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Irak: le patrimoine des juifs menacé par les ravages du temps et les convoitises

Les racines des juifs d'Irak remontent à 2600 ans, ils y ont écrit le Talmud de Babylone mais les derniers juifs d'Irak assistent à une lente disparition du patrimoine

Des rouleaux de Sefer Torah sont photographiés à la synagogue Meir Tweig de la capitale irakienne Bagdad, le 7 janvier 2022. (Crédit : Sabah ARAR / AFP)
Des rouleaux de Sefer Torah sont photographiés à la synagogue Meir Tweig de la capitale irakienne Bagdad, le 7 janvier 2022. (Crédit : Sabah ARAR / AFP)

Dans ce quartier populaire de la capitale irakienne, rien ne distingue vraiment le bâtiment en brique défraîchi, si ce n’est la discrète inscription en hébreu surmontant l’entrée. Oublié, le passé somptueux de cette synagogue de Bagdad, qui n’a pas échappé aux ravages du temps.

La communauté juive d’Irak, jadis une des plus grandes du Moyen-Orient, s’est réduite comme peau de chagrin, laissant derrière elle un héritage précieux.

Et les derniers juifs d’Irak, une poignée, assistent à une lente disparition du patrimoine, dans un pays déchiré par des décennies de conflits et les exactions de groupes armés, adeptes d’expropriations arbitraires.

Les rares efforts de restauration, lancés par des institutions internationales, ne suffisent pas.

Cette photo prise le 3 février 2022 montre une vue de l’extérieur de la synagogue Prophet Nahum (datant dans sa forme actuelle de l’année 1796), dans la ville d’al-Qosh, au nord de l’Irak, à environ 50 kilomètres au nord de Mossoul. (Crédit : Ismael ADNAN / AFP)

Dans la synagogue de Meir Tweig, construite en 1942, le temps est comme suspendu. Éclaboussés par le soleil, les bancs sont recouverts de draps blancs. Le revêtement bleu ciel des murs s’effrite.

Les marches menant au tabernacle en bois se disloquent. Flanquée de plaques en marbre gravées de candélabres à sept branches et de psaumes, l’armoire abrite les rouleaux des Sefer Torah, calligraphiés à la main sur du cuir de gazelle.

Des rouleaux de Sefer Torah sont photographiés à la synagogue Meir Tweig de la capitale irakienne Bagdad, le 7 janvier 2022. (Crédit : Sabah ARAR / AFP)

« Avant on priait ici, on célébrait nos fêtes, on suivait pendant l’été les cours de religion en hébreu », se souvient un membre de la communauté, évoquant la synagogue cadenassée.

Aujourd’hui « notre patrimoine est dans un état pitoyable. L’Etat ne nous voit pas », déplore cette source ayant requis l’anonymat, par crainte de représailles.

Interpellant l’ONU pour « sauver ce patrimoine », elle donne l’exemple d’une synagogue dans le sud, occupée illégalement, transformée en entrepôt.

« Préserver leur patrimoine »

Les racines des juifs d’Irak remontent à 2600 ans. Ici, ils ont écrit le Talmud de Babylone – sur la terre où naissait le patriarche Abraham.

A Bagdad sous domination ottomane, 40 % de la population était juive. En 1948, à la création d’Israël, l’Irak comptait 150 000 juifs. Trois ans plus tard, 96% de la communauté était partie, ralliant pour la plupart l’Etat Hébreu.

Pourtant il fut un temps où cette minorité d’Irak pouvait se targuer d’avoir 118 synagogues, 48 écoles, neuf sanctuaires, trois cimetières, selon un rapport de 2020.

Cette photo montre l’intérieur de la synagogue Meir Tweig de la capitale irakienne Bagdad, le 7 janvier 2022. (Crédit : Sabah ARAR / AFP)

L’étude répertoriait le patrimoine juif en Irak et en Syrie, dont des sites antiques aujourd’hui disparus, remontant au premier millénaire avant J.-C.

« Seul 30 des 297 sites documentés en Irak existent toujours », indique le rapport de la Fondation pour l’héritage juif, basée à Londres, et ASOR, Société américaine pour les recherches outre-mer. « Sur ces 30 sites, 21 sont en mauvais ou très mauvais état ».

Les rares membres de la communauté restés au pays « ont travaillé très dur pour protéger leur patrimoine, mais l’ampleur de la tâche dépassait leurs capacités », reconnaît Darren Ashby, ayant travaillé sur ce rapport.

« Avec le temps, une grande partie de ce patrimoine a été perdu à cause d’expropriations, de ventes, une lente dégradation et des effondrements », résume l’expert à l’université américaine de Pennsylvanie.

Timides espoirs

Comme à Mossoul, métropole du nord libérée des jihadistes en 2017. Au détour d’une ruelle, des peintures chatoyantes signalent les ruines de la synagogue de Sasson.

La voûte du plafond effondrée laisse entrevoir arches et colonnades en pierre, entourées par de la ferraille, des décombres, et les ordures du quartier.

« Le bâtiment du 17e siècle a longtemps servi de résidence », assure à l’AFP un responsable local en charge des antiquités, Mossaab Mohamed Jassem. « Il appartient à une famille mossouliote, qui en détient les titres de propriété ».

Cette photo prise le 3 février 2022 montre une vue de l’extérieur de la synagogue Prophet Nahum (datant dans sa forme actuelle de l’année 1796), dans la ville d’al-Qosh, au nord de l’Irak, à une cinquantaine de kilomètres au nord de Mossoul. (Crédit : Ismael ADNAN / AFP)

Les propriétaires ont contacté les autorités locales pour leur vendre le site ou le faire restaurer, dit-il.

Lueur d’espoir: Aliph, l’Alliance internationale pour la protection du patrimoine dans les zones en conflit a exprimé sa disponibilité pour soutenir un potentiel projet de rénovation, le moment venu.

Et malgré tout, quelques timides succès viennent rehausser le tableau.

En janvier, le consulat américain à Erbil annonçait un financement de 500 000 dollars pour restaurer la petite synagogue d’Ezekiel, dans la campagne d’Akre (nord).

Dans le nord, la tombe du prophète Nahum a été restaurée grâce à une aide américaine, des fonds du Kurdistan et des dons privés. Entouré par les clochers d’églises dans la bourgade d’Al-Qoch, le sanctuaire en pierre érigé sous sa forme actuelle au 18e siècle -mais qui remonterait au 10e- est comme neuf.

Joseph Elias Yalda, responsable du musée du patrimoine d’Al-Qoch, se souvient des histoires racontées par les aînés du village: les pèlerins juifs affluaient une semaine en juin pour prier et invoquer le prophète Nahum.

« Ils venaient de toutes les provinces, et même des pays voisins », raconte le sexagénaire. « Après la commémoration religieuse, il y avait une fête dans la vieille ville, les gens buvaient et dansaient. »

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