Israël en guerre - Jour 59

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En plus des offices, les synagogues s’organisent pour lutter contre l’agenda de Trump

Des milliers de personnes militent par le biais des synagogues et de leurs rabbins. L'un d'eux explique que "la Torah est très claire sur le fait que nous n'opprimons pas l'étranger"

Les fidèles de Bnai Jeshurun à New York se rassemblent lors d'une manifestation en faveur des immigrants, le 9 mars 2017. Bnai Jeshurun est l'une des synagogues ayant le plus épousé le militantisme depuis l'élection de Trump (Autorisation :  Bnai Jeshurun)
Les fidèles de Bnai Jeshurun à New York se rassemblent lors d'une manifestation en faveur des immigrants, le 9 mars 2017. Bnai Jeshurun est l'une des synagogues ayant le plus épousé le militantisme depuis l'élection de Trump (Autorisation : Bnai Jeshurun)

NEW YORK (JTA) – Vingt-quatre heures après l’élection présidentielle, alors que les fidèles se rassemblaient dans la synagogue de Brooklyn pour faire part de leurs sentiments, le Rabbin Rachel Timoner s’organisait contre la prochaine administration.

Rachel Timoner a ainsi fait appel à son conseiller municipal local, Brad Lander, un démocrate. Ensemble, ils ont organisé une table ronde rassemblant des militants au sein de la congrégation, Beth Elohim, pour débattre des changements politiques sous la présidence de Donald Trump. Mille personnes ont assisté à cette rencontre dans l’enceinte du lieu de culte.

Quatre mois plus tard, Beth Elohim s’est transformé en un pôle activiste du quartier affluent et historiquement progressiste de Park Slope à Brooklyn. Avec Lander, la synagogue a institué 15 groupes de travail sur des causes libérales qui concernent tout autant l’antisémitisme et l’islamophobie que la protection des droits reproductifs.

Dix mille personnes actives dans ces groupes et sept réunions d’activistes qui ont attiré mille participants en moyenne, ont permis de sensibiliser cette communauté aux problèmes soulevés et de leur enseigner des tactiques d’organisation.

“Notre peuple est éveillé, actif, déterminé, dans certains cas alarmé, et il espère profondément participer à des réponses qui touchent et qui blessent le pays », explique Timoner

Le Rabbin Rachel Timoner de la congrégation Beth Elohim à Brooklyn (Autorisation)
Le Rabbin Rachel Timoner de la congrégation Beth Elohim à Brooklyn (Autorisation)

« J’ai littéralement des centaines de membres qui souffrent intensément, qui voient leur pays être dénaturé ».

Beth Elohim fait partie de plusieurs synagogues qui ont accentué leurs actions de militantisme politique depuis l’élection de Trump à la Maison Blanche.

Les synagogues s’emparent des rôles habituellement réservés aux ONG – embauchent des activistes professionnels, organisent de manifestations, mobilisent des fidèles pour les former aux droits des immigrants et des réfugiés ainsi qu’aux activités de lobbying. Plusieurs synagogues au mois de janvier ont envoyé des délégations à la Women’s March de Washington et à ses ramifications locales.

Le président américain Donald Trump, au centre, brandit in stylo après avoir avoir signé un ordre exécutif dans le bureau ovale à Washington, le 28 février 2017 (Crédit : AFP Photo/Jim Watson)
Le président américain Donald Trump, au centre, brandit son stylo après avoir avoir signé un ordre exécutif dans le bureau ovale à Washington, le 28 février 2017 (Crédit : AFP Photo/Jim Watson)

Certaines synagogues ne considèrent pas cette action comme partisane dans la mesure où elle concerne la politique de Trump (Trump lui-même a appelé à assouplir les lois fédérales qui empêchent les lieux de culte de soutenir un candidat politique). D’autres synagogues, répondent à une demande croissante parmi les fidèles et ne se soucient pas d’apparaître politisées.

Mais elles considèrent toutes qu’indépendamment des risques, c’est le moment de permettre à leurs membres de s’engager sur des questions importantes dans un contexte propre au judaïsme.

« Nous avons la Torah et la Torah est très claire sur le fait que nous ne devons pas opprimer l’étranger, que nous devons aimer les êtres humains comme nous-mêmes », explique Timoner. « Je pense que la synagogue est un cadre moral ».

‘Le judaïsme est une foi qui croit en l’action, dans l’amélioration du monde à travers la politique’

Beth Elohim a reçu une subvention pour embaucher un organisateur au sein de la communauté, une intiative que la synagogue Stephen Wise Free a également prise, avec plus de 100 000 dollars de dons obtenus par ses fidèles. Stephen Wise a réparti ses membres dans trois groupes militants – réfugiés et immigrants, antisémitisme et islamophobie, et protection des libertés civiles.

Stephen Wise a aidé à collecter 20 000 dollars en faveur des Juifs de Whitefish, dans le Montana, lorsqu’ils étaient menacés par les suprématistes blancs au mois de janvier. Au mois de juin, une délégation de la synagogue partira en Grèce et en Allemagne pour venir en aide aux réfugiés. Les enfants de la synagogue seront sensibilisés aux droits des réfugiés. Ammiel Hirsch, rabbin de la synagogue, souhaiterait que les groupes puissent exercer également des pressions sur les législateurs sur une série de questions.

« Le judaïsme est une foi qui croit dans l’action, dans l’amélioration du monde à travers la politique », dit Hirsch. « Il doit y avoir une force de législation derrière. Sinon, c’est seulement une question d’action humanitaire localisée, indépendamment des politiques collectives qui nous permettront d’atteindre un niveau d’une dimension morale plus élevée ».

D’autres synagogues ont collaboré à des initiatives inter-confessionnelles ou hébergé des rencontres militantes. A Bnai Jeshurun, à Manhattan, des milliers de personnes se sont rassemblées avant la Women’s march de New-York au mois de janvier. La synagogue a également établi une liste d’alertes avec 200 abonnés enregistrés. Objectif : Mobiliser les fidèles lors des manifestations.

Les fidèles de Bnai Jeshurun lors d'un rassemblement pour les réfugiés de l'HIAS au mois de février 2017 (Autorisation : Bnai Jeshurun)
Les fidèles de Bnai Jeshurun lors d’un rassemblement pour les réfugiés de l’HIAS au mois de février 2017 (Autorisation : Bnai Jeshurun)

Pour certaines de ces synagogues, le militantisme actuel n’est qu’une intensification d’un engagement historique pour la politique. Bnai Jeshurun a depuis longtemps mis en place un programme pour venir en aide aux ouvriers agricoles de l’état de New York, tandis que Temple Sinaï à Washington a effectué deux voyages pour aider les immigrants sans papiers en 2014 et en 2016 au Texas, avant l’élection de Trump. Les synagogues de tout le pays ont été depuis longtemps actives concernant la politique israélienne et, dans les années 1970 et 1980, envers la communauté juive soviétique.

Mais certains fidèles considèrent l’action politique des synagogues, exagérée. David Horowich, homme d’affaires juif réformé, originaire de Syracuse, a voté pour Trump. S’il apprécie les différentes facettes culturelles et communautaires du judaïsme réformé, il a le sentiment que les synagogues ne devraient pas défendre d’intérêts politiques parce qu’il n’est pas toujours aisé de juger de la réussite d’une politique.

« Je ne suis pas favorable à des déclarations politiques, parce que parfois, elles peuvent se retourner contre vous et venir vous hanter », estime Horowich. « Je suis sensible au fait que les gens puissent exprimer leurs opinions, mais il faut attendre que tout ait été mis en place ».

‘En réponse aux politiques d’immigration de Trump, plusieurs synagogues se sont déclarées comme étant des sanctuaires pour les réfugiés sans papiers’

Pour ceux qui s’y opposent, les politiques de Trump sur les réfugiés et l’immigration sont devenus un point de lutte militant dans les synagogues. Les quatre dénominations religieuses dans leur ensemble et plusieurs organisations majeures se sont opposées à son interdiction de l’immigration au mois de janvier.

En réponse aux politiques d’immigration de Trump, des synagogues se sont déclarées comme étant des sanctuaires pour les réfugiés sans papiers. Pour certaines synagogues, dont celle du Temple Sinaï, cela signifie mettre à disposition des pièces dans le cas où des immigrants sans papiers auraient besoin d’un refuge. D’autres, comme la Congrégation Beth Zion-Beth Israël de Philadelphie, qui songe à devenir elle aussi un sanctuaire, programme des cours pour les immigrants et les publics intéressés sur les droits des migrants et des réfugiés.

“Notre tradition religieuse nous enseigne non seulement d’accueillir l’étranger, de ne pas l’opprimer, mais aussi de nous assurer que le plus vulnérable sera protégé et soigné », explique le rabbin du Temple Sinaï Jonathan Roos. « Le degré d’anxiété est à un niveau jamais connu durant les années d’Obama, même lorsque le taux de reconduites à la frontière était élevé ».

Le militantisme semble se propager dans les synagogues. Timoner a organisé deux audioconférences avec des rabbins intéressés par le modèle et les actions de Beth Elohim. Et Truah, le groupe rabbinique des droits de l’Homme, a réuni 200 rabbins lors d’une conférence au mois de février, intitulée « Pas le temps d’être neutre », qui s’est achevée par l’arrestation de 19 rabbins au cours d’une manifestation devant un hôtel de Trump à New York.

“Nous avons plus de pouvoir, de privilèges et de capital social que nous n’en avons jamais eu dans ce pays », explique le rabbin Yosef Goldman de Beth Zion-Beth Israël. « C’est l’occasion pour nous d’être vigilants en utilisant notre pouvoir pour défendre notre propre communauté mais aussi pour défendre ceux qui autour de nous sont d’avantages vulnérables ».

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