Le joueur de Târ Piris Eliyahu et son épouse pianiste mêlent Orient et Occident
Le concert du couple Eliyahu organisé à la Confederation House de Jérusalem est une affaire de famille et l'occasion de découvrir une musique innovante
Jessica Steinberg est responsable notre rubrique « Culture & Art de vivre »

Quand le joueur de Târ et compositeur Piris Eliyahu se produira, jeudi soir, à Jérusalem, lui et son nouveau quartet vont innover en créant un lien entre l’Orient et l’Occident dans le cadre d’une œuvre musicale qu’il appelle son « opus ».
« Cette œuvre, je la définis comme une musique post-mizrahie et post-occidentale », dit Eliyahu. « Les deux. Nous vivons dans cette société imprégnée d’Orient et d’Occident et cette musique représente quelque chose qui va encore au-delà. »
Eliyahu jouera de son instrument à cordes aux côtés du percussionniste Roni Ibrin, du bassiste Daniel Ibrin et de son épouse, la pianiste Larisa Eliyahu, à la Confederation House, sous la direction d’Effie Benaya.
De manière surprenante, ce sera la toute première fois qu’Eliyahu jouera avec son épouse, pianiste, à qui il est marié depuis 41 ans.
« Nous jouons ensemble depuis mes 17 ans », s’exclame Eliyahu, né à Derbent, au Dagestan et qui est diplômé de l’Académie de musique Rostov en Russie.
Il s’est essentiellement focalisé sur la musique orientale depuis qu’il s’est installé en Israël en 1989 avec son épouse. Larissa Eliyahu, pour sa part, est restée fidèle à la tradition musicale occidentale. « On a toujours joué ensemble à quatre mains, au piano, mais jamais dans des concerts, » explique-t-il.
Ces quatre mains sont parfois rejointes par celles du fils du couple, Mark Eliyahu, un musicien qui joue du kamânche, et qui est aussi connu pour avoir composé la musique du générique de « Téhéran », la série diffusée sur Apple TV+.
« C’est vraiment une affaire de famille », dit Eliyahu.
Eliyahu est un maître des instruments servant à faire de la musique orientale – une musique qu’il connaît par ailleurs parfaitement – en raison de son origine nord-caucasienne, de sa proximité avec la Perse et de la combinaison de ces influences sur sa famille musicale.
Compositeur dès l’âge de 15 ans, Eliyahu s’était concentré, pendant des années, sur les sons orientaux et sur la musique liturgique. Il a obtenu un doctorat à l’université Bar-Ilan où il est devenu professeur – à l’école de musique ethnique.
« Les sons de l’Occident me semblaient étranges », dit-il. « Mais les années ont passé et je suis moins idéaliste concernant l’Orient ».
Venir en Israël avait également eu une influence sur Eliyahu, en ouvrant encore davantage ses horizons musicaux et parce que les musiciens mizrahis en particulier « luttaient pour faire entendre leur voix », explique-t-il, une bataille qui a été spécialement difficile pendant de nombreuses années.
« Les méthodes occidentales venues d’Europe ont toujours été là, mais où sont les gammes orientales ? », s’interroge Eliyahu. « Enseignez-les dans les jardins d’enfants et la contradiction laissera la place à l’harmonie. »
Eliyahu est lui-même entré dans la bataille, enseignant la musique orientale à travers des programmes et à travers les écoles qu’il a aidé à établir, notamment Musrara à Jérusalem et Maqamat à Tzfat et souvent, sans aucun financement du gouvernement – au moins initialement.

« Cela semble un peu différent aujourd’hui », dit Eliyahu, qui remarque que les musiciens doivent faire changer les choses eux-mêmes sans attendre une éventuelle aumône.
Actuellement, le couple vit à Arad, dans le désert de Judée, où il travaille et il compose dans un paysage unique.
« Ce travail musical est influencé par la nature, par la manière dont la nature me touche, et je veux emmener le public dans ce monde de rêves et d’imagination », explique le musicien.
« J’ai travaillé dur pour faire le lien entre les harmonies traditionnelles de la musique occidentale et les sons venus d’Orient, à créer une sorte de fusion », ajoute-t-il. « C’est un effort qui a demandé de nombreuses années et aujourd’hui, on n’a plus l’impression d’un musicien oriental qui aurait puisé simplement dans le répertoire de l’Occident. »