Israël en guerre - Jour 465

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Brisant le silence, Bennett reconnaît des erreurs et s’adresse au gouvernement

Dans une interview-fleuve de cinq heures, l'ex-Premier ministre déplore les clivages dans le pays et demande à la nouvelle coalition de ne pas "céder à l'ivresse du pouvoir"

Sept mois après la fin de son passage au poste de Premier ministre dans le cadre d’un mandat controversé et plusieurs mois après son retrait de la vie politique, Naftali Bennett a brisé le silence en accordant une longue interview-fleuve qui a duré cinq heures – un entretien dans lequel il a reconnu avoir commis plusieurs erreurs lors de la formation de sa coalition idéologiquement très diversifiée. Il a également exprimé son inquiétude face à un climat de plus en plus toxique et de plus en plus clivant dans la politique israélienne, et il a appelé le gouvernement actuel à cesser d’agir « avec méchanceté ».

Dans une conversation prévue avec Hanoch Daum, auteur et comédien, Bennett a fait savoir qu’il ne s’exprimerait que si l’entretien était diffusé dans son intégralité. Il a donc publié samedi soir cette discussion – elle a duré cinq heures – sur sa chaîne YouTube. Elle est sous-titrée en anglais.

Bennett évoque en profondeur l’histoire extraordinaire de son improbable accession au pouvoir et de sa chute spectaculaire après une année passée à la barre de l’État juif.

Bennett — Premier ministre religieux issu du parti nationaliste Yamina qui avait gagné seulement sept sièges à la Knesset – s’était uni avec des politiciens de gauche, centristes et de droite en 2021 pour mettre en place une coalition sans précédent composée de factions aux idéologies contradictoires, une coalition qui avait aussi intégré pour la première fois un parti islamiste arabe, Raam.

Cette initiative d’union qui avait écarté du pouvoir Netanyahu – lui-même Premier ministre israélien depuis 12 ans – avait également suivi une crise politique sans équivalent marquée par quatre élections nationales en moins de trois ans. Bennett était devenu en conséquence un paria à la droite de l’échiquier politique qui l’avait accusé d’avoir trahi une promesse électorale déterminante. Elle avait entraîné une campagne sans merci et incessante contre son gouvernement d’unité avec le leader de Yesh Atid, Yair Lapid, mis en place à l’aide d’une majorité minuscule. Finalement, des membres de la formation de Bennett n’avaient plus pu résister aux pressions exercées par une opposition féroce et le gouvernement s’était effondré.

Le bloc de Netanyahu a remporté le dernier scrutin, au mois de novembre – des élections où Bennett ne s’est pas présenté – et il a constitué le gouvernement le plus à droite de l’histoire du pays. La coalition actuelle veut procéder à une refonte radicale du système judiciaire qui, selon ses très nombreux critiques, détruira la nature démocratique du pays.

L’ancien Premier ministre Naftali Bennett lors d’une interview rendue publique le 4 février 2023. (Capture d’écran : YouTube; used in accordance with Clause 27a of the Copyright Law)

Au cours de son entretien, Bennett déclare que malgré les événements qui se sont déroulés ces dernières années, il conserve les mêmes points de vue – même si ses priorités ont changé.

« Mes priorités aujourd’hui sont l’unité, davantage de modération, de la pro-activité. Beaucoup d’actions, moins de paroles », explique-t-il.

Il dit ne ressentir aucune animosité à l’égard de Netanyahu, même s’il ne l’admire plus comme il pouvait l’admirer dans le passé.

Bennett indique qu’il a compris la colère et le sentiment de trahison qui ont été ressentis par un grand nombre de ses électeurs suite à sa décision de rompre sa promesse de ne jamais former un gouvernement avec Lapid et avec la gauche. Il déclare qu’il voulait véritablement respecter cet engagement à l’époque mais qu’il a été confronté à un choix impossible : celui de mettre en place d’un gouvernement « contre-nature » ou d’envoyer le pays aux urnes, aggravant encore plus la crise politique sévère que traversait le pays et précipitant potentiellement ce dernier « dans le gouffre ».

Bennett admet, devant les caméras, avoir fait une erreur en jurant de ne jamais s’unir à Lapid. Il insiste néanmoins de manière répétée sur le fait que sa décision de former le gouvernement a été la bonne décision à prendre pour Israël et que sa seule motivation a été l’inquiétude qu’il ressentait alors pour le pays – et il affirme que jamais son ambition personnelle ou le désir de déloger Netanyahu, comme l’affirment le nouveau Premier ministre et son cercle, ne sont entrés en jeu dans cette initiative.

Le Premier ministre Naftali Bennett, le ministre des Affaires étrangères Yair Lapid, le président Reuven Rivlin et les ministres posent pour une photo de groupe du gouvernement qui vient d’être investi à la résidence du président de Jérusalem, le 14 juin 2021. (Crédit : Yonatan Sindel/Flash90)

L’ex-Premier ministre reconnaît également que la composition de son gouvernement n’était pas « bonne », que le public israélien n’était pas prêt à accepter un parti arabe dans le cadre de la coalition et qu’il a fait une erreur en incluant majoritairement des partis juifs dirigés par des ashkénazes au détriment d’autres éléments de la société. Ce qui a marginalisé, estime-t-il, la population séfarade, plus faible au niveau socio-économique, et renforcé l’impression d’une union de l’élite sociale dans le but de mettre à l’écart le leader de la communauté marginalisée, Netanyahu.

« J’ai établi une coalition avec Avoda, avec Meretz, Yesh Atid – qui sont tous considérés comme des Ashkénazes laïcs… Ce n’est pas seulement que j’ai écarté Netanyahu du pouvoir ; de leur point de vue, je me suis uni avec ceux qui les avaient rejetés pendant toutes ces années, j’ai écarté celui qui les défendait », note Bennett. « Netanyahu, depuis longtemps, n’est plus un homme ordinaire mais il est une figure emblématique, comme l’étoile de David ou la ménorah, un symbole de l’État… Et moi, je me suis uni à l’élite. »

Il reconnaît une autre erreur : celle d’avoir négligé la nécessité de consolider le soutien au gouvernement au sein de son propre parti, ce qui a finalement entraîné la rébellion de certains députés et, ce faisant, l’effondrement de la coalition. « Il y a eu plusieurs erreurs ; l’une d’entre elles a été de ne pas m’impliquer dans cette mission politique », dit-il.

Bennett admet aussi avoir sous-estimé l’efficacité de « la machine à poison » qui s’est déversée sur lui et sur son gouvernement, ajoutant qu’une campagne similaire a aussi été lancée contre Netanyahu depuis qu’il est arrivé pour la première fois aux responsabilités, dans les années 1990.

Le Premier ministre Naftali Bennett marche à côté du leader de l’opposition Benjamin Netanyahu dans la salle de l’assemblée pour une session spéciale en mémoire du premier Premier ministre israélien David Ben Gurion, le 8 novembre 2021. (Crédit: Olivier Fitoussi/Flash90)

L’opposition dirigée par Netanyahu, accuse Bennett dans son entretien, a contrevenu aux règles du jeu politique tacites et elle a pris des initiatives « qui ne se font tout simplement pas » – comme voter contre des lois déterminantes que le bloc du chef du Likud approuvait malgré tout au niveau idéologique, comme ça avait été le cas de la prolongation des mesures d’urgence qui déterminent le contrôle militaire sur la Cisjordanie et qui protègent les habitants des implantations.

En contraste, affirme-t-il devant les caméras, lui-même a mis un point d’honneur à témoigner du respect à l’égard de Netanyahu. Il raconte en exemple avoir offert au responsable du Likud le fauteuil de Premier ministre pendant la réunion de la passation de pouvoir organisée entre les deux hommes, alors même que Netanyahu n’était plus Premier ministre et que lui-même avait pris ses fonctions depuis 24 heures.

Bennett raconte que Netanyahu a tu de nombreuses informations pendant cette rencontre de passation de pouvoir – restée dans les mémoires parce qu’elle n’avait duré que 20 minutes. Il ajoute qu’il a dû lui-même chercher de nombreuses informations auprès d’autres responsables, au prix d’un travail fastidieux.

Se remémorant ses actions de Premier ministre sur la scène internationale, Bennett donne le détail, dans cet entretien, des « concessions », dit-il, faites par les leaders russe et ukrainien pendant son travail de médiation suite à l’invasion russe de l’Ukraine. Il déclare que Vladimir Poutine lui a fait la promesse de ne pas assassiner son homologue ukrainien, Volodymyr Zelensky, tandis que ce dernier a consenti à renoncer à rejoindre l’OTAN.

Le président américain, Joe Biden avec le Premier ministre de l’époque Naftali Bennett à la Maison Blanche, à Washington, DC, le 27 août 2021. (Crédit : Sarahbeth Maney-Pool/Getty Images/AFP)

Il laisse aussi entendre qu’il a su préserver la liberté d’Israël à passer à l’action militaire contre le programme nucléaire iranien sans coordination préalable avec les États-Unis.

Pendant une rencontre avec le président américain Joe Biden à Washington, note-t-il, le président lui a demandé « de me promettre que vous me tiendrez au courant de toute action entreprise en Iran »… Et j’ai répondu : « M. le président, il y aura des moments où vous ne souhaiterez pas trop en savoir mais, pour parler de manière générale, je garderai votre demande à l’esprit s’agissant des grandes lignes ».

Biden « a parfaitement compris » ce qu’il voulait dire, continue Bennett.

S’exprimant sur le plan de refonte judiciaire radicale envisagée par le gouvernement et sur l’opposition féroce à ces réformes, Bennett exprime son inquiétude face à l’absence de dialogue sur des sujets pourtant déterminants.

« Les gens ont peur. Il y a une vraie crainte que ce pays soit perdu », dit Bennett pendant l’interview, ajoutant qu’il s’inquiète de « ce que les gens ne cessent d’envoyer leurs enfants dans les unités de combat de Tsahal » en signe de protestation.

Donnant un conseil aux responsables du nouveau gouvernement, Bennett leur recommande vivement « de ne pas céder à l’ivresse du pouvoir » sous peine de prendre le risque de connaître « un retour de bâton ». Pour appuyer ses propos, il cite Winston Churchill : « Défiance dans la défaite, magnanimité dans la victoire ».

« Soyez magnanimes. Les membres de la gauche ne sont pas des ennemis. Ils font partie de nous, ce sont nos frères. Ne piétinez personne, ne soyez pas méchants. Qu’allez-vous obtenir en agissant ainsi ? Est-ce que vous voulez vraiment que le secteur de la hi-tech et que les scientifiques partent à l’étranger ? »

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