Les Chiliens de Palestino, une équipe de foot ‘palestinienne’ au Chili
La volonté du club d'intégrer sur les maillots une carte des Territoires palestiniens avant la création de l'Etat d'Israël a provoqué l'ire de la communauté juive locale
Le modeste club chilien de football de Palestino, qui dispute cette année sa première Copa Libertadores en 36 ans, fait la fierté de tous les Palestiniens du monde en portant haut les couleurs de leur terre.
La qualification de ce club de Santiago pour la principale compétition régionale a réveillé la fibre footballistique dans la communauté palestinienne, qui compte 300 000 membres au Chili et considérée comme l’une des plus importantes hors du Moyen-Orient.
Mais la ferveur s’est répandue bien au-delà du Chili, touchant les communautés arabes à travers le monde, jusqu’au Proche-Orient.
« Palestino génère beaucoup d’émotion. Il représente tout un peuple qui n’a pas de voix », explique à l’AFP Anuar Majluf, directeur de la Fédération palestinienne du Chili.
« Maintenir la communauté palestinienne unie à travers le sport, hisser le drapeau palestinien sur le continent par le sport, c’est tout simplement merveilleux », ajoute-t-il.
A 14.000 km de distance, à Ramallah, en Cisjordanie, les supporteurs palestiniens tels que Mounzer Zahran suivent les matches du club sud-américain comme s’il s’agissait de leur équipe nationale, malgré le décalage horaire.
« Parfois, je reste jusqu’à 05h00 du matin pour voir les matches », raconte-t-il à l’AFP face à l’ordinateur sur lequel il regarde les rencontres.
« Pour moi, il est important de soutenir cette équipe, parce qu’elle porte le nom de Palestine, et voir pendant les rencontres les gradins remplis de drapeaux palestiniens, cela n’a pas de prix », poursuit-il, enthousiaste.
Drapeau palestinien
A son côté, son ami Daoud Nassar, qui étudie à Bir Zeit, à proximité de Ramallah, et porte un maillot du Palestino qu’un ami lui a envoyé du Chili.
Palestino « porte haut les couleurs de la Palestine, il la représente avec fierté », estime-t-il, affirmant que beaucoup de ses camarades étudiants soutiennent également l’équipe.
Qualifiée par Mahmoud Abbas de « fierté pour le peuple palestinien », l’équipe a provoqué l’hystérie de ses fans après sa victoire en tour préliminaire contre les Uruguayens de Nacional.
Reversé dans le groupe 5 avec les Argentins de Boca Juniors, les Wanderers de Montevideo et les Vénézuéliens de Zamora, le Palestino conserve encore toutes ses chances de qualification pour les huitièmes de finale. A deux journées de la fin de la phase de groupes, le club de Santiago a trois longueurs de retard sur le 2e, les Wanderers.
Palestino est l’unique équipe participant aux compétitions de la Fifa à porter le drapeau palestinien, mêlant les couleurs noir, vert, rouge et blanc.
Il y a deux ans, la volonté du club d’intégrer sur les maillots une carte des Territoires palestiniens avant la création de l’Etat d’Israël en 1948 a provoqué l’ire de la communauté juive locale.
La Fédération chilienne a finalement sanctionné l’initiative, estimant qu’il s’agissait d’une prise de position politique, chose interdite dans le football professionnel.
Cette carte polémique figure pourtant toujours sur les maillots, mais mieux cachée : elle est par exemple visible sur une manche.
« Avoir cette carte sur le maillot est une forme d’identité et de résistance, au Chili comme en Palestine », affirme Nadia Garin, une descendante de Palestiniens de 39 ans.
En un peu plus d’un siècle, la communauté palestinienne du Chili, originaire essentiellement des villages chrétiens de Bethléem, Beit Jala et Beit Sahour, est devenue l’une des plus influente du pays.
Se consacrant initialement au commerce, les « Turcos », comme sont généralement surnommés les Arabes en Amérique du Sud, ont ensuite étendu leur influence à d’autres domaines, dont le football, avec la création du club professionnel de Palestino en 1952.
A ses débuts, les joueurs avaient tous un lien avec le monde arabe. Mais aujourd’hui, aucun joueur n’a d’origine moyen-orientale.
« Le club a été créé car les Chiliens ne voulaient pas que les Palestiniens jouent dans leurs équipes », raconte Anuar Majluf.
« Alors, quand on a mis l’équipe sur pied, on a pu jouer et peu à peu, nous avons été acceptés et nous avons pu nous intégrer à la société chilienne jusqu’à aujourd’hui. »