens en Cisjordanie et à Gaza.
Bien que ces mesures risquent de ne pas être maintenues par le prochain gouvernement, les responsables de Biden ont rappelé que le président américain et Netanyahu entretiennent de bonnes relations de travail depuis quarante ans.
Deux responsables américains ont déclaré à Politico en début de semaine que l’administration Biden consulterait ouvertement Netanyahu sur toute question sérieuse concernant les Palestiniens ou les liens entre Israël et les États arabes.
Cette politique – confirmée au Times of Israel par un haut fonctionnaire américain – permet aux États-Unis d’éviter de traiter avec les éléments les plus radicaux du prochain gouvernement, tels que le futur ministre des Finances Bezalel Smotrich, le futur ministre de la Sécurité nationale Itamar Ben Gvir, et Avi Maoz, le législateur anti-LGBT nommé vice-ministre au cabinet du Premier ministre.
Les responsables de l’administration Biden ont éludé les questions récurrentes concernant leur intention de dialoguer avec certains de ces législateurs, et la Maison Blanche a tenu une réunion à ce sujet au début du mois, sans toutefois prendre de décision finale.
« Bibi dit qu’il peut contrôler son gouvernement, alors voyons comment il s’en sort », a déclaré l’un des responsables américains anonymes cité par Politico, faisant référence à Netanyahu par son surnom.
Les deux responsables américains ont évité de mentionner la possibilité d’utiliser l’aide militaire américaine à Israël pour faire pression sur Netanyahu, ce à quoi Biden s’est opposé à plusieurs reprises.
Ils ont déclaré qu’il existait d’autres options que les reproches rhétoriques, soulignant le désir de Netanyahu pour une politique américaine plus stricte envers l’Iran et la négociation via Washington d’un accord de normalisation entre Israël et l’Arabie saoudite.
Le responsable a indiqué qu’il ne fallait pas toutefois négliger le poids des réprimandes publiques, affirmant qu’Israël les prenait au sérieux vu son désir de maintenir l’image des liens étroits que Jérusalem entretient avec Washington.