Le fils du dernier grand rabbin syrien appelle à préserver la communauté juive
Binyamin Hamra, rabbin de la communauté syrienne en Israël, a écrit au nouveau dirigeant Ahmed al-Sharaa que le renversement d'Assad a été "dû à la providence de Dieu", et que la protection des sites juifs est un devoir religieux
Le grand rabbin de la communauté juive syrienne en Israël a écrit une lettre la semaine dernière au chef du nouveau gouvernement syrien, Ahmed al-Sharaa, l’appelant à préserver la communauté juive historique du pays.
Binyamin Hamra, dont le père Avraham avait été le dernier grand rabbin de Syrie de 1976 à 1994, a demandé à Sharaa de « protéger ces Juifs précieux qui restent en Syrie et d’ordonner la stricte préservation des sites historiques juifs ».
« La protection de ces sites n’est pas seulement un devoir religieux, mais c’est aussi une marque de respect pour l’Histoire et pour la culture de l’ensemble du peuple syrien, comme c’est également le cas de la préservation des biens et des maisons des Juifs syriens qui ont tout quitté contre leur gré », a-t-il dit.
La Syrie abritait autrefois l’une des communautés juives les plus importantes et les plus anciennes au monde. Toutefois, suite aux émeutes et aux persécutions antijuives qui avaient suivi la création d’Israël en 1948, la quasi-totalité de ces Juifs avaient fui à l’étranger dès qu’ils en avaient eu l’occasion. Neuf Juifs seulement vivraient encore aujourd’hui en Syrie, selon des estimations, presque tous des hommes et des femmes d’un certain âge.
Une offensive-éclair menée par des rebelles islamistes a entraîné le renversement, le mois dernier, du régime de la dynastie Assad qui régnait depuis des décennies en Syrie – environ 14 ans après que le début de la guerre civile qui a déchiré le pays, une guerre qui avait éclaté dans le contexte des printemps arabes de 2011.
Sharaa – qui était connu auparavant sous son nom de guerre d’Abu Mohammad al-Jolani et qui est le chef du groupe Hayat Tahrir al-Sham (HTS), une organisation qui était autrefois affiliée à Al-Qaïda – a tenté, depuis la victoire, de se débarrasser de son image d’extrémiste et il s’est engagé à protéger les minorités dans le pays.
Au début du mois, un représentant du nouveau régime syrien, placé sous l’autorité de Sharaa, a rencontré Bakhour Chamntoub, le chef de la minuscule communauté juive restée dans le pays. Il a promis aux Juifs de Syrie « la paix et la sécurité », appelant même les Juifs syriens qui vivent à l’étranger à rentrer dans le pays.
Les gouvernements occidentaux ont commencé à ouvrir progressivement des canaux de communication avec Sharaa et avec HTS, commençant à débattre de l’opportunité de supprimer le groupe des listes noires des organisations terroristes.
Des diplomates américains de premier plan venus à Damas, le mois dernier, ont indiqué que Sharaa était apparu comme un homme « pragmatique » et que Washington avait décidé de lever la prime de 10 millions de dollars qui avait été placée sur la tête du chef du HTS.
Dans sa lettre à Sharaa, Hamra écrit que le renversement d’Assad par HTS a été « un événement historique […] dû à la providence de Dieu ».
« Dieu tout-puissant vous a confié la direction de la Syrie afin que vous puissiez améliorer la situation de ce pays. Grâce à vos bonnes actions, vous serez récompensé dans ce bas monde et vous serez récompensé dans l’au-delà », a ajouté le rabbin.
« Depuis des milliers d’années, la communauté juive de Syrie – même si elle ne constituait qu’une petite minorité – a fait partie intégrante du tissu riche et diversifié du peuple syrien », a-t-il poursuivi.
« Il y a, dans toute la Syrie, des sites historiques, d’anciennes synagogues et des tombes de grands hommes juifs, qui constituent un patrimoine culturel et religieux pour les Juifs du monde entier », a noté Hamra, évoquant en particulier la synagogue et la grotte d’Élie le Prophète, deux sites qui se trouvent dans le village de Jobar, près de Damas, et qui ont été détruits pendant la guerre civile en Syrie.
La restauration de la grotte constituerait « un acte de grande bonté et symboliserait l’unité des peuples et leur respect d’un patrimoine commun », a fait remarquer Hamra dans sa missive.
« Je suis certain que sous votre autorité, la Syrie sera un pays multiculturel, tolérant et ouvert à tous, où tous les groupes religieux et où toutes les minorités ethniques pourront vivre en paix et en sécurité », a-t-il affirmé.