Des députés de droite accusent des groupes “fascistes” de “dénoncer” des artistes de gauche
Im Tirtzu critiqué après une campagne listant les membres de l’élite culturelle israélienne qui ont exprimé leur soutien à des causes de gauche

Le groupe de droite amateur de controverses Im Tirtzu a fait face à un torrent de critiques jeudi après une campagne qui pointe des artistes israéliens associés à des organisations de gauche.
La campagne, lancée mercredi et intitulée « Taupes de la culture » comprend une liste d’artistes qui inclut nombre d’auteurs, acteurs et musiciens israéliens connus – dont les auteurs Amos Oz, David Grossman et A.B. Yehoshua, l’actrice Gila Almagor, et les chanteuses Rona Keinan and Chava Alberstein, les accusant d’être des « taupes » qui soutiennent des groupes de gauche qui reçoivent une partie de leur financement de gouvernements étrangers.
La campagne d’Im Tirtzu étend la campagne que le groupe a menée fin 2015 en accusant des figures dirigeantes d’organisations des droits de l’Homme en Israël d’être des « taupes » de pays étrangers.
Alors que le directeur d’Im Tirtzu, Matan Peleg, a maintenu pendant des interviews jeudi que la campagne était simplement un effort de prise de conscience, des artistes et des députés ont critiqué le groupe en retour, l’accusant d’être « fasciste » et sa campagne d’inciter [à la haine] et d’être calomnieuse.
L’une des réponses les plus furieuses à la Knesset est venue de Benny Begin, député vétéran du parti de droite Likud, qui a accusé Im Tirtzu de fascisme et a parlé d’une « nouvelle laideur » pour la campagne.
« Il y a un effort ici pour remplacer le mot ‘taupe’ par le mot ‘traître’, a-t-il déclaré jeudi à la radio publique israélienne. Pointer ainsi de soi-disant traitres est une vieille technique fasciste qui est à la fois laide et dangereuse. »

Begin, fils de l’ancien Premier ministre Menachem Behin, a appelé à une enquête sur les soutiens financiers d’Im Tirtzu pour qu’Israël puisse se débarrasser de « ce démon ».
D’autres importants députés de droite ont également attaqué la campagne, y compris le chef du parti HaBayit HaYehudi, Naftali Bennett, qui l’a qualifiée d’ « embarrassante et inutile ».
L’actrice Sarit Vino-Elad, qui figure sur la liste d’Im Tirtzu, a déclaré à la Deuxième chaîne jeudi matin qu’elle craignait les discours qui mènent à la violence. « Le sang peut couler à partir de cela, a-t-elle dit. Je suis certaine que tout cela finira par la violence, d’une manière ou d’une autre – nous n’en sommes pas loin après tout. »
Elle a assigné aux officiels du gouvernement de droite israélien une large part des responsabilités de « délégitimation » de la gauche. « Cette folle incitation [à la haine] n’arrive pas simplement derrière les portes fermées de la Knesset, mais ouvertement, dans les réunions de commission et les discussions plénières », a-t-elle déclaré.
L’actrice et satiriste Rivka Michaeli a déclaré que la campagne stigmatisait un groupe entier de personnes pour leurs croyances politiques. « J’espère que le peuple d’Israël va se réveiller et réaliser que les plus grandes divisions de l’histoire de ce pays peuvent se faire au nom du nationalisme », a-t-elle déclaré.
D’autres pointés par l’organisation semblaient moins inquiets pour leur sécurité. « Je ch*e sur la tête d’Im Tirtzu », a tweeté le journaliste de Globes Dror Feuer.
« Je suis fier d’être sur la liste et fier d’avoir assisté à un évènement de Breaking the silence ». Breaking the silence est une organisation qui encourage les vétérans de l’armée israélienne à révéler des abus contre les Palestiniens dont ils auraient été témoins ou acteurs pendant qu’ils servaient dans l’armée.

La campagne d’Im Tirtzu verra des panneaux publicitaires dans tout le pays liant des artistes avec des organisations qu’ils ont soutenues, et la publication d’un rapport listant des centaines d’individus que le groupe considère être de gauche.
Stay Shaffir, de l’Union sioniste, fait partie de la batterie de députés qui a dénoncé la campagne. Elle a déclaré qu’Im Tirtzu « sapait les fondations d’Israël en tant qu’Etat juif et démocratique », et devrait être proscrit pour « incitation [à la haine] ».
Le président du parti Yesh Atid a appelé les membres de l’organisation des « extrémistes qui ont perdu la tête », et a déclaré que cette « campagne de haine incite à la violence et franchit la ligne rouge ».
Peleg, le directeur d’Im Tirtzu, a repoussé les affirmations selon lesquelles la compagne était une chasse aux sorcières politiques, déclarant jeudi à la radio publique israélienne que le public avait le droit de connaître les affiliations politiques de ceux qui le divertissent.
« Je veux que le public sache que Gila Almagor est membre de B’Tselem », a-t-il déclaré, liant l’une des actrices de théâtre et de cinéma les plus respectées du pays à une organisation de défense des droits de l’Homme qui est souvent critique des politiques du gouvernement envers les Palestiniens en Cisjordanie.
Beaucoup de critiques d’Im Tirtzu ont lié ses actions à celles du sénateur Joseph McCarthy, qui a mené dans les années 1950 une campagne soutenu par l’état contre les américains supposés communistes, accusant beaucoup de membres du gouvernement et de l’élite culturelle d’être des agents soviétiques et des agitateurs, et dénonçant aussi les homosexuels. La vaste majorité de ces accusations a finalement été réfutée.
« Le maccarthysme israélien et les perdants le menant disparaitra juste comme il l’a fait aux Etats-Unis, a déclaré dans un communiqué Isaac Herzog, chef de l’opposition. La question est quand et que cela nous coutera-t-il. » Il a appelé Im Tirtzu, qu’il a ironiquement nommé les « champions de la transparence » à rendre publics tous leurs soutiens financiers pour que « nous puissions tous savoir d’où ils obtiennent leur argent pour leur misérable campagne. »

Mardi, Ronen Shoval, l’un des fondateurs d’Im Tirtzu, a défendu McCarthy sur les réseaux sociaux.
« [Je ne suis] pas familier avec les informations historiques exactes sur Joseph McCarthy, mais quand vous voyez qui s’exprime contre lui en ce moment, vous ne pouvez pas vous empêcher de lui être favorable », a posté un utilisateur de Twitter.
En réponse, Shoval a tweeté : « les informations historiques révèlent qu’il a eu raison dans la plupart des cas ».
Shoval a été réprimandé par la présidente du parti Meretz, Zehava Galon.
« Je ne sais pas si je dois rire ou pleurer, a-t-elle déclaré dans un communiqué. [McCarthy] a persécuté et ruiné la vie de plusieurs centaines d’américains, dont un nombre important était juif, avec de fausses accusations de soutien au communisme. »