L’Égypte déploie 40 chars pour renforcer la frontière avec Gaza
Des images montrent du fer barbelé et des fortifications sur la frontière, côté Sinaï, alors que Le Caire s'inquiète de ce que les Gazaouis puissent chercher à la franchir pour s'abriter en Égypte
LE CAIRE, Égypte — L’Égypte a envoyé 40 chars et véhicules de transport de personnel blindés dans le nord-est du Sinaï, au cours des deux dernières semaines, dans le cadre d’une série de mesures visant à renforcer la sécurité sur la frontière avec Gaza, ont fait savoir deux sources proches des services de sécurité égyptiens.
Un déploiement qui a eu lieu avant l’élargissement des opérations militaires de l’armée israélienne aux alentours de la ville de Rafah, dans le sud de Gaza, où une grande partie de la population de la bande s’est réfugiée. L’Égypte s’inquiète ainsi d’une possible fuite des Gazaouis au-delà de sa frontière face à l’offensive, avec des civils qui pourraient être tentés de la franchir pour échapper aux combats.
Des frappes aériennes renforcées ont eu lieu dans la ville. Plus d’un million de Palestiniens s’y trouvent actuellement dans l’attente de l’offensive à grande échelle qui y est prévue et alors que le reste de l’enclave est en ruines, et qu’ils n’ont nulle part où aller.
Le Bureau du Premier ministre Benjamin Netanyahu a indiqué avoir ordonné à l’armée de mettre au point un plan d’évacuation de Rafah et un plan de destruction des quatre bataillons du Hamas qui, dit-il, sont déployés là -bas.
Après le début de la guerre opposant le Hamas à Israël, le 7 octobre, l’Égypte a construit un mur frontalier en béton qui descend à six mètres sous la surface au sol et qui est renforcé par des fils barbelés. Le pays a aussi installé des bermes et il a revu à la hausse sa surveillance à ses postes-frontières, ont expliqué les sources proches des services de sécurité.
Le mois dernier, le service d’information de l’État égyptien avait donné le détail de certaines des mesures qui avaient été prises à la frontière après qu’Israël a laissé entendre que le groupe terroriste avait obtenu des armes qui étaient entrées clandestinement depuis l’Égypte. Trois lignes de barrières, installées en surface et souterraines, rendaient ce trafic impossible, avait fait savoir ce bureau d’information.
Des images partagées avec Reuters par la Fondation du Sinaï des droits de l’Homme, un groupe indépendant, semble montrer l’installation d’un mur au mois de décembre, avec plusieurs bermes courant en dessous.
Des photos prises à une date ultérieure – selon le groupe, elles seraient du début du mois de février – paraissent montrer trois rangées verticales de fil barbelé placées au-dessus du mur. Reuters n’a pas pu vérifier l’authenticité de ces images de manière indépendante.
Des photos par satellite qui ont été prises en décembre et en janvier révèlent également qu’il y a eu de nouvelles constructions le long de la frontière de 13 kilomètres qui est située à proximité de Rafah, et qu’un mur, au nord, a été prolongé du côté de la mer.
Les autorités égyptiennes et israéliennes n’ont pas répondu à nos demandes de commentaire.
L’armée égyptienne, au cours des dernières années, a consolidé sa mainmise sur le nord du Sinaï alors qu’elle combat l’insurrection islamiste qui s’est accrue, il y a une décennie.
Bien avant que la guerre n’éclate à Gaza, l’Égypte avait indiqué avoir détruit des tunnels empruntés à des fins de trafic, vers Gaza, qui s’étaient multipliés. Elle avait annoncé qu’elle avait établi une zone tampon aux abords de la frontière, déplaçant des milliers de personnes et détruisant des milliers d’habitations.
A l’approche du poste-frontière de Rafah avec Gaza, les vestiges des maisons restent visibles le long des kilomètres du mur en béton qui a été construit parallèlement avec la mer et à proximité des routes proches de la frontière.
L’Égypte et Israël ont signé un traité de paix il y a quarante ans. Ces dernières années, les liens entre les deux pays se sont renforcés grâce à l’exportation de gaz naturel par l’État juif et à la coordination sécuritaire qui s’est développée le long des frontières communes des deux pays et le long de la bande de Gaza.
Les deux nations ont maintenu des restrictions sécuritaires sur Gaza – limitant strictement les déplacements des personnes et des biens aux frontières – depuis le coup d’état qui a permis au Hamas de prendre le pouvoir au sein de l’enclave côtière, en 2007. Israël, qui a subi des attaques répétées depuis Gaza, déclare que ce blocus est nécessaire pour empêcher le Hamas de construire des infrastructures militaires.
Mais la relation connaît des tensions avec l’opération israélienne actuellement en cours dans la bande – une opération qui a été lancée en réponse au massacre commis par le Hamas, le 7 octobre, dans le sud d’Israël. Près de 1 200 personnes avaient été tuées, des civils en majorité, et 253 personnes avaient été kidnappées et prises en otage dans la bande de Gaza. La plus jeune victime avait 10 mois et le plus jeune otage a un an.
L’Égypte s’est alarmée de manière répétée face à la possibilité que l’offensive israélienne n’envoie des Gazaouis désespérés dans le Sinaï tout en écartant avec force les suggestions d’Israël, qui a laissé entendre que l’armée israélienne pourrait reprendre le contrôle total du corridor séparant la bande et l’Égypte afin de garantir que le territoire palestinien sera démilitarisé.
Au mois de janvier, l’Égypte a annoncé deux opérations de lutte contre le trafic de stupéfiants dans le nord-est du Sinaï, une démonstration apparente de son contrôle du secteur.
Un responsable israélien a confié à Reuters que la restructuration de la sécurité à la frontière où il y a encore, selon lui, un petit nombre de tunnels était un sujet de conversation régulier entre les deux pays.
Israël tentera d’organiser le déplacement des Palestiniens vers le nord, dans Gaza, avant le lancement, là-bas, d’une opération militaire, a-t-il ajouté.
Les sources proches des services de sécurité égyptiens ont minimisé les discussions et elles ont indiqué qu’elles accordaient la priorité à un cessez-le-feu à Gaza. Le service d’information public, en Égypte, a qualifié de « mensonges » les accusations de trafic, des mensonges qui auraient pour objectif de permettre à Israël d’occuper la zone-tampon, connue sous le nom de Corridor de Philadelphi, en évoquant l’incompétence de sa voisine.
L’Égypte blâme également la limitation de l’entrée des aides par Israël – le risque de famine étant élevé au sein de la bande et les travailleurs humanitaires ayant mis en garde contre des épidémies.
Israël nie retenir ou rejeter les aides humanitaires.
L’Égypte a déclaré que son opposition au déplacement des Palestiniens de Gaza entrait dans le cadre du rejet plus large, dans le monde arabe, de toute répétition de ce que les Palestiniens appellent la « Nakba » – la « catastrophe » – lorsque 700 000 Palestiniens avaient fui ou avaient été expulsés d’Israël lors de la guerre qui avait entouré la création de l’État juif, en 1948.
Les diplomates et les analystes expliquent que l’Égypte est aussi inquiète des infiltrations, du côté du Hamas, et d’un vaste afflux de réfugiés. Au mois d’octobre, le président Abdel Fattah el-Sissi avait averti que tout déplacement de population pourrait transformer le Sinaï en base d’attaque contre Israël.
L’équipe du Times of Israel a contribué à cet article.