L’envoyé israélien s’alarme d’un nationalisme croissant en Ukraine
Un mémorial a été érigé à Vinnitsa en hommage à Symon Petliura, qui avait commandé des pogroms ayant tué des milliers de Juifs
ODESSA, Ukraine — L’ambassadeur israélien en Ukraine a mis en garde vendredi contre un nationalisme croissant dans le pays après l’édification d’une nouvelle statue à l’effigie d’un nationaliste ukrainien qui avait endossé la responsabilité du meurtre de dizaines de milliers de Juifs au cours de la révolution russe.
Samedi, des responsables ont dévoilé le monument consacré à Symon Petliura à Vinnitsa, un quartier de la ville qui était connu dans le passé sous le nom de Yerusalimka (Jérusalem), à seulement 200 mètres d’une petite synagogue qui fonctionne encore.
« Ce qui importe vraiment n’est pas cette statue spécifique à Vinnitsa mais la tendance. Il y a une tendance, une recrudescence du nationalisme », a déclaré l’ambassadeur israélien Eliav Belotzercovsky alors qu’il s’exprimait à l’occasion d’un événement organisé par Limmud FSU, un groupe juif de sensibilisation et d’éducation, au port d’Odessa, sur la mer Noire.
Vinnitsa, qui se situe à 260 kilomètres de la capitale ukrainienne de Kiev, a déjà une rue qui porte le nom de Petliura.
Les soldats de la république populaire ukrainienne de Petliura ont été responsables de 493 des 1 234 pogroms et autres violents incidents enregistrés contre les Juifs dans 524 villes ukrainiennes au cours de la révolution russe, de 1918 à 1921.
Entre 35 000 et 50 000 Juifs ont perdu la vie durant ces violences même si le rôle final de Petliura reste indéterminé.
L’édification de la statut entre dans le cadre d’une initiative des autorités ukrainiennes visant à remplacer les noms des rues et des monuments russes par des noms ukrainiens en réaction à la guerre en cours contre les séparatistes appuyés par les russes dans les zones orientales de l’Ukraine de Donetsk et de Lugansk.
Israël a majoritairement gardé le silence sur cette question conformément à sa politique de neutralité sur le conflit opposant la Russie à l’Ukraine.
Belotzercovsky a ajouté qu’Israël entretient d’excellents liens avec l’Ukraine et que l’Etat juif tente de mettre un terme à la glorification des antisémites.
« Les représentants israéliens tentent de gérer cette tendance et nous essayons de voir comment nous pouvons faire face à ce phénomène avec les meilleurs moyens à notre disposition », a-t-il dit.
« Toutefois, les autorités ont des intérêts qui leurs sont propres et ils ne sont pas toujours conformes aux nôtres, et pas seulement à Vinnitsa. C’est également le problème pour plusieurs noms de rue à Kiev et pour toutes sortes d’autres tendances nationalistes qui connaissent une recrudescence dans le pays », a-t-il expliqué.
L’année dernière, l’Ukraine a observé une minute de silence pour Petliura lors du 90e anniversaire de son assassinat à Paris.
Un tribunal français avait acquitté Sholom Schwartzbard, un Juif né en Russie, même s’il avait confessé le crime, après que la cour a découvert que Petliura a été impliqué dans des pogroms menés par des membres de sa milice – ou qu’il en avait eu connaissance. Quinze proches de Schwartzbard avaient péri lors de ces massacres.
Au début de l’année, la municipalité occidentale de Kalush, à proximité de Lviv, a été traduite en justice pour avoir décidé de donner à une rue le nom de Dmytro Paliiv, commandant de la 14e division de grenadiers des Waffen SS, une unité connue également sous le nom de Première Galicienne.
Dans la ville d’Ouman – un lieu de pèlerinage majeur pour les Juifs hassidiques de Braslav – un nouveau monument est récemment apparu pour commémorer Ivan Gonta, un cosaque du 18e siècle impliqué dans le massacre de Juifs, de Polonais et de catholiques orientaux.
Avant la révolution également, Stepan Bandera, Roman Shukhevych et d’autres nationalistes accusés de complicité dans le meurtre des Juifs ukrainiens ont reçu les honneurs des autorités de l’Etat pour leur combat contre les Russes.
La population juive de Vinnitsa qui était estimée à 28 000 avant la guerre a été assassinée par les nazis et immortalisée dans la photo emblématique appelée « le dernier Juif de Vinnitsa ». Le cliché, trouvé dans un album appartenant à un soldat allemand, montrait un membre de l’Einsatzgruppe D sur le point d’exécuter un Juif à genoux devant un charnier.
Le Premier ministre ukrainien, Volodymyr Groysman, est juif du côté de son père.
Sue Surkes et JTA ont contribué à cet article