La mort d’un soldat relance le débat sur la citoyenneté des Hébreux noirs
Elishaï Young, 19 ans, tombé à Gaza, n'avait pas encore accompli les 18 mois de service actif nécessaires pour que lui, sa mère et son frère handicapé obtiennent la citoyenneté
La mort samedi dans le nord de la bande de Gaza du sergent Elishaï Young, 19 ans, originaire de Dimona, située dans le sud d’Israël, a relancé un débat vieux de plusieurs décennies pour la reconnaissance par l’État de la communauté non-juive des Hébreux noirs à laquelle il appartenait.
Young, du 52e bataillon de la 401e brigade blindée, a été enterré lundi au cimetière militaire de Dimona en présence de soldats de l’armée israélienne, de sa famille et de ses amis.
La communauté des Hébreux noirs, qui compte environ 2 500 membres (contre 3 000 il y a quelques années, en raison des départs du pays), estime qu’elle descend d’une ancienne tribu israélite.
Elle a été fondée en 1966 par un Afro-Américain, Ben Carter, un ouvrier métallurgiste de Chicago qui s’est rebaptisé Ben Ammi Ben Israel et qui prétendait être le représentant de Dieu sur Terre. La communauté de Dimona a pris racine en 1969.
En 2013, le ministre de l’Intérieur de l’époque, Gideon Saar, a décidé que les personnes ayant effectué plus de 18 mois de service militaire recevraient la citoyenneté, ainsi que leur famille proche.
Young, sa mère, son frère et son défunt père ont obtenu le statut de résident permanent il y a quelques années. Mais le soldat est décédé avant d’avoir terminé ses 18 mois requis.
Interrogé sur la question de savoir si la citoyenneté serait néanmoins envisagée compte tenu des circonstances, un porte-parole de Tsahal a renvoyé le Times of Israel au ministère de l’Intérieur et à l’Autorité de la population et de l’immigration. Au moment de la publication de cet article, cette dernière n’a pas encore donné de réponse.
Ashriel Moore, l’un des porte-parole de la communauté, a déclaré au Times of Israel que le père de Young est décédé il y a plusieurs années, laissant sa mère s’occuper seule de lui et d’un frère plus âgé qui a des besoins particuliers liés à son handicap. « Sa mère traverse une période difficile », a poursuivi Moore, « Elishaï l’a aidé à s’occuper de son frère aîné. Elle ne voulait pas qu’il aille au combat. Elle a dit qu’elle n’avait qu’Elishaï pour l’aider ».
Moore a indiqué que la communauté avait observé trois jours de deuil, en se rendant dans une tente de deuil et en apportant de la nourriture et du soutien à la famille.
La communauté participe pleinement à la vie locale et mène des campagnes en faveur d’Israël. Les enfants fréquentent les écoles publiques locales ; la plupart des jeunes qui remplissent les conditions requises servent dans les troupes israéliennes.
La communauté n’adhère à aucune religion particulière, observe le Shabbat et les jours saints juifs mentionnés dans l’Ancien Testament, circoncit ses enfants mâles huit jours après leur naissance et demande aux femmes d’observer les lois bibliques de purification.
Elle n’est pas reconnue comme juive par les autorités religieuses israéliennes.
En 2003, le ministre de l’Intérieur de l’époque, Avraham Poraz, a offert la résidence permanente aux membres de la communauté qui avaient le statut de résident temporaire et qui se trouvaient en Israël depuis plus de dix ans.
En 2010, certains membres de la communauté ont commencé à recevoir la citoyenneté israélienne à part entière.

Mais en 2021, l’autorité du ministère de l’Intérieur chargée de la population et de l’immigration a ordonné à 51 personnes sans statut de quitter le pays dans un délai de 60 jours. Tous étaient entrés en Israël en provenance des États-Unis en tant que touristes et étaient restés illégalement après la fin de leur séjour autorisé de trois mois.
M. Moore, qui coordonne une campagne visant à empêcher les expulsions, a fait remarquer que certaines des personnes sommées de partir étaient nées en Israël (où la naissance ne confère pas la citoyenneté). D’autres ont des enfants nés en Israël. Ceux qui n’ont pas droit à la citoyenneté américaine ou qui y ont renoncé sont apatrides et n’ont nulle part où aller, a-t-il poursuivi.
Cinq personnes ont depuis quitté Israël. En février 2023, un tribunal de Beer Sheva, dans le sud d’Israël, a ordonné au ministère de l’intérieur de résoudre le problème.

Depuis lors, cependant, les avocats du groupe, qui tentent d’obtenir la résidence permanente pour le groupe, jouent au ping-pong avec un tribunal de Jérusalem, le ministère de l’Intérieur et l’autorité chargée de la population et de l’immigration.
« Ils ne cessent de demander de nouveaux documents », a déclaré Moore.
« Par exemple, ils demandent aux personnes nées et élevées ici qui ne sont jamais allées aux États-Unis de présenter un rapport de police américain [indiquant qu’elles n’ont pas de casier judiciaire]. »

« Nous ne pouvons pas produire tous les documents demandés. Nous attendons de savoir quand il y aura une nouvelle audience au tribunal. Nous restons dans l’incertitude. Lentement mais sûrement, les gens partent. Je pense que cela fait partie de la stratégie. C’est comme une guerre d’usure ».
Et de poursuivre : « Nous essayons de fixer une autre date d’audience, mais le ministère continue de botter en touche, en demandant plus de temps, en disant qu’ils ne peuvent pas se présenter au tribunal parce que leurs avocats sont en service de réserve dans l’armée israélienne. C’est du grand n’importe quoi ».
Une partie inséparable de nous
Lors des funérailles de Young, un ancien commandant adjoint de la 401e brigade, Zafrir Har Shoshanim, l’a félicité pour sa bravoure et son engagement, et a noté que le commandant du bataillon de Young luttait toujours pour sa vie, ayant été blessé au cours du même incident à quelques mètres de là.
« Vous vous êtes battus comme des lions », a déclaré Har Shoshanim. « Tu étais fier de ta famille, de ta communauté », a-t-il dit à propos de Young.
« Tu as aidé ton frère [qui a des besoins particuliers]. Tu as un haut niveau d’engagement et tu insistais pour être au front. Tes commandants savaient qu’ils pouvaient compter sur toi. Tu étais fiable, organisé, prêt à tout faire, de la plus petite chose à la plus grande. Tu étais un personnage spécial. C’était aussi un homme de musique. La musique était ta vie. Tu es une partie inséparable de nous ».
Avant de s’effondrer en larmes, la mère de Young, Shiria, s’est souvenue que Young l’appelait et lui promettait : « Maman, ne t’inquiète pas, je rentre à la maison ».
Des amis et des parents ont parlé d’un jeune homme qui essayait d’être le meilleur dans tout ce qu’il faisait, y compris dans ses études, qui insistait pour entrer dans une unité de combat de l’armée israélienne ; un homme qui se consacrait à la musique et que l’on voyait souvent porter des écouteurs.

Benny Biton, le maire de Dimona, a demandé au gouvernement d’accorder la citoyenneté à ceux de la communauté qui ne l’ont pas encore, en particulier après la mort de Young.
« 100 % des membres de cette communauté servent dans les forces de défense israéliennes », a déclaré le maire lors des funérailles, « et nous vivons avec eux depuis près de 50 ans ».