Certains des principaux adversaires de Netanyahu pourraient faciliter son retour
Il reste encore plus de six semaines avant le scrutin, mais l’explosion de la Liste arabe unie pourrait s’avérer décisive sur l'issue des élections
David est le fondateur et le rédacteur en chef du Times of Israel. Il était auparavant rédacteur en chef du Jerusalem Post et du Jerusalem Report. Il est l’auteur de « Un peu trop près de Dieu : les frissons et la panique d’une vie en Israël » (2000) et « Nature morte avec les poseurs de bombes : Israël à l’ère du terrorisme » (2004).
Il reste encore plus de six semaines avant les élections, et le Likud se garde de tout triomphalisme prématuré, mais la scission de dernière minute intervenue, jeudi, au sein de la Liste arabe unie pourrait avoir considérablement amélioré les chances d’un retour au pouvoir de Benjamin Netanyahu.
Son bloc de droite, composé du Likud, de HaTzionout HaDatit, Shas et Yahadout HaTorah, était, avant cela, crédité de 59 sièges (y compris dans le sondage du Times of Israel de la semaine passée), bien plus donc que les 52 sièges remportés lors des élections de mars 2021.
Deux sondages télévisés effectués vendredi soir créditent maintenant le bloc Netanyahu de 60 sièges, à un siège seulement de la majorité à la Knesset.
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Avant la rupture, l’alliance tripartite de la Liste arabe unie s’acheminait vers un score de 5 à 6 sièges, rien d’exceptionnel donc.
Mais Balad, parti ouvertement anti-sioniste de la Liste arabe unie, a souhaité se présenter seul, pour des raisons très commentées et contestées. Depuis, ses deux ex-partenaires, Hadash et Taal, vacillent, avec des estimations de l’ordre de 4 sièges, soit à peine au-dessus du seuil d’éligibilité la Knesset. Balad, pour sa part, serait loin d’atteindre le seuil.
Au lieu de contribuer à ce que la Liste arabe unie remporte 5 à 6 sièges, comme il était prévu jusqu’à jeudi, Balad, en quittant la Liste arabe unie et entamant une course en solo, s’est donc non seulement tiré une balle dans le pied, mais pourrait finir par condamner l’un voire les deux autres partis arabes.
C’est assurément un coup de pouce inattendu pour Netanyahu.
L’histoire récente montre que plus les représentants de la communauté arabe à la Knesset sont divisés, plus la participation est faible et plus leur résultat est mauvais.
Pas plus tard qu’en 2020, la Liste arabe unie, qui comptait alors également le parti islamiste Raam dans ses rangs, remportait 15 sièges, record inégalé à ce jour. Les sondages de vendredi soir montrent que ces quatre mêmes partis, aujourd’hui divisés en trois listes concurrentes, ne devraient en obtenir que 8.
Encore une fois, il reste plus de six semaines et il est possible que les trois listes soient in fine représentées à la Knesset. Possible, mais hautement improbable.
Il est également possible que le score de Hadash-Taal et de Raam augmente d’ici novembre, et que les deux s’associent au Premier ministre sortant, Yair Lapid, – ce que Balad ne fera pas – pour l’aider à établir une majorité à la Knesset. Ce scénario même est peu probable, ne serait-ce que parce que les alliés de droite de Lapid au sein de la coalition sortante pourraient ne pas l’accepter.
Ayman Odeh, chef de Hadash, a indiqué vendredi soir que l’électorat arabe, conscient de la gravité de la situation, voterait en grand nombre, afin d’empêcher le retour de Netanyahu et l’avènement d’un gouvernement au sein duquel les dirigeants d’extrême droite Bezalel Smotrich et Itamar Ben Gvir pourraient occuper des postes ministériels de premier plan.
Mais la scission de jeudi – intervenue suite à des désaccords sur le titulaire de la sixième place de la Liste arabe unie (position qui n’aurait peut-être pas été gagnée de toute façon) – n’a pas permis à Odeh ou à ses collègues/rivaux de gagner en popularité auprès d’un électorat déjà peu enthousiaste.
Si l’éclatement de la Liste arabe unie permettait au final la victoire de Netanyahu, l’ironie de la situation serait terrible.
Les députés arabes d’Israël et leurs électeurs auraient ainsi facilité le retour d’un Premier ministre auquel ces députés s’opposent farouchement, qui en 2020 a tenté de priver les partis politiques arabes de toute légitimité et qui, le jour des élections de 2015, a fait en sorte de doper la participation de ses propres électeurs en leur disant que les Arabes allaient voter en masse.
In fine, selon les détails de l’arithmétique électorale et des négociations de coalition post-électorales, ils auraient contribué à ce que Smotrich, qui a appelé la semaine dernière à interdire les partis arabes actuels, et Ben Gvir, qui veut expulser les Arabes jugés déloyaux, deviennent de puissants ministres.
Dans la mesure où Balad s’oppose à l’idée même d’Israël en tant qu’État juif, ses dirigeants, et électeurs figureraient probablement sur la liste de d’expulsion de Ben Gvir.
Et ils auraient rapidement mis fin au mandat de Premier ministre de Lapid, dont la coalition, dirigée durant sa première année par Naftali Bennett, comptait un parti arabe (Raam), acteur politique à part entière, et luttait activement contre la criminalité en secteur arabe.
En politicien aguerri, Netanyahu a fait un travail remarquable avant la date limite [de dépôt des listes électorales] jeudi dernier, offrant un contraste saisissant avec Lapid.
Il est parvenu à désamorcer les ferments de désunion qui menaçaient de rupture la liste Yahadout HaTorah, rassurer ses dirigeants et électeurs en s’engageant à financer les écoles ultra-orthodoxes qui n’enseignent pas des matières de base telles que les mathématiques ou l’anglais.
Il a obtenu que Smotrich fasse taire ses réticences et maintienne son partenariat avec le populaire mais dangereux Ben Gvir, mais aussi qu’un représentant du parti anti-LGBTQ Noam se joigne de nouveau à eux. Il s’est investi personnellement pour s’associer à un parti extrémiste (comme il l’a fait pendant des années avec Otzma Yehudit de Ben Gvir) et s’assurer que les quelques milliers de suffrages correspondants ne soient pas perdus pour lui.
Il est allé jusqu’à tendre la main aux électeurs arabes, auxquels il a promis une « nouvelle ère ». Si cette initiative ne lui fait pas réellement engranger davantage de votes arabes, elle pourrait persuader les électeurs anti-Netanyahu d’envisager un autre positionnement.
Ses soutiens ont également lancé une offensive contre les alliés de Lapid, notamment le parti Yisrael Beytenu d’Avigdor Liberman, qu’ils estiment vulnérable. Ils feront à coup sûr le maximum pour empêcher les suffrages de droite d’aller vers HaBayit HaYehudi, de la ministre de l’Intérieur Ayelet Shaked.
Lapid, pour sa part, s’est révélé incapable de persuader Merav Michaeli, d’Avoda, de fusionner avec le Meretz de Zehava Galon, malgré le risque que l’un d’entre eux – sinon les deux – glissent sous le seuil d’éligibilité.
Quant à la scission de la Liste arabe unie, soit il l’a voulue pour avantager son bloc, comme Balad le suggère étrangement, et il le nie (mais ce serait une immense erreur tactique), soit il n’en savait rien.
Bien sûr, il avait un pays à diriger, mais Netanyahu aussi, pendant ces 12 années riches en scrutins, de 2009 à 2021.
La clôture du dépôt des listes, jeudi soir, marque le début de la campagne électorale de 2022.
Beaucoup de choses peuvent encore se passer – et se passeront très certainement -, mais l’explosion de dernière minute de la Liste arabe unie rend la tâche de Lapid pour se maintenir au pouvoir plus difficile et le retour au pouvoir de Netanyahu plus probable encore.
Ironiquement, certains de ses adversaires politiques les plus acharnés y auront contribué.
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David Horovitz, rédacteur en chef et fondateur du Times of Israel