De l’autre côté de la frontière, le régime syrien s’effondre mais la vie continue à Katzrin, dans le Golan
Les habitants de la "capitale du Golan" vaquaient à leurs occupations habituelles, ce dimanche. Certains se disent inquiets des changements historiques en cours à quelques minutes de là
KATZRIN – Dimanche, alors que la nouvelle de la chute, à Damas, du dictateur Bachar al-Assad par l’avancée rapide des insurgés syriens était tombée, dans la ville de Katzrin, dans le nord d’Israël, non loin de la frontière, tout se passait comme à l’accoutumée.
Ville tranquille de près de 8 000 habitants, Katzrin, parfois présentée comme « la capitale du Golan », se trouve à 19 kilomètres seulement de la frontière syrienne et fait partie du territoire repris par Israël à la Syrie lors de la guerre des Six Jours, en 1967, et officiellement annexé par la suite.
Dans la principale zone commerciale située à l’entrée de la ville, les gens sont, comme d’habitude, venus faire leurs courses au supermarché ou faire le plein d’essence. Les soldats étaient partout : il y avait de jeunes conscrits qui mangeaient un morceau et des réservistes d’âge plus mûr qui se saluaient dans l’air vif et ensoleillé de cette journée hivernale.
« Aujourd’hui, ça va bien », annonce Vered, femme juive religieuse coiffée d’un chapeau qui ne souhaite pas donner son nom de famille.
Avec son jeune fils dans les bras, au moment de témoigner pour le Times of Israel non loin d’un abri en béton mobile situé devant le supermarché, elle explique : « C’est calme aujourd’hui et nous avons une armée forte pour nous protéger : ça se sent. Malgré les difficultés, la vie est agréable. »
Peuplée de laïcs et de religieux, Katzrin attire les personnes en quête d’une vie en plein air, de prix de l’immobilier plus bas et d’un sentiment de communauté. La ville est calme et dépourvue d’immeubles de grande hauteur mais dispose d’un quartier d’affaires actif, d’un parc archéologique et d’un établissement relevant de l’Université de Tel Hai.
Traditionnellement, nombre d’habitants de Katzrin gagnaient leur vie grâce au tourisme, secteur durement affecté, depuis le 7 octobre 2023, par la guerre que se livrent Israël et le Hamas depuis que des milliers de terroristes conduits par ce dernier ont fait irruption dans le sud d’Israël pour y massacrer 1 200 personnes et faire 251 otages séquestrés à Gaza. Le Hezbollah a, depuis le sud-Liban, tiré sur le nord d’Israël dès le lendemain du pogrom du 7 octobre 2023, y compris sur le plateau du Golan, où des missiles ont déclenché de vastes incendies de forêt l’été dernier. Certains missiles sont tombés sur des maisons de Katzrin.
Depuis le début de la guerre civile syrienne, en 2011, les habitants de Katzrin et du plateau du Golan sont habitués au bruit des bombes et de la guerre qui se déroule de l’autre côté de la frontière.
Le succès spectaculaire d’Israël contre le Hezbollah, ces derniers mois, sans oublier le récent cessez-le-feu entre Israël et le Liban, ne changent pas vraiment la vie de Katzrin mais ce qui se passe en Syrie est de nature à dissuader les touristes de venir, explique Ori Zacharia, le propriétaire de « Han Zavitan », un centre touristique.
« Nous souffrons depuis plus d’un an », annonce Zacharia sans ambages, en montrant à ce journaliste des photos de son lieu de vacances, composé d’un restaurant, d’une boutique et de petits chalets destinés aux vacanciers. Il a fait du restaurant, fermé depuis un bout de temps maintenant, faute de clients, un lieu d’exposition avec des photos des otages israéliens aux mains de Gaza.
À côté du restaurant, il avait exposé des toilettes portables retrouvées sur les lieux du massacre du festival Supernova, dont les portes sont criblées d’impacts de balles.
Au festival Supernova, les terroristes du Hamas « étaient des meurtriers aveugles », et certains des insurgés islamistes qui revendiquent la victoire en Syrie sont « les mêmes », et Israël ferait bien de rester sur ses gardes, conseille-t-il.
La chute d’Assad est « un tremblement de terre majeur, à l’impact mondial » et « une conséquence des dégâts occasionnés par l’accord Sykes-Pikot [de 1916] », en vertu duquel les puissances européennes ont créé de nouveaux États à partir de l’ancien Empire ottoman à l’issue de la Première Guerre mondiale, en favorisant certains groupes ethniques et en en « punissant » d’autres, affirme Zacharia avec cette mise en perspective historique.
Espérons, ajoute-t-il, que le nouveau régime syrien laissera Israël tranquille et permettra aux touristes de revenir dans le Golan.
Réunion du triumvirat
De l’autre côté de Katzrin, dans l’ancien centre commercial construit autour d’une petite cour centrale, trois messieurs âgés discutent, en cet après-midi, assis à leur place habituelle, à côté du marché de fruits et légumes.
Interrogé sur leur perception des événements en cours en Syrie, Salim, originaire de la communauté druze, explique que sa famille entretient de bonnes relations avec les autorités israéliennes et que son père a même servi de guide au Premier ministre Benjamin Netanyahu lors d’un déplacememt dans le Golan, il y a des années de cela.
Avec le départ d’Assad, il dit en plaisantant : « C’est bon, je retourne en Syrie ! ».
« Vous avez déjà déménagé sans bouger de chez vous, alors pourquoi s’embêter ? » lui rétorque son ami Max, avec un léger accent russe.
« Faites confiance à Bibi pour nous protéger », dit avec assurance leur ami en utilisant le surnom de Netanyahu. « C’est mieux ici, avec nous tous. »
Dans le quartier des affaires de Katzrin, lieu tentaculaire composé d’entrepôts et de bureaux, Gabriel Bass, chef d’une entreprise spécialisé dans les objets traditionnels juifs et la menuiserie, explique que les habitants du Golan sont habitués à vivre au milieu du chaos.
« Nous faisons tout pour avoir une maison agréable et paisible, ici dans le Golan, mais on entend parler de toutes ces atrocités qui se passent à quelques kilomètres de là… C’est bel et bien là, mais cela ne va pas changer notre façon de vivre, parce que nous sommes habitués à vivre des choses difficiles depuis tellement longtemps. C’est juste quelque chose d’autre », ajoute-t-il.
Habitant du moshav Yonatan, un peu au sud de Katzrin, Bass dit qu’« il y a exactement deux jours », dans le sillage du cessez-le-feu au Liban, la communauté avait levé les barrages routiers installés à l’entrée de la ville il y a de cela plus d’un an et diminué les heures de l’équipe de sécurité.
Mais aujourd’hui, avec l’instabilité en Syrie, « peut-être que nous devrions tout rétablir. Ça va être bizarre pendant un moment », ajoute-t-il.
La situation en Syrie « est déconcertante parce que nous ne savons pas quels types d’armes les insurgés islamistes ont pris au gouvernement Assad », explique Shani, un habitant de Katzrin et ami de Bass qui préfère ne pas faire connaitre son nom de famille.
Il fait confiance à Tsahal pour les protéger, assure-t-il, et pense qu’« il serait imprudent, à ce stade, pour les insurgés islamistes de s’en prendre à nous ».
« Nous ne pouvons pas faire grand-chose, mais nous ne sommes pas inquiets, il n’y a pas de menace immédiate », estime Shani en précisant que, dans ses groupes WhatsApp, les gens, dimanche, « ne parlaient pas beaucoup » du changement de régime en Syrie ou ne se montraient pas particulièrement inquiets.
Tout le monde n’était pas aussi optimiste.
« Nous avons peur », admet Sarah, une maman sortant du supermarché avec sur le visage un masque facial de style COVID.
Sa famille et elle ont été évacués de Kiryat Shmona, explique-t-elle, et depuis la nouvelle du cessez-le-feu israélo-libanais, ils commençaient à se dire qu’ils allaient bientôt pouvoir rentrer chez eux lorsque la situation a radicalement changé en Syrie.
« Tout est redevenu incertain : nous ne savons pas vraiment quoi faire », conclut-elle.
... alors c’est le moment d'agir. Le Times of Israel est attaché à l’existence d’un Israël juif et démocratique, et le journalisme indépendant est l’une des meilleures garanties de ces valeurs démocratiques. Si, pour vous aussi, ces valeurs ont de l’importance, alors aidez-nous en rejoignant la communauté du Times of Israël.
Nous sommes ravis que vous ayez lu X articles du Times of Israël le mois dernier.
C'est pour cette raison que nous avons créé le Times of Israel, il y a de cela onze ans (neuf ans pour la version française) : offrir à des lecteurs avertis comme vous une information unique sur Israël et le monde juif.
Nous avons aujourd’hui une faveur à vous demander. Contrairement à d'autres organes de presse, notre site Internet est accessible à tous. Mais le travail de journalisme que nous faisons a un prix, aussi nous demandons aux lecteurs attachés à notre travail de nous soutenir en rejoignant la communauté du ToI.
Avec le montant de votre choix, vous pouvez nous aider à fournir un journalisme de qualité tout en bénéficiant d’une lecture du Times of Israël sans publicités.
Merci à vous,
David Horovitz, rédacteur en chef et fondateur du Times of Israel