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Fin de l’interdiction du regroupement familial palestinien : quelle suite ?

La Knesset a voté contre la prorogation de la loi controversée de 2003 ; des milliers de Palestiniens peuvent donc désormais accéder à la citoyenneté, malgré plusieurs obstacles

Une manifestation contre la " loi sur le regroupement familial " devant la Knesset, à Jérusalem, le 5 juillet 2021. (Yonatan Sindel/Flash90)
Une manifestation contre la " loi sur le regroupement familial " devant la Knesset, à Jérusalem, le 5 juillet 2021. (Yonatan Sindel/Flash90)

Au cours d’un vote décisif qui a eu lieu mardi matin, la Knesset n’a pas renouvelé une loi de 2003 qui empêche les Palestiniens d’obtenir la citoyenneté israélienne ou la résidence par le mariage.

Bien que la ministre de l’Intérieur, Ayelet Shaked, ait annoncé son intention de réintroduire la mesure et d’essayer à nouveau de la faire voter, il n’est pas certain qu’elle ait le soutien de la majorité la seconde fois, après qu’un collègue de son parti ait rompu les rangs et voté avec l’opposition contre le projet de loi. Le vote a été de 59-59 et deux abstentions, ce qui signifie que la législation n’a pas été adoptée.

Le Premier ministre Naftali Bennett a accusé l’opposition de nuire à la sécurité israélienne, mais certains se sont demandé si cette mesure datant de l’Intifada était encore nécessaire. Il semble peu probable que les Palestiniens puissent profiter de l’expiration de la loi pour envahir Israël, car même ceux qui sont au milieu du processus de regroupement familial sont confrontés à un long parcours bureaucratique vers la citoyenneté.

Adoptée en 2003, la loi sur la citoyenneté et l’entrée en Israël était une mesure temporaire adoptée pendant la deuxième Intifada, qui a été renouvelée chaque année depuis. Elle interdit aux Palestiniens, ainsi qu’aux citoyens d’autres États ennemis, d’obtenir la citoyenneté ou la résidence permanente en Israël par mariage, bien qu’elle prévoie quelques exceptions.

« La Loi sur la Citoyenneté et l’Entrée établit un principe selon lequel le ministre de l’Intérieur n’accordera pas la citoyenneté ou un permis de résidence aux résidents [de Cisjordanie et de Gaza] », a écrit l’équipe juridique de la commission des Affaires étrangères et de la Défense de la Knesset dans une récente déclaration sous serment.

À l’époque, les responsables israéliens ont déclaré qu’il s’agissait d’une question de sécurité, car de nombreux Israéliens palestiniens naturalisés et leurs enfants avaient été impliqués dans des attaques terroristes.

« Cette loi a été adoptée à une époque où des bus explosaient dans tout le pays », a récemment déclaré au Times of Israel l’ancien ministre de l’Intérieur Avraham Poraz (Meretz), qui a supervisé la législation de 2003.

Entre 1993 et 2003, environ 130 000 Palestiniens ont obtenu la citoyenneté ou la résidence israélienne par le biais du regroupement familial, y compris des enfants, selon des documents judiciaires. Le service de sécurité du Shin Bet a déclaré lundi à la Knesset qu’entre 2001 et 2021, environ 48 étaient impliqués dans des activités terroristes.

Des Palestiniens et des sympathisants manifestent devant le bureau du Premier ministre de l’époque, Benjamin Netanyahu, contre la loi limitant le regroupement familial israélo-palestinien, le 14 avril 2013. (Crédit : Sliman Khader/FLASH90)

Les Palestiniens et leurs défenseurs ont longtemps attaqué la législation comme étant une tentative de contrer la menace démographique perçue des Juifs devenant une minorité en Israël.

« L’objectif n’a jamais été la sécurité, il a toujours été de contrôler le nombre de Palestiniens », a déclaré Sawsan Zaher, avocat principal du groupe de défense des droits de l’homme Adalah, au Times of Israel la semaine dernière.

Les politiciens israéliens ont de plus en plus répété cet argument pour défendre la loi, le ministre des Affaires étrangères Yair Lapid l’appelant « l’un des outils destinés à préserver la majorité juive en Israël » dans un discours lundi.

Les parlements israéliens successifs l’ont renouvelée chaque année au cours des 17 dernières années – jusqu’à mardi matin.

La loi devant être rayée des livres à minuit, des milliers de Palestiniens pourraient désormais avoir droit à la citoyenneté ou à la résidence israélienne.

Les portes s’ouvrent-elles ?

Des milliers de Palestiniens vont-ils obtenir la citoyenneté israélienne maintenant que la loi a expiré ? Peut-être. Mais pas immédiatement, et en fonction de ce qui se passera ensuite à la Knesset – ou peut-être qu’il sera toujours aussi compliqué pour eux d’accéder à la nationalité.

Les Juifs et leurs proches qui immigrent en Israël le font en vertu de la Loi du Retour de 1950, qui leur donne droit à la citoyenneté presque immédiatement. Mais pour la plupart des ressortissants étrangers, le processus est plus compliqué et implique la loi israélienne de 1952 sur l’entrée en Israël.

La Loi sur la Citoyenneté et l’Entrée en Israël n’étant plus en vigueur, les Palestiniens mariés à des Israéliens seront traités en vertu de la loi de 1952. Cette loi prévoit un parcours progressif vers la citoyenneté : d’abord un visa de travail B-1, puis la résidence temporaire, puis la résidence permanente et la citoyenneté.

Il y a actuellement environ 13 500 dossiers ouverts de Palestiniens demandant le regroupement familial qui ont été gelés dès l’entrée en vigueur de la loi de 2003. Chaque cas devait être examiné par le service de sécurité du Shin Bet, puis par le ministère de l’Intérieur lui-même, sur une base individuelle.

Selon la radio Kan, Mme Shaked, partisane d’un contrôle plus strict de l’octroi de la résidence aux Palestiniens, a déclaré en privé qu’elle refuserait chaque cas individuel de regroupement familial palestinien jusqu’à ce que de nouvelles restrictions soient adoptées.

Les groupes de défense des droits de l’homme s’opposeraient probablement à une telle politique générale auprès de la Haute cour.

Des députés de la Liste arabe unie célèbrent après qu’un vote de la Knesset ait rejeté une extension de la loi sur le regroupement familial palestinien, à Jérusalem, le 6 juillet 2021. (Crédit : Yonatan Sindel/Flash90)

De nombreux mariages entre Arabes qui vivent sous le régime civil israélien et ceux qui vivent en Cisjordanie et à Gaza ont eu lieu. Cela signifie que les personnes qui demandent l’unification ne peuvent prétendre qu’aux cartes de résidence permanente détenues par les Palestiniens de Jérusalem-Est, et non à la citoyenneté.

L’antenne du ministère de l’Intérieur à Jérusalem-Est a la réputation d’être en sous-effectif, et le traitement des demandes prend souvent des années. Même si la Knesset n’adopte pas de nouvelle législation, il faudra probablement un certain temps.

Qu’en est-il des Palestiniens qui se trouvent déjà en Israël ?

Environ 12 700 Palestiniens mariés à des citoyens israéliens vivent déjà en Israël avec des permis temporaires. Ils sont également susceptibles de demander la citoyenneté ou la résidence permanente, selon que leur conjoint est un Arabe israélien ou un Palestinien résidant à Jérusalem.

Environ 9 700 de ces permis sont des « permis de séjour » délivrés par l’armée, tandis que 3 500 autres sont des visas temporaires A-5, selon l’organisation de défense des droits de l’homme HaMoked. Ces derniers ont été délivrés par le ministère de l’Intérieur soit à des familles qui étaient en cours de regroupement familial avant la loi de 2003, soit dans des cas humanitaires exceptionnels, a déclaré Reut Shaer, avocate à l’Association pour les droits civils en Israël.

Selon la loi israélienne, l’armée est également habilitée à délivrer des permis de séjour temporaire pour éviter de séparer les familles dans certains cas, comme les hommes de plus de 35 ans et les femmes de plus de 25 ans qui cherchent à vivre avec leur partenaire. Les enfants de moins de 14 ans qui cherchent à vivre avec leurs parents peuvent recevoir un permis de séjour.

Mais les Palestiniens vivant en Israël avec un permis de séjour mènent une vie précaire. Ils doivent constamment renouveler leurs documents, qui peuvent être révoqués à tout moment. Ils ne peuvent pas conduire, ouvrir un compte bancaire ou posséder des cartes de crédit, et ont souvent peu de documents qui les lient à leurs enfants. Si leur conjoint israélien décède ou s’ils divorcent, ils risquent d’être séparés de leurs enfants.

Une proposition de compromis élaborée par la députée travailliste Ibtisam Maraana-Menuhin aurait permis d’offrir à ces Palestiniens des avantages sociaux égaux tout en maintenant la loi en vigueur.

Mais le compromis est apparemment sans objet pour le moment, étant donné que la loi s’est effondrée. Si la loi devait être formellement annulée, ils devront probablement faire une demande comme tout le monde.

La Knesset adoptera-t-elle une nouvelle loi ?

La coalition pourrait à nouveau essayer d’étendre la législation de 2003, y compris les avantages de compromis pour les conjoints palestiniens déjà en Israël, en ralliant certains de ses membres rebelles.

Les partis d’opposition de droite, dont le Likud, ont proposé une nouvelle Loi fondamentale qui supprimerait ces exemptions. Ils ont déclaré qu’ils espéraient faire avancer leur projet de loi prochainement à la Knesset.

Cette nouvelle loi mettrait effectivement fin à la possibilité pour les Palestiniens de recevoir des permis temporaires par le biais du regroupement familial. Même les permis temporaires, affirment ces partisans de la ligne dure, ont conduit à l’annulation effective de la loi.

« Dès que vous autorisez de telles exceptions, elles deviennent rapidement la règle », a déclaré Simcha Rothman, députée du Parti sioniste religieux, au Times of Israel la semaine dernière.

Certains conservateurs de la coalition, dont Shaked, seraient probablement favorables à une telle législation. Mais il n’est pas certain qu’elle puisse passer, étant donné la constellation fragile qui compose le gouvernement actuel d’Israël, qui va de la droite dure Yamina aux sociaux-démocrates de gauche tels que Meretz, en passant par le parti islamiste Raam.

Une autre question épineuse est de savoir si la loi sur la citoyenneté pourrait être soumise à la Cour suprême si elle était à nouveau adoptée. Ayelet Shaked serait préoccupée par d’éventuelles contestations de la loi.

La ministre de l’Intérieur Ayelet Shaked s’exprime lors d’une réunion de la faction Yamina à la Knesset, le 5 juillet 2021. (Crédit : Olivier Fitoussi/Flash90)

Dans deux appels précédents, l’un en 2006 et l’autre en 2012, la Cour suprême d’Israël a déterminé que l’interdiction du regroupement familial était légale – les deux fois par un seul vote, 6-5.

« Si cette loi tombe une fois, elle aura des conséquences dévastatrices. Nous avons réussi par deux fois à maintenir cette loi par une seule voix », a déclaré Shaked lors d’une réunion du cabinet la semaine dernière, selon le quotidien Haaretz. « Si la Knesset l’annule maintenant, je ne sais pas quel sera son sort devant la Haute Cour. »

Le terrain a, en effet, changé depuis la dernière bataille juridique. À l’époque, les avocats du gouvernement israélien ont fait valoir que la loi était vitale pour la sécurité, compte tenu de la deuxième Intifada sanglante.

La situation sécuritaire d’Israël s’est depuis améliorée. Si les attaques solitaires à l’arme blanche persistent, les Israéliens ne vivent plus dans la crainte constante de kamikazes en leur sein. Historiquement, la Haute Cour d’Israël accorde une certaine déférence aux services de sécurité, mais les juges pourraient décider que le motif de sécurité ne s’applique plus.

D’autre part, la Knesset a adopté en 2018 une loi fondamentale qui consacre Israël comme l’État-nation du peuple juif. Selon le député Zvi Hauser de Tikva Hadasha, la loi dite « sur l’État-nation » pourrait servir de base à l’argument selon lequel le maintien d’une majorité juive – plutôt que la seule sécurité – est une justification juridique acceptable pour la législation de 2003. Si, bien sûr, la coalition parvient à la faire passer à la Knesset.

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