Le ministère de Ben Gvir chargé de la mise en œuvre de la loi sur les bâtiments
Des activistes protestent contre la mention de « criminalité » pour caractériser la société arabe ; Les Arabes israéliens se disent face à des obstacles souvent insurmontables pour construire en toute légalité
Le ministère de la Sécurité intérieure, sous la direction du ministre Itamar Ben Gvir, s’est vu attribuer compétence sur une unité chargée de l’application des règlements de construction, ce en quoi certains voient une mesure anti-Arabes.
La nouvelle, annoncée dimanche lors du Conseil des ministres, fait ainsi passer la Division de l’application de la loi immobilière de la coupe du ministère des Finances à celle du ministère de la Sécurité intérieure.
Cette décision s’inscrit dans le cadre de l’accord de coalition signé entre le Likud, parti du Premier ministre Benjamin Netanyahu, et Otzma Yehudit, le parti de Ben Gvir, lorsque le gouvernement a pris ses fonctions fin 2022.
Les organisations de défense des droits de l’homme se sont élevées contre la formulation de l’accord, qui pointe du doigt la « criminalité » au sein de la société arabe israélienne.
« Ces dernières années, il est devenu évident, pour endiguer les violences graves en Israël, et en particulier celles qui prévalent au sein de la société arabe, de privilégier une action concertée et ciblée de toutes les autorités compétentes en charge de l’application de la loi contre les criminels », lit-on en introduction du texte d’accord.
Aviv Tatarsky, chercheur pour Ir Amim, ONG à but non lucratif pacifiste favorable à ce que Jérusalem-Est soit un jour la capitale d’un futur État palestinien, a déclaré au journal Calcalist que ce transfert de compétences témoignait de « l’instrumentalisation par l’État… des démolitions de maisons, non pas pour garantir l’état de droit, mais pour opprimer les populations arabe. »
Le Centre arabe pour la planification alternative, ONG à but non lucratif qui, selon son site Internet, entend « émanciper les municipalités arabes », a protesté, dans une lettre adressée à Netanyahu, contre la mention de la criminalité dans le texte sur le transfert de la Division de l’application de la loi sur l’immobilier.
« Il n’y a aucune preuve d’un lien de causalité solide entre les ‘constructions illégales’ et la violence et la criminalité au sein de la société arabe », a écrit l’organisation.
Municipalités et quartiers arabes sont marqués par un taux plus élevé de constructions non autorisées, selon une étude réalisée en 2022 par l’ONG à but non lucratif Sikkuy-Aufoq, qui se consacre à la promotion de l’égalité entre Arabes et citoyens juifs d’Israël. Dans le district de Haïfa, par exemple, 55 % des structures construites illégalement sont concentrées dans les communautés à prédominance arabe de la région de Wadi Ara, à l’est de Hadera.
Des partisans d’une réforme des conditions de mise en œuvre de la loi sur les constructions illégales en Israël affirment que de nombreux contrevenants arabes construisent sans autorisation en raison d’une forme de racisme institutionnalisé et d’une bureaucratie inefficace qui leur rend difficile l’obtention de permis, ce que contestent d’autres observateurs de la question.
Ben Gvir lui-même est un disciple du défunt rabbin Meir Kahane, favorable à la déportation des Arabes du territoire israélien. Ben Gvir a lui-même appelé au réinvestissement de la bande de Gaza par des juifs israéliens et, en début d’année, s’est attiré les critiques du Département d’État américain pour avoir déclaré que son droit à la sécurité en Cisjordanie l’emportait sur le droit des Palestiniens à se déplacer librement.
Dans sa lettre, le Centre arabe pour la planification alternative explique que la Division de l’application de la loi immobilière permettra à Ben Gvir « d’agir avec racisme et discrimination » contre les Arabes israéliens.
Au-delà des seules infractions aux règles qui régissent la construction, le ministère de Ben Gvir assumera par ailleurs la responsabilité de la gestion des déversements sauvages de déchets, qui relevaient jusqu’alors de la compétence du ministère de la Protection de l’environnement. Cette question est en effet liée à une autre activité très répandue au sein des communautés arabes, à savoir l’incinération illégale des ordures, ainsi que le déversement de déchets de construction dans des espaces non autorisés.
Invité à réagir aux accusations de racisme, le porte-parole de Ben Gvir a fait référence à une publication de Ben Gvir sur X, lundi.
« Les médias : Ben Gvir ne s’attaque pas à la criminalité au sein de la société arabe – il est négligent. Ben Gvir s’attaque à la criminalité au sein de la société arabe – il est raciste », peut-on lire dans le message.
Dans une déclaration à propos du transfert de compétence, le cabinet de Ben Gvir a écrit que « le transfert de la Division de l’application de la loi immobilière est une étape majeure sur la voie de l’amélioration de l’application de la loi par l’État d’Israël en ce qui concerne les infractions aux règles de la construction. Comme nous l’avons fait lorsque nous avons doublé l’application de la loi dans le Neguev, nous allons rétablir le règne de la loi et de l’ordre plus vigoureusement encore. Ceux qui enfreignent la loi vont désormais trouver face à eux une main ferme et une tolérance zéro. »