Israël en guerre - Jour 592

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Dans la ville du moine antisémite Luther, la « truie des juifs » sème la discorde

Retrait du bas-relief, ajout d'une plaque explicative, pétition, enseigner les écrits notoirement antisémites de Luther, voici les solutions proposées

Cette gravure qui figure sur la façade de l'église St. Marien à Wittenberg, en Allemagne, représente des Juifs tétant une truie. (Crédit : Toni L. Kamins)
Cette gravure qui figure sur la façade de l'église St. Marien à Wittenberg, en Allemagne, représente des Juifs tétant une truie. (Crédit : Toni L. Kamins)

Faut-il retirer un bas-relief antisémite de l’église de Wittenberg où prêchait Luther ? La controverse agite bien au-delà de la communauté protestante en Allemagne, qui célèbre mardi dans cette ville le 500e anniversaire de la Réforme.

A huit mètres de hauteur, la « truie des Juifs » orne depuis le Moyen-Âge l’aile sud de l’Eglise Sainte-Marie de Wittenberg. Des Juifs et des porcelets tètent le lait d’une truie pendant qu’un rabbin soulève la patte et la queue de l’animal pour scruter son anus.

Ce motif animalier métaphorique, qui visait à provoquer l’aversion pour les Juifs, dérange à Wittenberg.

C’est dans cette ville à moins de 100 km au sud-ouest de Berlin que le moine Martin Luther placarda ses 95 thèses contre les indulgences de l’Eglise catholique, le 31 octobre 1517, marquant la naissance de la réforme protestante.

Il le fit sur les portes d’une autre église de la ville, la Schlosskirche, où ont lieu mardi les cérémonies du 500e anniversaire en présence d’Angela Merkel. Mais c’est bien dans l’église Sainte-Marie que le théologien allemand (1483-1546) prêcha pour la première fois en allemand. L’édifice est aujourd’hui classé au Patrimoine mondial de l’humanité.

La gêne est d’autant plus grande que l’antisémitisme de Martin Luther a été abondamment documenté par les historiens. Il exhorta à l’époque à brûler les synagogues et rédigea le libelle « Des Juifs et de leurs mensonges ».

Décrivant le bas-relief ornant son église, le théologien jugeait ainsi que dans l’anus de la truie se trouvait certainement le Dieu des Juifs.

Plusieurs dizaines d’édifices religieux, en Allemagne essentiellement, présentent une telle « truie des Juifs » en bas-relief ou en gargouilles comme la cathédrale de Cologne ou la Collégiale Saint-Martin de Colmar, en France.

Face sombre

A l’occasion du 500e anniversaire, Angela Merkel, elle-même fille de pasteur, a rappelé la face sombre de Luther. Il faut, a-t-elle insisté, porter un regard « très critique » sur l’antisémitisme du père du protestantisme.

La chancelière allemande Angela Merkel lors d’une allocution prononcée devant la coalition interparlementaire de lutte contre l’antisémitisme, le 14 mars 2016. (Crédit : capture d’écran YouTube)
La chancelière allemande Angela Merkel lors d’une allocution prononcée devant la coalition interparlementaire de lutte contre l’antisémitisme, le 14 mars 2016. (Crédit : capture d’écran YouTube)

Depuis le printemps, des pétitions circulent pour faire retirer l’oeuvre calomnieuse ou pour qu’elle soit assortie d’un monument explicatif la replaçant dans son contexte historique. Depuis l’époque communiste est-allemande, il existe déjà une plaque au pied de l’édifice mais ses détracteurs la jugent insuffisante.

« Il ne serait pas juste historiquement de retirer le bas-relief », indique à l’AFP Micha Brumlik, professeur des sciences de l’éducation, qui a pris la tête d’un mouvement contre la « truie des Juifs ».

« Mais par respect pour ce qu’il est advenu plus tard des Juifs, il faut agrandir le monument existant et rendre les explications plus claires », prône-t-il.

Sur la place centrale de Wittenberg, M. Brumlick est d’ailleurs venu lire en public les écrits antisémites de Luther.

« C’est une statue horrible, obscène et antisémite », s’emporte de son côté le théologien britannique Richard Harvey, qui se définit comme juif messianique, sur une vidéo postée sur YouTube.

Il affirme avoir réuni quelque 8 000 signatures pour un retrait du bas-relief.

Manifestations silencieuses

Dans la cité, plusieurs manifestations se sont tenues chaque semaine sur la place du Marché. Sur les banderoles des participants : « Après Auschwitz, faut-il maintenir la ‘truie des juifs’? ».

A leur tête, un pasteur de Leipzig, Thomas Piehler, qui souhaite, lui, le déménagement du bas-relief dans un musée.

Car alors « on peut réfléchir scientifiquement à l’antisémitisme de Luther et donner ainsi la possibilité aux générations suivantes (…) de prendre leurs distances », a-t-il expliqué à la radio publique.

Mais la mairie estime que la plaque explicative installée en 1988 suffit.

En juin, le conseil municipal a adopté une résolution appelant au maintien du bas-relief comme témoin d’une époque troublée. « Nous sommes persuadés que l’Histoire consiste à ne pas oublier sa face sombre mais à s’y confronter », a également insisté le pasteur de l’église, Johannes Block, à la télévision publique ZDF.

Mais le malaise demeure notamment parce que le parti d’extrême-droite l’Alternative pour l’Allemagne (AfD), qui s’est mélé au débat, souhaite également un statu-quo. Pour lui, ceux « qui ont aujourd’hui un problème avec les Juifs » sont en fait des personnes « d’origine arabo-musulmane ».

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