Le Qatar veut prouver qu’il coopère contre la menace de l’islamisme radical
Le Qatar avait été montré du doigt par l'Allemagne pour avoir financé le groupe terroriste de l'Etat islamique
Le Qatar, qui affirme avoir obtenu la libération d’un Américain en Syrie après des « efforts acharnés », cherche à redorer son image et à prouver qu’il coopère dans la lutte contre des groupes islamistes radicaux qu’il est parfois accusé de soutenir, selon des experts.
Dans une déclaration officielle publiée à Doha, le ministère des Affaires étrangères a déclaré que le Qatar avait « réussi à obtenir » la libération dimanche de Peter Theo Curtis, otage pendant 22 mois du Front al-Nosra, et qu’il avait agi selon « les principes d’humanité » et du droit des individus à « la liberté et à la dignité ».
Selon la mère de l’ex-otage, « des représentants du gouvernement du Qatar lui ont dit à plusieurs reprises qu’ils faisaient une médiation pour la libération de Theo sur une base humanitaire, sans versement d’argent ».
Le secrétaire d’Etat américain John Kerry a appelé son homologue pour « remercier » le Qatar. Ce n’est pas la première fois que Doha contribue ou joue un rôle-clé dans la libération d’otages.
Depuis la diffusion il y a six jours de l’exécution du journaliste américain James Foley, assassiné par l’Etat islamique (EI) en représailles aux frappes américaines en Irak, le Qatar multiplie les gestes et les déclarations pour souligner qu’il n’a rien à voir avec l’islamisme radical.
« Le Qatar ne soutient pas de groupes extrémistes, dont fait partie l’Etat islamique, d’une quelconque manière », a affirmé samedi le chef de la diplomatie Khaled Ben Mohammed Al-Attiyah.
« Nous sommes choqués par leurs opinions, leurs méthodes violentes et leurs ambitions », a-t-il dit, ajoutant: « il est en tout cas impératif de couper les fonds qui parviennent aux groupes extrémistes dans la région ».
Depuis la montée en puissance du Qatar sur les scènes régionale et internationale à la fin des années 1990, ce riche émirat gazier, allié des Etats-Unis, est régulièrement accusé de soutenir ou de financer directement ou indirectement des mouvements d’insurgés dans le monde arabe, notamment ces dernières années en Syrie.
Dans une interview diffusée mercredi dernier au lendemain de la diffusion de la vidéo montrant l’exécution de James Foley, un ministre allemand, Gerd Müller, avait mis les pieds dans le plat en pointant du doigt le Qatar comme ayant financé l’EI.
« Qui finance ces troupes ? » s’était demandé Müller. « Je pense au Qatar ». Berlin avait ensuite « regretté » que Doha ait pu se sentir offensé par ces propos.
Dimanche, alors que les relations étaient au plus bas entre le Qatar d’une part, l’Arabie Saoudite, les Emirats arabes unis et l’Egypte de l’autre, le ministre des Affaires étrangères de Doha a participé à une réunion inter-arabe à Jeddah sur la Syrie, en présence de ses homologues saoudien, émirati et égyptien.
Devant « la progression de l’idéologie terroriste et extrémiste », les cinq pays qui ont participé à cette réunion sont convenus de la nécessité de lutter contre les djihadistes de l’EI qui « menacent » la sécurité et la stabilité de la région et du monde, a précisé un communiqué officiel.
Selon des experts, le Qatar aujourd’hui n’aurait d’autre choix que de suivre les Américains et les Saoudiens dans les efforts pour contenir les avancées islamistes.
« L’EI est une menace pour tout le monde, y compris pour les pays du Golfe, dont le Qatar », a estimé Abdul Khaleq Abdallah, professeur de sciences politiques à l’université des Emirats et spécialiste du Golfe.
Dans ce contexte, a-t-il ajouté, les responsables du Qatar « ne veulent pas se mettre à dos tout le monde » et doivent désormais « faire leur possible pour coopérer et se coordonner avec Ryad ».
Fait rarissime, mardi dernier, le grand mufti d’Arabie Saoudite, Abdel Aziz Al-Cheikh, la plus haute autorité religieuse du royaume, avait violemment dénoncé les djihadistes de l’EI, les qualifiant d' »ennemi numéro un de l’islam ».