Drones et roquettes : la Marine israélienne simule une guerre avec le Hezbollah
Le Times of Israël a suivi la 3ème Flottille de la marine lors d'un exercice de préparation à un éventuel conflit contre le groupe terroriste libanais
Judah Ari Gross est le correspondant du Times of Israël pour les sujets religieux et les affaires de la Diaspora.
À BORD DU I.N.S. KESHET — Lors du prochain conflit avec le groupe terroriste du Hezbollah, la marine israélienne sait que l’une de ses principales missions sera de protéger l’infrastructure israélienne de gaz naturel en pleine croissance et le fret maritime dans l’est de la Méditerranée.
Le Hezbollah a identifié depuis longtemps les plateformes maritimes comme étant une cible potentielle pour une attaque. Au fil des ans, il y a eu les menaces verbales formulées par le chef du groupe terroriste Hassan Nasrallah et ses bras droits, mais aussi des vidéos et des images montrant les structures se trouvant en ligne de mire.
De fait, l’armée israélienne estime que le groupe terroriste possède les capacités nécessaires pour mettre à exécution ces menaces et mener des attaques potentielles non seulement contre les plateformes gazières mais aussi contre les lignes commerciales transportant presque tous les produits importés d’Israël.
La semaine dernière, la 3ème Flottille de navires de la Marine israélienne – connue en hébreu sous l’acronyme satilim – a simulé une guerre avec un exercice maritime d’une semaine. L’exercice incluait des simulations d’attaques mortelles de missiles sur des navires israéliens, des tentatives d’attaques-suicides et des attaques de drones.
« Nous supposons [que le Hezbollah] tentera d’attaquer sur le front maritime. Ils le perçoivent comme une cible très importante », a déclaré le lieutenant colonel Guy Barak, commandant du 34ème escadron anti-sous-marin, au Times of Israël, à bord du INS Keshet, un navire chasseur de sous-marin de 67 mètres de modèle 4.5 Saar, lors de la deuxième journée de l’exercice de 5 jours.
« Avec un ennemi comme le Hezbollah, une surprise peut arriver au 10ème jour de guerre comme à la première heure, a-t-il prévenu. Nous devons donc savoir comment passer rapidement d’une vitesse à une autre. »
Barak a refusé de commenter sur les types d’armes spécifiques dont Israël pense que le Hezbollah, soutenu par l’Iran, dispose dans son arsenal. Il a cependant noté que le groupe disposait de missiles sol-mer, de « drones suicides », de capacités sous-marines, entre autres.
« Nous devons partir du principe que tout ce dont dispose l’Iran, le Hezbollah – et le Hamas – peuvent aussi l’avoir », a-t-il dit.
Barak a déclaré que l’armée suivait de près l’évolution de l’armement du Hezbollah mais réalisait aussi des évaluations militaires en se basant sur les « vecteurs » dont le groupe terroriste dispose actuellement.
Lors de la Seconde guerre du Liban en 2006, les forces du Hezbollah ont tiré un missile anti-navire sur l’INS Hanit qui a tué quatre soldats israéliens – l’un des événements les plus marquants, et les plus tristement célèbres en Israël, du conflit de 34 jours.
La frappe sur le Hanit le 14 juillet a paralysé le navire, mais elle ne l’a pas détruit. Il s’agissait de la première frappe directe contre un navire de guerre israélien depuis des décennies et le Hezbollah l’a célébrée comme l’un de ses plus grands succès dans le conflit.
Alors qu’une bonne partie de l’exercice a été réalisée virtuellement, une attaque de « drone suicide » rempli d’explosif a été simulée avec des tirs à balles réelles. L’armée israélienne sait que le Hezbollah et les milices soutenues par l’Iran disposent de ce type d’armements.
Une entreprise civile a été appelée pour faire voler un parapente Styrofoam autour des navires présents, alors que les soldats tentaient de l’abattre à l’aide de mitraillettes.
À bord de l’INS Keshet, il a fallu 94 balles de l’une des mitraillettes de calibre 50 du navire pour abattre un drone à la mer.
Interrogé sur la raison pour laquelle un seul drone avait été utilisé dans l’exercice, alors qu’il est possible qu’un grand nombre de drones soient utilisés dans un futur conflit, Barak a reconnu que cela était vrai non seulement pour les drones mais pour tous les aspects de l’exercice. La décision de n’utiliser qu’un seul drone était arbitraire.
« Cela pourrait être un bateau suicide ou plusieurs, un drone ou plusieurs, une roquette ou plusieurs », a-t-il noté.
Israël est une île
Bien qu’il soit entouré de trois côtés par la terre, l’Etat d’Israël fonctionne dans la pratique sur le modèle d’une économie insulaire. Israël importe et exporte presque tous ses produits par la mer, plutôt que la terre. L’espace maritime est donc crucial au bon fonctionnement du pays. La récente découverte de réserves de gaz naturel dans les eaux territoriales d’Israël et la construction d’une plateforme d’extraction, que l’on peut facilement voir depuis les communautés israéliennes côtières, n’a fait que renforcer l’importance de la mer.
Pour aider à la défense de ces nouvelles ressources, l’armée israélienne a fait l’acquisition de quatre navires de missile de modèle Saar 6 qui doivent être livrés l’année prochaine. Ils seront équipés avec deux batteries du système de défense aérienne du Dôme de fer afin de protéger les plateformes de gaz naturel des attaques de missiles et de roquettes.
Entre temps, la marine israélienne protège les plateformes d’extraction avec des navires de modèle Saar 5 légèrement plus petit, également équipés de batteries du Dôme de fer.
En plus de leur importance stratégique pour l’Etat d’Israël, ces plateformes représentent également des cibles visibles pour le Hezbollah. Cela pourrait donner au groupe terroriste ce que Tsahal qualifie de « photo de la victoire », comme la levée du drapeau à Iwo Jima pendant la Seconde Guerre mondiale ou l’arrivée des parachutistes israéliens au mur Occidental après la Guerre des Six jours. Une énorme explosion dans l’une des tours de forage à moins de 10 kilomètres de la côte israélienne pourrait avoir une symbolique similaire pour le Hezbollah.
« Mais cela me préoccupe moins, a déclaré Guy Barak. Je suis préoccupé par la défense des installations de l’infrastructure nationale – peu importe l’image que cela donne. »
Pour mener à bien sa mission, les navires de guerre d’Israël sont équipés d’un nombre étourdissant de capteurs et de systèmes de détection – des radars, des sonars, des capteurs électro-optiques entre autres. Les systèmes de défense active peuvent intercepter les attaques entrantes, mais aussi les missiles navire-navire et navire-sol.
Alors que les marines du monde entier entretiennent des flottes de différents navires capables de réaliser des taches et des missions spécifiques, Barak a déclaré : « Nous avons besoin que nos navires soient capables de tout faire. »
Tous ces systèmes sont contrôlés depuis le centre d’information de combat des navires – connu en hébreu sous l’acronyme MIK, ou Merkaz Yediyat Krav. Il s’agit une salle exiguë plongée dans l’obscurité totale qui se trouve au cœur du navire et dont les murs sont recouverts d’une multitude d’écrans et de panneaux d’information.
Barak a déclaré que ses systèmes de détection et ses armes font du navire une pièce maitresse pour les opérations de défense et d’attaque « non seulement en mer, mais dans le ciel et sous l’eau ».
Pourtant, a-t-il souligné, la marine ne peut pas uniquement utiliser ces outils pour le front maritime et ils auront à jouer un rôle complet dans l’effort global de guerre.
Des officiers de la marine font souvent référence à l’épisode de la Guerre de Yom Kippour où les forces aériennes et terrestre ont subi de lourdes pertes, alors que la marine a connu de bien meilleurs résultats.
« L’époque où l’armée disait à la marine ‘Contentez-vous de protéger la mer’ est révolue », a-t-il déclaré.
Barak a déclaré que la marine, particulièrement la 3ème Flottille et la 7ème Flottille de sous-marins, a un état d’esprit légèrement différent du reste de l’armée, puisque les navires qu’ils utilisent sont non seulement des machines de guerre, mais aussi leurs maisons sur lesquels ils peuvent rester pendant de longues périodes.
« Les marins voient le navire comme leur maison et les autres membres de l’équipage comme leur famille, donc quand ils combattent, ils combattent pour leur maison, a-t-il dit. On part à la guerre et on revient quand on a gagné. On ne sait pas combien de temps cela prendra. »
Malgré cette singularité, la marine travaille étroitement avec les autres armées de Tsahal, particulièrement avec l’Armée de l’Air, a déclaré Barak, donnant l’exemple spécifique des batteries du Dôme de fer présente à bord des navires et gérées par l’Armée de l’Air.
Afin de maintenir une capacité de combat plus traditionnelle, l’exercice de la semaine dernière incluait également du combat marine contre marine.
L’exercice a également simulé la mort du capitaine de l’INS Romach après une frappe directe d’une roquette du Hezbollah, des incendies et des fuites, des évacuations d’urgence en hélicoptère et d’autres urgences.
« L’exercice a poussé les commandants à leurs limites et a testé leur capacité à travailler sous pression », a déclaré l’armée.
Les missiles navire-sol de la 3ème Flottille et d’autres armements joueront également un rôle actif dans toute guerre future contre le Hezbollah au Liban, comme c’était le cas lors de la Deuxième Guerre du Liban et contre le Hamas à Gaza dans le conflit de 2014.
« Le Hezbollah sait que si une guerre totale éclate, Tsahal fera une démonstration de force comme jamais auparavant, et que cela inclura un ‘coup de poing’ de la mer depuis la 3ème Flottille », a déclaré Barak.