Le négationnisme « est aussi grotesque que prétendre que la terre est plate »
Pour l'historien Tal Bruttmann, le combat contre le négationnisme ne peut être réservé aux seuls historiens
L’historien Tal Bruttmann, historien spécialisé dans la « micro-histoire » d’Auschwitz, revient dans un long et passionnant entretien sur le site Lignes de crêtes, sur l’actualité du négationnisme, et sur la « couleur » de l’antisémitisme: historiquement l’anti-judaïsme est-il rouge, rose ou brun ?
« L’antisémitisme n’est pas propre à la droite ou l’extrême droite, il a toujours été présent sur l’ensemble de l’échiquier politique, » explique l’historien et auteur prolifique membre de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah.
« On en a eu un exemple lors de la campagne présidentielle avec la disqualification de Macron comme « banquier », utilisée tant à l’extrême droite qu’à l’extrême gauche. Il y a 15 ans, il aurait été brocardé comme technocrate, c’est un pur produit de l’ENA. Mais son passage chez Rothschild devient une tache. Aurait-il exercé au Crédit Agricole ou à la Banque postale, je doute qu’il aurait été qualifié de banquier ».
Il source la provenance de ces références « chez les auto-proclamés ‘anti-système’ – qui ont tous pourtant des cursus forts semblables et sont présents en politique depuis des décennies – pour dénoncer ‘la banque’, ‘l’oligarchie’ « .
A la question de savoir si le combat contre le négationnisme doit être réservée aux historiens, Tal Bruttmann tranche : « évidemment que le boulot des historiens est de battre en brèche ces discours, mais cela ne doit pas relever d’eux seuls. On n’en appelle pas à un astrophysicien pour contrecarrer les délires sur la ‘terre plate’ « .
Un historien, explique-t-il, évolue dans le domaine de l’intellectuel et du rationnel, ce qui n’est pas le cas des négationnistes, même s’ils aiment à se parer de cette illusion scientifique.
« La méthode négationniste est simple. On prend un élément, en général microscopique, on le nie avec des arguments pseudo-scientifiques, puis on décrète que puisque tel témoignage comporte un élément décrété faux alors tout événement est faux. Retranscrit dans d’autres domaines ça donne : la perruque de Louis XIV n’était pas blanche alors qu’un témoin l’a décrite comme telle, c’est donc la preuve que Louis XIV n’existe pas ».