La réforme judiciaire va susciter un boycott universitaire, avertissent les doyens
D’éminents universitaires assurent que le projet de réforme va porter un « coup fatal » aux universités israéliennes et appellent à un débat public éclairé sur la question

Derniers hauts responsables publics en date à s’opposer au projet gouvernemental de réforme du système judiciaire, les doyens d’universités israéliennes ont fait savoir, lundi, que le projet porterait un « coup fatal » aux établissements d’enseignement israéliens.
« Cela pourrait se manifester par une fuite des cerveaux, une raréfaction du nombre de professeurs, étudiants, chercheurs et post-doctorants étrangers désireux de rejoindre nos rangs, un accès plus difficile aux fonds de recherche internationaux, le retrait de certaines industries étrangères de coopérations avec les universités israéliennes voire par une exclusion de la communauté internationale de la recherche et de l’éducation », a écrit le comité des Doyens d’universités.
Ce comité compte dans ses rangs les Doyens de l’Université hébraïque de Jérusalem, de l’Université de Tel Aviv, de l’Université de Haïfa, de l’Université Ben Gurion du Néguev, de l’Université Bar-Ilan, de l’Institut Weizmann, du Technion, de l’Université Ariel et de l’Université ouverte (qui a le statut d’observateur). Il est présidé par le professeur Arie Zaban, Doyen de l’université Bar-Ilan.
Les pétitionnaires demandent au gouvernement de ne pas adopter de réforme judiciaire à la hâte sans un vaste débat public sur les conséquences en matière de sécurité, d’économie et de société.
Selon une information de Haaretz publiée dimanche, la coalition souhaiterait faire passer la partie d’ores et déjà publique de son projet d’ici début avril.
« Nous appelons le gouvernement et la Knesset à protéger les valeurs fondamentales de la Déclaration d’indépendance, en particulier la protection des droits des minorités et la dignité de chaque être humain », ont écrit les universitaires.

Le ministre de la Justice Yariv Levin entend limiter les pouvoirs d’annulation des lois et décisions gouvernementales que détient la Cour Suprême, au moyen d’une « clause dérogatoire » permettant à la Knesset, avec une majorité de 61 membres seulement, de légiférer de nouveau sur des lois précédemment invalidées.
Il souhaite également donner au gouvernement un contrôle total de la nomination des juges, interdire le recours de la Cour au critère du « caractère raisonnable » pour juger des lois et décisions gouvernementales et permettre aux ministres de nommer leurs propres conseillers juridiques, sans plus dépendre de conseillers issus du ministère de la Justice.
Selon les informations de Haaretz, d’autres projets – qui n’ont pas encore été divulgués – concernent l’affaiblissement du rôle du procureur général, la limitation des possibilités de recours contre les actions du gouvernement et des changements majeurs aux lois fondamentales quasi-constitutionnelles de nature à remanier l’équilibre des pouvoirs entre la Knesset et la Cour Suprême.
Les critiques estiment que cette réforme aura, avec d’autres projets de lois, un impact significatif sur le caractère démocratique d’Israël, dont ils bouleverseront le système de contrepouvoirs en conférant un pouvoir quasi absolu à l’éxécutif et en laissant les minorités sans défense.
Plus de 100 000 manifestants se sont rassemblés contre ces projets à Tel Aviv, samedi dernier dans la soirée, et des milliers d’autres ont manifesté à Jérusalem, Haïfa, Beer Sheva, Herzliya et Modiin.
La semaine passée, des milliers d’étudiants et de lycéens ont organisé une « grève » coordonnée d’une heure contre ces projets.

La réforme de la Cour Suprême est un abcès de fixation des Conservateurs – de droite et ultra-orthodoxes – depuis plus d’une dizaine d’années. Ils lui reprochent d’être des progressistes qui foulent aux pieds la majorité – de droite – élue.
Lundi, le chef de l’opposition Yair Lapid a demandé au président Isaac Herzog de mettre en place une commission chargée de promulguer une réforme judiciaire « équilibrée », en écho aux recommandations des Doyens d’Universités pour un débat public de grande ampleur sur la question.
Le cabinet de Herzog a confirmé plus tard que le président s’était entretenu avec Lapid sur ce sujet, soulignant qu’il continuait à œuvrer pour éviter « une crise constitutionnelle majeure » suite aux projets de la coalition.