Le Sénat rejette la proposition de conditionnement des aides à Israël de Bernie Sanders
L'initiative visait à forcer le département d'État à enquêter sur la conduite de l'armée dans la guerre et sur les éventuelles violations faites aux droits de l'Homme commises par Israël
Jacob Magid est le correspondant du Times of Israël aux États-Unis, basé à New York.
Le sénat américain a rejeté une résolution, mardi, qui aurait obligé le département d’État à faire un rapport dans les 30 jours sur la conduite de l’armée israélienne dans sa guerre contre le Hamas, dans la bande de Gaza, et sur d’éventuelles violations aux droits de l’Homme commises par Tsahal.
Un vote qui avait été poussé par Bernie Sanders, un sénateur progressiste, qui cherchait à ce que toutes les aides américaines apportées à Israël soient gelées à moins que ce rapport ne soit établi. Pour ce faire, il s’est appuyé pour la toute première fois sur une loi, vieille d’une décennie, qui exige que toute aide militaire ou en matière d’armement soit utilisée conformément aux accords internationaux conclus concernant les droits de l’Homme. Si les sénateurs américains avaient déjà tenté de mettre un terme à des ventes d’armes à d’autres pays dans le passé, ce mécanisme précis n’avait jamais été testé.
La résolution a été rejetée par 72 voix contre onze. Seuls les sénateurs démocrates Jeff Merkley, Bernie Sanders, Chris Van Hollen, Heinrich, Laphonza Butler, Ed Markey, Ben Ray Lujan, Mazie Hirono, Peter Welch et Elizabeth Warren, en plus du sénateur républicain Rand Paul, se sont prononcés en sa faveur. Sanders est un indépendant proche des démocrates.
Si la mesure a été rondement rejetée, elle reflète toutefois une inquiétude croissante parmi les membres du parti démocrate du président américain Joe Biden, notamment dans son aile la plus à gauche. Les démocrates ayant soutenu la mesure forment un petit groupe d’extrême-gauche au sein de la formation qui ne cesse de croître, ainsi qu’une poignée de libertaires républicains qui s’opposent par principe aux aides étrangères.
« Nous devons nous assurer que l’aide américaine est utilisée conformément aux droits de l’Homme et à nos propres lois », a déclaré Sanders dans un discours, avant le vote, où il demandait de soutenir sa résolution, regrettant « l’incapacité », a-t-il dit, du sénat à prendre en considération toute mesure portant sur l’effet de la guerre sur les civils.
La Maison Blanche, de son côté, a noté être opposée à la résolution qui aurait été susceptible d’ouvrir la voie à l’imposition de conditions sur la délivrance de l’assistance sécuritaire à Israël.
Les sénateurs qui se sont opposés à la mesure ont indiqué qu’elle transmettait un mauvais message au moment même où l’État juif est sur le point d’entreprendre une campagne beaucoup plus ciblée.
« Cette résolution n’est pas seulement à côté de la plaque, mais elle est dangereuse. Elle envoie le plus mauvais signal possible au plus mauvais moment », a commenté le sénateur républicain Lindsey Graham.
Ben Cardin, sénateur démocrate et président de la Commission des Relations étrangères, a affirmé que la résolution qui a été écartée était « contre-productive » et qu’elle rendrait plus compliqué, pour les États-Unis, de prévenir une escalade dans le conflit actuel.
Le porte-parole du Conseil national de Sécurité, John Kirby, a estimé que la résolution était « inapplicable ».
« Nous ne pensons pas que cette résolution soit le bon outil pour nous attaquer aux problématiques qui se posent. Et nous ne pensons pas que ce soit le bon moment de la présenter. Elle est inapplicable, très franchement », a noté le porte-parole dans une déclaration.
« Les Israéliens ont indiqué qu’ils se préparent à changer leurs opérations, qui perdront beaucoup en intensité. Et nous pensons que cette transition, dans la stratégie de combat, sera utile – que ce soit en termes de nombre de victimes civiles et de renforcement de la délivrance de l’aide humanitaire », a-t-il ajouté.
Les États-Unis donnent à Israël 3,8 milliards de dollars chaque année – pour des aides allant d’avions de chasse à des bombes puissantes, susceptibles de détruire les tunnels du Hamas. Biden a par ailleurs demandé au Congrès d’approuver une enveloppe supplémentaire de 14 milliards de dollars.
La résolution de Sanders a été déposée dans le cadre de la loi Foreign Assistance Act, qui autorise le Congrès à obliger le département d’État à fournir un rapport sur le respect des droits de l’Homme et toute autre information pour un pays bénéficiant d’une assistance américaine.
Cette législation, qui date de 1961, avait été amendée sous l’administration du président Nixon, permettant au Congrès d’assurer la supervision de l’aide militaire américaine à l’étranger. Elle exige que toutes les aides militaires, armements et autres, soient utilisés en respectant les accords internationaux conclus en matière de droits de l’Homme.
Si la résolution avait été adoptée, elle aurait exigé du département d’État qu’il fournisse un rapport au Congrès dans les trente jours. Après réception, le Congrès aurait pu réfléchir à une autre résolution proposant des changements dans l’assistance sécuritaire à Israël.
Israël a lancé sa guerre à Gaza pour éradiquer le Hamas, un groupe terroriste soutenu par l’Iran qui a juré de détruire l’État juif, dans le sillage de l’attaque commise par ses hommes armés, le 7 octobre – des milliers de terroristes avaient franchi la frontière et ils avaient tué 1 200 personnes, en majorité des civils, sur le sol israélien. Ils avaient enlevé 240 personnes, prises en otage dans la bande de Gaza.
Selon le ministère de la Santé placé sous l’autorité du Hamas au sein de l’enclave côtière, plus de 24 000 Palestiniens ont été tués depuis le début du conflit. Les chiffres émis par le ministère de la Santé, dans la bande, sont invérifiables et le groupe terroriste ne fait pas de distinction, dans son bilan, entre civils et hommes armés. Israël, pour sa part, estime que plus de 8 500 terroristes ont été tués depuis le lancement de l’incursion terrestre à Gaza, à la fin du mois d’octobre. Un millier d’hommes armés avaient déjà été tués sur le territoire israélien, le 7 octobre et les jours qui avaient suivi.
La guerre a aussi entraîné 2,3 millions de déplacés qui ont dû quitter leurs habitations à Gaza – à plusieurs reprises pour certains – et, selon les Nations unies, elle est à l’origine d’une crise humanitaire dans un contexte de pénurie de produits alimentaires, de carburant et de médicaments.
L’administration Biden a exercé des pressions visant à réduire l’intensité du conflit au vu du bilan meurtrier croissant du côté des civils palestiniens.
Cette guerre de trois mois a été l’occasion de batailles féroces sur tout le territoire de la bande de Gaza alors même que les soldats tentent d’anéantir les capacités militaires et de gouvernance du Hamas. Israël a juré de détruire le groupe terroriste et de continuer à se battre jusqu’au retour des otages enlevés le 7 octobre et qui sont encore actuellement entre les mains de leurs ravisseurs.
Il resterait 132 otages à Gaza – tous ne seraient pas en vie – après la remise en liberté de 105 civils lors d’une trêve qui avait eu lieu à la fin du mois de novembre et qui avait duré une semaine. Quatre otages avaient déjà été libérés à ce moment-là et une soldate avait été secourue par les troupes.
Les corps sans vue de huit otages ont aussi été rapatriés et trois captifs qui avaient réussi à échapper à leurs geôliers ont été accidentellement abattus par les soldats israéliens.
L’armée a confirmé le décès de 27 otages – notamment de deux captifs dont la mort a été annoncée mardi – qui se trouvaient encore à Gaza, citant de nouveaux renseignements et autres informations obtenues par les militaires en opération sur le terrain, au sein de l’enclave côtière. Une personne est encore considérée comme portée-disparue depuis le 7 octobre et sa destinée reste indéterminée.
L’équipe du Times of Israel a contribué à cet article.