Israël en guerre - Jour 339

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Analyse

Le plan Trump pourrait bien s’avérer « historique » – pour les mauvaises raisons

"L'accord du siècle" a uni les Palestiniens dans l'opposition, et si Israël annexe le territoire de Cisjordanie, il pourrait être considéré comme le déclencheur d'une 3e Intifada

Avi Issacharoff

Avi Issacharoff est notre spécialiste du Moyen Orient. Il remplit le même rôle pour Walla, premier portail d'infos en Israël. Il est régulièrement invité à la radio et à la télévision. Jusqu'en 2012, Avi était journaliste et commentateur des affaires arabes pour Haaretz. Il enseigne l'histoire palestinienne moderne à l'université de Tel Aviv et est le coauteur de la série Fauda. Né à Jérusalem , Avi est diplômé de l'université Ben Gourion et de l'université de Tel Aviv en étude du Moyen Orient. Parlant couramment l'arabe, il était le correspondant de la radio publique et a couvert le conflit israélo-palestinien, la guerre en Irak et l'actualité des pays arabes entre 2003 et 2006. Il a réalisé et monté des courts-métrages documentaires sur le Moyen Orient. En 2002, il remporte le prix du "meilleur journaliste" de la radio israélienne pour sa couverture de la deuxième Intifada. En 2004, il coécrit avec Amos Harel "La septième guerre. Comment nous avons gagné et perdu la guerre avec les Palestiniens". En 2005, le livre remporte un prix de l'Institut d'études stratégiques pour la meilleure recherche sur les questions de sécurité en Israël. En 2008, Issacharoff et Harel ont publié leur deuxième livre, "34 Jours - L'histoire de la Deuxième Guerre du Liban", qui a remporté le même prix

Des manifestants palestiniens brûlent des pneus pour protester contre la proposition de paix du président américain Donald Trump, le 28 janvier 2020, à l'entrée de la ville de Ramallah, en Cisjordanie. près de l'implantation juive de Beit El. (Crédit : Ahmad GHARABLI / AFP)
Des manifestants palestiniens brûlent des pneus pour protester contre la proposition de paix du président américain Donald Trump, le 28 janvier 2020, à l'entrée de la ville de Ramallah, en Cisjordanie. près de l'implantation juive de Beit El. (Crédit : Ahmad GHARABLI / AFP)

« L’accord du siècle » est un plan fantastique – qui aborde toutes les questions centrales du conflit israélo-palestinien.

L’équipe américano-israélienne qui l’a rédigé n’a négligé aucun détail. Les réfugiés palestiniens et leurs descendants pourront retourner dans leur pays, la Palestine, après la création de l’État. Jérusalem-Est (pardon, trois villages palestiniens à l’extérieur de la barrière de sécurité) sera la capitale de l’État palestinien et la Palestine vivra heureuse pour toujours – démilitarisée, démocratique et reconnaissant Israël comme un État juif qui dirige environ 70 % de la Cisjordanie. Même le Hamas renoncera à ses armes.

C’est en effet un plan fantastique – ou plutôt, fantasque.

C’est parce que, malheureusement, l’autre partie, avec laquelle l’État d’Israël est censé faire la paix, ces « autres » appelés les Palestiniens, rejettent catégoriquement ce plan. Ce n’est pas seulement le Hamas. Tout le monde refuse d’accepter ne serait-ce qu’une seule clause.

Et pourtant, les grands pontes de droite et les responsables politiques de droite (y compris les pontes qui s’efforcent d’être des responsables politiques) qualifient ce plan d’historique. Ils affirment que les Palestiniens n’auraient jamais accepté un autre plan de paix, leur position n’est donc pas pertinente. Regardez, disent-ils, les Palestiniens ont rejeté le plan de partage de l’ONU en 1947, les accords d’Oslo en 1993, la proposition de Camp David en 2000, la proposition d’Olmert en 2008.

Le président américain Donald Trump (à droite), rejoint par le premier ministre Benjamin Netanyahu, s’exprime lors d’un événement dans la salle Est de la Maison Blanche à Washington, le 28 janvier 2020, pour annoncer le plan très attendu de l’administration Trump pour résoudre le conflit israélo-palestinien. (Crédit : AP Photo/Susan Walsh)

Mais cet argument comporte deux petits problèmes : d’abord, il faut être deux pour danser le tango, et si le plan de « paix » n’est pas pertinent pour une des parties, que pouvons-nous en faire exactement, à part le jeter dans la poubelle de l’histoire ?

Deuxièmement, même si nous supposons qu’ils ont raison et que les Palestiniens ont effectivement rejeté toutes ces offres – pourquoi était-il si urgent de faire une autre proposition, pire que les autres, d’un point de vue palestinien, à ce moment-là ?

C’est ici que nous trouvons la véritable réponse concernant le plan Trump : il est destiné à attirer l’attention du public en Israël, en la détournant par tous les moyens possibles des affaires de corruption du Premier ministre Benjamin Netanyahu à la veille des élections israéliennes, et à donner au président Donald Trump quelques points en cette année électorale américaine.

Il n’est pas nécessaire d’être un génie pour deviner ce qui se passera si un candidat démocrate remporte les élections présidentielles de novembre. Et ce n’est pas un scénario imaginaire.

Le plan de Trump a créé une sorte de consensus parmi les Palestiniens. Une délégation du Fatah du président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas ira rencontrer des membres importants de son rival de longue date, le groupe terroriste du Hamas, dans la bande de Gaza. Le chef du Politburo du Hamas, Ismail Haniyeh, s’est entretenu au téléphone avec Abbas, et une fois de plus, il est question d’unité.

Le président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas (à droite) et le Premier ministre palestinien Ismail Haniyeh du Hamas (à gauche) à la tête de la première réunion du cabinet du nouveau gouvernement de coalition au bureau d’Abbas à Gaza, le 18 mars 2007. (AP Photo/Khalil Hamra, File)

Pour l’instant, il semble que les Palestiniens ne se soient pas mobilisés en masse, malgré les avertissements des dirigeants de l’Autorité palestinienne. Mais une conférence de presse conjointe Trump-Netanyahu (présentée comme un « sommet ») n’était pas censée provoquer un drame dans les rues palestiniennes à ce moment. La grande question qui reste à régler concerne l’annexion promise des implantations de Cisjordanie et de la vallée du Jourdain, et la manière dont Israël en bénéficiera exactement.

Une décision d’Israël d’annexer des territoires quatre semaines environ avant les élections n’est pas seulement un vol, c’est aussi jouer avec le feu. Elle pourrait déclencher des mesures palestiniennes extrêmes, telles que le gel de la coordination de la sécurité avec Israël, le démantèlement de l’Autorité palestinienne ou la reprise des attaques terroristes.

Les mêmes « experts de droite » diront qu’il s’agit d’un alarmisme hystérique de la part de la gauche et des militaires. Le problème est que ces avertissements sont exprimés non seulement par des officiers supérieurs de l’armée israélienne, mais aussi par les membres du Shin Bet et par tous ceux qui surveillent la situation du côté palestinien.

Les experts de droite refusent de reconnaître la simple vérité, à savoir que la même Autorité palestinienne qu’ils souhaitent démanteler est actuellement responsable de la mise en échec d’un quart ou d’un tiers de toutes les tentatives d’attentats terroristes, y compris contre les résidents d’implantation. Ils refusent de reconnaître que l’Autorité palestinienne a joué un rôle clé dans le fait que la Cisjordanie s’est apaisée ces dernières années et n’a pas explosé en quelque chose ressemblant à une troisième Intifada.

Si l’Autorité palestinienne devait mettre fin à la coordination sécuritaire, permettre aux membres du groupe terroriste Tanzim du Fatah de descendre dans les rues, voire se démanteler, le plan Trump pourrait bien devenir un événement historique après tout – un événement qui restera dans les mémoires comme l’une des causes d’un déchaînement de violence ressemblant à la première et à la deuxième Intifada.

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