Contre la haine, des membres d’une ONG de Brooklyn publient un roman graphique
Six membres de l'association We Are All Brooklyn Fellowship Against Hate racontent leur histoire dans le cadre d'un projet lancé par le Conseil des relations de la communauté juive de New York
New York Jewish Week — Dans le tout nouveau roman graphique, « We Are Brooklyn : Stories of Hope », Francil Tejada parle de la République dominicaine qui l’a vue naître et de la mort de sa grand-mère, qui l’a inspirée à changer sa façon d’envisager les autres et de leur montrer son affection.
C’est l’histoire d’une personne mais en même temps celle de Brooklyn et des Etats-Unis – l’une des six racontées dans le cadre du projet de lutte contre la haine impulsé par le Jewish Community Relations Council of New York [NDLT : Conseil des relations extérieures de la communauté juive de New York]. D’autres encore racontent le voyage d’un imam à Auschwitz ou une enfance juive en Allemagne.
Les coauteurs de ce roman graphique sont lauréats de la 3ème édition de We Are All Brooklyn Fellowship Against Hate, fruit du partenariat entre le Center for Shared Society du Jewish Community Relations Council of New York et des services du maire chargés de la prévention des crimes de haine.
Accessible aux membres d’ONG de Brooklyn impliqués dans la lutte contre les violences liées aux préjugés, la bourse leur a permis de se voir à sept reprises ces six derniers mois. Juifs ou non, les 16 lauréats de cette troisième édition, qui ont obtenu leur diplôme en juin dernier sont représentatifs de la diversité de Brooklyn.
Cette bourse a permis à ses lauréats d’évoquer leurs différences et de réfléchir aux possibles stratégies de lutte contre l’intolérance, explique Deborah Greenblatt, professeure adjointe au Medgar Evers College, où elle forme les futurs enseignants à l’éducation élémentaire et multiculturelle.
« C’est vraiment important », poursuit-elle, « non seulement c’était un peu comme mon groupe du Medgar Evers College – une grande diversifié de personnes, toutes différentes de ce que je suis, avec lesquelles j’avais des valeurs communes – mais avec en plus cette dimension juive qui m’a permis de rencontrer des gens tout bonnement incroyables, avec les mêmes origines que moi tout en étant totalement différents dans l’expression de leur judaïsme.
Ce roman graphique, mis en vente lundi soir dans les locaux de l’ONG juive progressiste Repair the World est un de ses projets-phares. Les six histoires qui en sont la trame ont été adaptées sous forme dessinée par l’un des lauréats, Julian Voloj, par ailleurs auteur de romans graphiques et directeur exécutif de Be’chol Lashon – organisation qui propose des programmes sur la diversité et les Juifs de couleur au sein des espaces juifs. Les illustrations sont de la main de l’artiste brésilien Wagner Willian, à des conditions tarifaires privilégiées.
Le groupe aurait pu envisager un projet plus simple (le plus dur a été de s’assurer que les lauréats livrent leur témoignage dans les temps requis), mais l’idée du roman graphique s’est imposée naturellement, explique Voloj.
« En gros, cela a été la toute première proposition », poursuit-il. « Et tout le monde a dit : « OK. Ça marche. Faisons ça. OK! Voilà, c’était simple ! »
Voloj a évoqué son enfance juive en Allemagne et la découverte du nom de son arrière-grand-père, qui est aussi le sien, dans une copie du texte de la Torah trouvée dans une synagogue ancienne, en Hongrie.
(Voloj est marié à Lisa Keys, rédactrice en chef de la New York Jewish Week, qui n’a participé ni à l’écriture ni à l’édition de cet article.)
Principale responsable de Diaspora Community Services, organisation de soutien social multiculturel, Tejada souligne qu’elle était très désireuse de rencontrer d’autres personnes de Brooklyn œuvrant dans le même domaine que le sien. C’est ainsi qu’elle a fait sa demande et rejoint le groupe des lauréats de janvier à juin 2024.
L’un des exercices de la communauté qui l’a vraiment marquée, dit-elle, est l’échange de points de vue. « La plupart du temps, ma partenaire et moi avions des positions radicalement différentes : j’avais mes arguments, elle, les siens, ce qui fait que je comprenais ses raisons », explique Tejada.
« Elle voyait beaucoup de choses de son point de vue de mère ou de femme, voire sur le plan ethnique, tout comme moi. Différents points de vue peuvent donner des réponses différentes. Et cela n’est pas forcément une mauvaise chose. »
Au cours des six mois qu’a duré la bourse, le groupe s’est rendu à Washington, DC, et certains lauréats ont organisé un festival de danse et de musique multiculturel au Brooklyn Children’s Museum, en août.
Directrice adjointe des initiatives du Brooklyn au Center for Shared Society, Dani Kogan a été particulièrement marquée par le coup de fil de l’un des lauréats suite au débat présidentiel entre Donald Trump et Kamala Harris.
Trump y avait tenu à plusieurs reprises des propos parfaitement infondés sur les immigrants haïtiens, supposés mangeurs de chiens et de chats à Springfield, dans l’Ohio. Le lauréat en question a tenu à organiser une manifestation en soutien à la communauté haïtienne et aux enfants victimes d’intimidation dans le cadre scolaire.
« Des représentants du Jewish Community Relations Council of New York sont venus, et d’autres aussi », a expliqué Kogan lors de la réception organisée pour la sortie du roman graphique, lundi. « Cette manifestation était d’autant plus forte que nous y étions tous ensemble. C’est tout le pouvoir de cette communauté, ces liens que l’on renforce au quotidien pour que tout cela continue. »
Greenblatt, qui a grandi dans les environs de New York, dit que c’est au sein de sa propre communauté culturelle et religieuse qu’elle s’est familiarisée avec la diversité, à commencer par les différents groupes d’immigrants juifs de New York.
« J’ai beaucoup réfléchi à ce que je suis, à ce que le fait d’être juif signifie pour moi, ce que la communauté signifie pour moi, à comment faire partie d’une communauté diverse tout en gardant une identité forte sans pour autant me sentir mal », explique Greenblatt.
« Pour quelqu’un qui a été élevé dans le multiculturalsime et est pétri de diversité, équité et inclusion, c’est naturel de se mettre à la place de l’autre et de le défendre. Mais il faut aussi se demander : Qui se met à ma place, qui me défend ? »
Le Medgar Evers College, souligne Greenblatt, a été pour l’essentiel épargné par le problème d’antisémitisme qui a, notamment, déferlé sur les campus membres de la City University de New York ces derniers mois, depuis l’attaque perpétrée par le Hamas le 7 octobre, qui a coûté la vie à 1 200 personnes dans le sud d’Israël et fait 251 otages séquestrés dans la bande de Gaza, sans oublier la guerre entre Israël et le Hamas qui s’en est suivie.
Cette bourse, dit-elle, lui a permis de parler de ses sentiments sur la guerre et Israël.
« Avoir cet endroit sûr pour en parler, que ce soit avec les Juifs ou non-Juifs dans cette communauté, m’a été extrêmement profitable », précise Greenblatt.
Pour l’heure, le roman graphique est commercialisé par le Jewish Community Relations Council of New York contre une contribution proposée de 5 dollars qui sera reversée à Be’chol Lashon.
Voloj réfléchit aux moyens de faire connaître « We Are Brooklyn » à un public plus large.
« J’ai quelques idées, mais je crois que nous voulons quelque chose d’ambitieux », explique Voloj. « Et je suis persuadé que nous pouvons faire beaucoup plus. Nous pourrions organiser un événement Be’chol Lashon, par exemple une table-ronde avec des intervenants, quelque chose dans ce style. Ce serait parfait pour rassembler. »
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