Israël en guerre - Jour 569

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Le projet de loi pour contrôler les nominations judiciaires approuvé en commission

Le chef de l'opposition a appelé à manifester contre ce texte déterminant du plan de refonte radicale du système judiciaire, qui pourrait être définitivement adopté la semaine prochaine

Jeremy Sharon est le correspondant du Times of Israel chargé des affaires juridiques et des implantations.

Le député démocrate Gilad Kariv est expulsé de la commission de la Constitution, du droit et de la justice de la Knesset à la suite d'un vote sur une loi très controversée modifiant le processus de nomination des juges en Israël, le 19 mars 2025. (Noam Moskowitz, porte-parole de la Knesset)
Le député démocrate Gilad Kariv est expulsé de la commission de la Constitution, du droit et de la justice de la Knesset à la suite d'un vote sur une loi très controversée modifiant le processus de nomination des juges en Israël, le 19 mars 2025. (Noam Moskowitz, porte-parole de la Knesset)

Ce mercredi, en plein chaos, une commission de la Knesset a fait passer en dernière lecture le projet de loi très controversé qui aurait pour effet d’accroitre considérablement le contrôle exercé par les politiques sur le processus de nomination des juges en Israël.

Les députés de l’opposition, à commencer par le chef du parti Kakhol lavan, Benny Gantz, ont dénoncé le président de la commission de la Constitution, du droit et de la justice de la Knesset, le député Simcha Rothman, et la coalition en général, auxquels ils ont reproché de fracturer le pays une fois de plus avec une loi hautement controversée en pleine période de guerre.

Plusieurs députés de l’opposition ont réagi avec colère lorsque Rothman a refusé d’autoriser les commentaires préliminaires sur le projet de loi avant de procéder aux derniers votes, en commission. Rothman a toutefois conservé les votes mais il a fait sortir de la salle le député démocrate Gilad Kariv, qui avait protesté.

La législation, qui doit désormais être adoptée par la Knesset en deuxième et troisième lectures, pourrait être soumise au vote dès la semaine prochaine.

L’urgence, pour la coalition, est d’adopter le budget avant la date-limite du 31 mars – ce qui pourrait avoir conséquence que la loi consacrée aux nominations judiciaires ne sera présentée que lors des deux derniers jours de session de la Knesset, avant les vacances de Pessah, les 1er et 2 avril prochains.

La loi, si elle était adoptée, n’entrerait en vigueur qu’au début de la prochaine Knesset, après les élections générales. Il y aura probablement des recours introduits à son encontre devant la Cour Suprême.

Le 19 mars 2025, la commission de la Constitution, du droit et de la justice de la Knesset vote sur une loi très controversée modifiant le processus de nomination des juges. (Noam Moskowitz, porte-parole de la Knesset)

En pleine commission, Gantz a reproché à la coalition de raviver les divisions sociétales qui avaient fait rage dans les mois précédant l’attaque du Hamas, le 7 octobre. Il a ajouté que le gouvernement instaurait une « tyrannie de la majorité » en imposant à toute vitesse sa loi de refonte radicale du système judiciaire israélien.

Le chef de l’opposition, Yair Lapid, a quant-à lui annoncé qu’il abrogerait la loi s’il remportait les prochaines élections, invitant la population à descendre dans la rue pour manifester contre le texte et pour exiger un accord qui ouvrira la porte à la libération des otages aux mains du Hamas à Gaza.

Rothman a redit que le projet de loi était important pour affirmer la primauté de la Knesset sur le pouvoir judiciaire, affirmant que ce projet de loi avait vocation à régler le problème de l’interventionnisme judiciaire dans le champ constitutionnel.

Le chef de l’opposition et dirigeant du parti Yesh Atid, le député Yaïr Lapid, dirigeant une réunion de sa faction, à la Knesset, à Jérusalem le 17 mars 2025. (Crédit : Yonatan Sindel/Flash90)

L’opposition a indiqué que le projet de loi donnerait beaucoup plus de pouvoir aux politiciens sur le processus de nomination des juges au risque de politiser le pouvoir judiciaire – et donc de saper les bases de l’indépendance de ce qui est le seul véritable contrôle sur les pouvoirs exécutif et législatif au sein de ce système démocratique.

La coalition a soutenu que le système actuel donnait beaucoup trop d’autorité au système judiciaire en ce qui concerne les nominations judiciaires et que le fait d’accorder davantage de marge aux politiciens permettrait de remédier à ce problème.

Le projet de loi a été présenté à la Knesset par le ministre de la Justice, Yariv Levin, et par le ministre des Affaires étrangères, Gideon Saar, comme une forme de compromis par rapport à une version précédente qui prévoyait d’octroyer à la coalition un contrôle quasi- exclusif sur l’ensemble des nominations judiciaires.

Le ministre de la Justice Yariv Levin (à droite) et le ministre des Affaires étrangères Gideon Saar assistent à une audience de la commission de la Constitution, du droit et de la justice de la Knesset, le 21 janvier 2025. Yonatan Sindel/Flash90)

Le nouveau projet de loi a été proposé par l’ex-ministre Yizhar Shai, membre du parti de Gantz, et par le général de brigade Dedi Simchi. Shai a récemment retiré son soutien au texte, affirmant que la question était trop controversée pour être traitée en temps de guerre, à un moment où le pays est on ne peut plus fracturé au niveau politique et à un moment où le Hamas détient toujours des otages.

Selon des sources proches de Levin, il est peu probable que l’un des trois postes vacants à la Cour suprême soit pourvu avant l’entrée en vigueur de la nouvelle loi.

La Haute Cour de justice examinant un recours demandant à la Cour de condamner le ministre de la Justice, Yariv Levin, pour outrage au tribunal, pour ne pas avoir respecté une décision de justice lui ordonnant de nommer un nouveau président de la Cour suprême, le 12 décembre 2024. (Crédit : Chaïm Goldberg/FLASH90)

Le projet de loi aurait pour effet de destituer les deux représentants de l’Association du Barreau d’Israël qui siègent actuellement au Comité de sélection des juges – qui compte neuf membres – et de leur substituer un avocat choisi par la coalition et un autre, par l’opposition.

Les nominations concernant les tribunaux de niveau inférieur se feraient à la majorité simple, mais contrairement au système actuel, il faudrait la voix d’au moins un des représentants de la coalition, de l’opposition et de la Cour suprême au sein de la commission, accordant à toutes les parties un droit de veto.

Jusqu’à présent, ni la justice, ni la coalition, ni l’opposition ne pouvaient opposer leur veto à une nomination à un tribunal inférieur.

Les nominations à la Cour suprême exigeraient au moins une voix d’un représentant de la coalition et d’un représentant de l’opposition, mais pas celle des trois juges de la Cour suprême qui siègent à la commission de sélection judiciaire, ce qui donnerait aux représentants politiques du panel un droit de veto tout en privant le pouvoir judiciaire de toute influence sur les nominations à la plus haute cour du pays.

Au cas où il y aurait deux places vacantes à la Cour suprême et que les camps de la coalition et de l’opposition opposeraient leur veto aux nominations de l’autre pendant un an, le ministre de la Justice pourrait activer un mécanisme de déblocage permettant aux deux camps de désigner trois candidats et à l’autre camp d’en choisir au moins un. Ce mécanisme ne pourrait être utilisé qu’une fois tous les quatre ans.

Des militants anti-refonte manifestent devant la Cour suprême à Jérusalem, le 11 septembre 2023. (Crédit : Noam Revkin Fenton/Flash90)

L’un des changements apportés à la loi dans le cadre de la commission a consisté à établir une limite d’âge minimale de 55 ans pour intégrer la Cour suprême en tant que juge, afin de mettre fin à l’abus potentiel du système pour nommer de très jeunes juges idéologiquement radicaux susceptibles de se maintenir à la Cour pendant des décennies. L’autre changement a consisté à exiger que les deux tiers au moins des juges de la Cour suprême proviennent des tribunaux de district, afin de s’assurer qu’une majorité de magistrats de la plus haute juridiction auront eu une longue expérience.

« Il y avait une raison stratégique pour que Sinwar [le chef du Hamas, Yahya] fasse ce qu’il a fait, et il y avait une raison aux clivages de la société israélienne lorsqu’il a identifié ce point faible, comme un Amalek moderne », a déclaré Gantz en référence à l’ennemi des Israélites décrit par la Bible.

« Nous voici un an et demi plus tard avec le même problème », a dit Gantz à Rothman, ajoutant que la volonté de la coalition de faire adopter le projet de loi n’était « pas la règle de la majorité, mais la tyrannie de la majorité » et que « dans une démocratie, la seule sécurité dont dispose la minorité est de ne pas être confrontée à la tyrannie de la majorité ».

Le chef du parti HaMahane HaMamlahti, Benny Gantz, s’exprimant pendant une réunion de faction à la Knesset, le 16 décembre 2024. (Crédit : Chaim Goldberg/ Flash90)

Lapid a promis d’invalider la loi si elle venait à être adoptée et si un nouveau gouvernement entrait en fonction et il a présenté la législation comme une tentative de subordonner le système judiciaire aux élus.

« Que tout soit clair : le libellé de la loi qui a été adoptée aujourd’hui par la Commission constitutionnelle de la Knesset, qui vise à modifier la composition de la Commission de sélection judiciaire, n’est ni un compromis, ni une modification et elle n’est pas le fruit du dialogue. C’est la rédaction la plus extrême, la plus violente et la plus nulle qui soit », a-t-il déclaré.

« Cette loi ne dit qu’une chose : que les juges seront dans la poche des politiciens. Ce sont les politiciens qui les nommeront, qui les contrôleront et qui s’assureront qu’ils font ce qu’on leur dit de faire. Nous allons mettre un terme à tout cela. Dans la première semaine du prochain gouvernement, cette loi violente, cette loi d’extorsion sera abrogée ! »

Rothman a assuré que ce projet de loi corrigerait ce qu’il a qualifié de pouvoir excessif du système judiciaire.

« Nous tous, ici à la Knesset, arriverons à une conclusion sur la façon dont nous voyons le système constitutionnel et dès le lendemain, la Cour Suprême ou le procureur général soulèveront une nouvelle question. L’un des problèmes les plus difficiles dans toute cette affaire est que les décisions prises par cette chambre [la Knesset] ne font pas tout », a déclaré Rothman.

« C’est ce que cette proposition est censée régler, entre autres. »

Sam Sokol a contribué à cet article

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