Le conflit entre le rappeur juif Shyne et P Diddy raconté dans « The Honorable Shyne »
Le documentaire de Hulu retrace l’incarcération de Moses Michael Levi Barrow, son séjour en Israël et sa renaissance en tant que chef de l'opposition dans son pays natal, le Belize

JTA – En 2011, un nouveau venu à Jérusalem a attiré l’attention internationale : le rappeur Shyne, qui était devenu juif orthodoxe en prison, avait atterri en Israël après son expulsion une fois avoir purgé sa peine.
Mais Shyne a rapidement disparu de la ville sainte, rejoignant ainsi d’innombrables autres personnes qui n’ont fait de Jérusalem qu’un domicile temporaire.
Aujourd’hui, plus de dix ans plus tard, un nouveau documentaire dévoile les raisons du départ de Shyne et ce qu’il est devenu depuis. Intitulé « The Honorable Shyne », il sera diffusé pour la première fois cette semaine sur Hulu. Il comprend la réponse de l’ancien rappeur au scandale de trafic sexuel qui a touché son mentor Sean « Diddy » Combs – ou P Diddy.
Dans une interview sur le nouveau film, Shyne (de son vrai nom Jamal Michael Barrow) a parlé de son identité juive, de la fusillade dans une boîte de nuit qui lui a valu une condamnation de dix ans de prison et de son nouveau chapitre en tant que politicien et chef du Belize United Democratic Party (BUDP), le principal parti d’opposition de la nation d’Amérique centrale.
« Les gens me demandaient de réaliser un documentaire depuis un certain temps, depuis vingt ans », a déclaré Shyne, qui se fait désormais appeler Moses Michael Levi Barrow.
« Mais j’avais besoin d’un partenariat adéquat, ce qui signifiait que nous devions être en accord sur l’histoire que nous voulions raconter. Il y a tellement d’histoires différentes qui peuvent être racontées, et je ne voulais pas me prostituer pour du sensationnalisme. »

« Je voulais raconter une histoire unique, celle de l’intégrité, de la ténacité et de toutes les grandes choses que les êtres humains ont en eux. »
Né au Belize avant de déménager avec sa mère à Brooklyn lorsqu’il était enfant, Shyne a commencé sa carrière de rappeur à l’adolescence, dans les années 1990, et a connu une ascension fulgurante au sein du label Bad Boy Records, fondé par P Diddy.
Shyne a été arrêté en 1999, et condamné deux ans plus tard, suite à une fusillade dans une boîte de nuit à laquelle assistaient P Diddy et Jennifer Lopez, la petite amie de ce dernier. Il a été reconnu coupable d’agression, de mise en danger d’autrui et de possession d’armes, et condamné à dix ans de prison. P Diddy, quant à lui, a été acquitté.
Après neuf années de prison, Shyne était devenu un Juif orthodoxe pratiquant à sa sortie. Expulsé des États-Unis en 2009, il a vécu deux ans en Israël, à Jérusalem. En 2010, il a collaboré avec le musicien Matisyahu et a attiré l’attention des médias pour sa transformation frappante, qui comprenait le port de lunettes de soleil et le changement de son prénom en « Moïse ».
En 2013, il est retourné au Belize, où son père, Dean Barrow, est un ancien Premier ministre.
Le nouveau documentaire, réalisé par Marcus A. Clarke et produit en association avec la marque Andscape, associée à ESPN et Disney, retrace la carrière musicale de Shyne, son procès et son incarcération, ainsi que sur ses réflexions sur P Diddy, qui a récemment fait l’objet d’accusations fédérales de racket et de trafic sexuel.
Le film aborde également le parcours juif de Shyne, qui est particulièrement fascinant.
Alors qu’il a été rapporté que Shyne s’était « converti » au judaïsme durant son incarcération, ce n’est pas tout à fait exact, a-t-il expliqué au cours de l’interview.
« Je ne me suis pas converti, je suis né avec un héritage juif », a-t-il déclaré. Il a précisé que sa grand-mère était d’origine juive éthiopienne.
« Pour moi, être juif n’est pas une question de race ni d’ethnie. C’est une question de spiritualité. Pour moi, le judaïsme est né à Brooklyn, où j’ai été confronté quotidiennement à la mort et à un danger imminent lorsque je sortais de chez moi et que je voyais des amis se faire exploser la tête juste à côté de moi. J’avais besoin de prier pour survivre, pour exister au-delà de ce qui était statistiquement prévisible, la prison ou la mort, à l’âge de 21 ans. »
Shyne a grandi dans le quartier d’East Flatbush, à Brooklyn, où il a souvent eu des ennuis et a reçu une balle dans l’épaule à l’âge de 15 ans.
« C’est pour cette raison que j’ai commencé à prier… J’ai commencé à prier Dieu. Je voulais juste rester en vie », a-t-il déclaré.
« J’ai 46 ans et depuis 30 ans, je prie tous les jours, je prie le
Tout-Puissant. »
En juin 2001, il a été reconnu coupable d’agression pour l’affaire de la boîte de nuit et condamné à dix ans de prison.
« Lorsque je suis entré en prison, j’ai codifié ma spiritualité », a-t-il confié. « J’avais prié de manière monothéiste, je m’inspirais de Moïse et de toutes ces figures, Abraham et David, le roi, et Joseph le Tzadik [le juste]. Il fallait donc passer de la lecture de la Torah à la pratique concrète. C’est ce que je n’avais pas avant d’aller en prison. »
Tant en prison que pendant son séjour en Israël, Shyne laisse entendre qu’il n’a pas toujours été accepté dans les espaces juifs, en tant qu’homme noir et personne d’origine caribéenne.

Il raconte également avoir été rejeté par un rabbin à Rikers Island, où il a été incarcéré pendant une partie de sa peine. Ce dernier lui a alors demandé : « Comment ça, tu es juif ? »
« J’ai eu du mal à être juif en prison. C’était certainement une anomalie, je suppose, car la plupart des [Africains et Caribéens-Américains] qui vont en prison deviennent musulmans. »
Cependant, pendant cette période, il a commencé à mettre ses tefillin – phylactères de prière juifs – , à observer la casheroute et le Shabbat.
Il se souvient de l’arrivée à Rikers d’un homme qui « sentait la graille » et qui était juif.
« Il parlait d’enseignements kabbalistiques – pas comme la kabbale de Madonna », a-t-il raconté, en référence au mouvement basé à Los Angeles et connu pour enseigner une version du mysticisme juif à des célébrités d’Hollywood.
« J’ai lu quelques-uns des livres qu’il m’a donnés et qui m’ont vraiment époustouflé. »
Dans le film, Shyne raconte qu’après sa libération, il s’est rendu en Israël pour célébrer Rosh HaShana et qu’il y est resté plus de deux ans. Pour devenir plus pratiquant, il a même subi une circoncision rituelle à l’âge de 30 ans. Shyne est retourné en Israël et a filmé des interviews dans la Vieille Ville de Jérusalem pour le documentaire.
À un moment donné, explique Shyne, il a été rejeté par Ohr Somayach, une yeshiva israélienne qui accueille les Juifs qui n’ont pas grandi dans l’orthodoxie.

« Pour moi, l’expérience, les études et le mentorat avaient leurs limites », explique-t-il dans le film. Shyne est finalement arrivé à la conclusion que
« le fait d’être ultra-religieux créait plus de divisions et de barrières pour moi ». Il s’est alors éloigné du courant ultra-orthodoxe et est retourné au Belize.
Shyne reste cependant un Juif pratiquant. Il m’a montré sa pochette à tallit lors de notre entretien, monogrammé avec son nom hébraïque, « Moshe Ben David ».
« Je suis un hybride. Je jeûne à Yom Kippour, je mets mes tefillin tous les jours », a-t-il déclaré à la JTA.
Cependant, « le vendredi soir, si je dois faire quelque chose, je le fais. Je n’observe donc pas [le Shabbat] à ce niveau. »,
Au Belize, il a observé Souccot, la fête des cabanes. « J’observe la casheroute, en ce sens que je ne mange pas d’aliments non casher », a-t-il précisé.
Shyne n’a à aucun moment témoigné contre P Diddy ni contre quiconque dans l’affaire de la fusillade, et il a même participé à une réunion sur scène de Bad Boy Records lors des BET Awards en 2022. Dans le film et lors d’interviews récentes toutefois, il reproche à P Diddy d’avoir appelé des témoins pour l’accuser d’être responsable de la fusillade, une accusation que P Diddy dément.
Le documentaire est le fruit d’une enquête de près de deux ans et comprend une interview réalisée après la perquisition des maisons de P Diddy au printemps 2024, quelques mois avant que ce dernier ne soit inculpé, selon le procureur américain, pour avoir abusé de femmes et s’être livré à un trafic sexuel.
« Avant la perquisition, un procès a été intenté dans lequel un homme [le producteur Rodney ‘Lil Rod’ Jones] prétendait que Diddy lui avait dit qu’il avait tiré sur le club et qu’il m’avait fait purger une peine [de prison] », a raconté Shyne à la JTA.

« C’est ce qui a déclenché l’affaire. Puis, une victime s’est manifestée et a confirmé ce qu’elle disait depuis le début : Diddy était celui qui lui avait tiré dessus au visage, et non Shyne. J’ai donc dit que je ne faisais que me défendre et que d’autres coups de feu avaient retenti dans le club cette nuit-là. »
P Diddy nie toutes les allégations portées contre lui.
Dans le film, Shyne réagit à une vidéo de 2016 qui montrerait P Diddy en train d’agresser son ancienne petite amie. « Je devais me dissocier de lui et condamner ces actions », explique-t-il dans le film.
En novembre 2020, Shyne a remporté un siège à la Chambre des représentants du Belize, promettant des prêts étudiants à taux réduit et une répression de la criminalité, en tant que membre du BUDP, un parti de centre-droit.
S’exprimant en tant que personnalité politique, Shyne, qui a été expulsé vers son pays d’origine après sa sortie de prison, a adopté un ton neutre concernant la récente élection de Donald Trump pour un second mandat non consécutif.
« La relation entre le Belize et les États-Unis dure depuis 43 ans, et nous avons connu de nombreux présidents », a-t-il déclaré.
« Nous avons beaucoup profité du président [Joe] Biden et de la vice-présidente [Kamala] Harris », en référence à une subvention de 250 millions de dollars de la Millennium Challenge Corporation.
« Au nom du peuple bélizien, il est très important pour moi de rester impartial et d’entretenir des relations transcendant la partisanerie. Je souhaite bonne chance au président [nouvellement] élu ainsi qu’à la vice-présidente Harris, qui a été une candidate remarquable. »
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