Les Haredim fuiront le pays s’ils doivent s’engager dans l’armée, dit le grand rabbin séfarade
"Tous ces laïcs ne comprennent pas que sans kollelim et yeshivot, l'armée ne réussira pas", a dit Yitzhak Yosef, suscitant l'indignation dans une large partie du spectre politique
Le grand rabbin séfarade Yitzhak Yosef a averti samedi que les Juifs ultra-orthodoxes quitteraient Israël en grand nombre si le gouvernement devait mettre un terme à l’exemption de service militaire dont bénéficient les membres de la communauté.
« Si vous nous obligez à entrer dans l’armée alors nous partirons tous à l’étranger », a dit Yosef lors d’une conférence hebdomadaire.
Yosef est le fils de feu le chef spirituel du Shas Ovadia Yosef et il a une influence majeure au sein de la faction, qui fait partie de la coalition du Premier ministre Benjamin Netanyahu.
« Tous ces laïcs ne comprennent pas que sans kollelim et sans yeshivot, l’armée ne réussira pas », a-t-il ajouté, faisant référence aux institutions où les hommes religieux étudient les textes juifs – dans ce contexte, ils ne travaillent pas pour gagner leur vie et ils ne font pas leur service militaire au sein de Tsahal. « Les soldats ne réussissent que grâce à ceux qui apprennent les enseignements de la Torah », a-t-il poursuivi.
Les pressions exercées sur la coalition en faveur de la fin de l’exemption du service militaire pour les jeunes ultra-orthodoxes sont croissantes, en particulier au moment où la guerre entre Israël et le Hamas fait rage dans la bande de Gaza.
L’administration des ressources humaines de l’armée a indiqué à une Commission de la Knesset, le mois dernier, que 66 000 jeunes hommes de cette catégorie de la société – celle qui se développe le plus rapidement au sein de la population – avaient profité d’une exemption, l’année dernière, ce qui serait un chiffre record dans toute l’histoire du pays. Environ 540 jeunes Haredim ont par ailleurs pris la décision de s’enrôler depuis le début de la guerre, a noté Tsahal.
בום.
הראשון לציון הגאון רבי יצחק יוסף:
"שבט לוי פטור מהצבא, לא לוקחים אותם בשום פנים ואופן, יהיה מה שיהיה.
אם יכריחו ללכת לצבא – נסע כולנו לחוץ לארץ! נקנה כרטיסים.. אין דבר כזה! החיילים מצליחים בזכות בני התורה!".
(הדברים נאמרים מהמנהיג הרוחני המשפיע ביותר בציבור המזרחי של ש"ס.… pic.twitter.com/vBjv7LK5W6— ישי כהן (@ishaycoen) March 9, 2024
En 2022, la population haredie était forte d’environ 1 280 000 personnes – soit environ 13,3 % de la population, selon l’Institut israélien de la démocratie. D’ici 2050, presque un quart de la population israélienne sera ultra-orthodoxe, ont indiqué des projections avancées par le Conseil économique national israélien.
Les propos de Yosef ont entraîné des réactions véhémentes.
Le ministre du cabinet de guerre et président du parti HaMahane HaMamlahti, Benny Gantz, a estimé que les paroles du grand-rabbin s’apparentaient « à un coup moral porté à l’État et à la société israélienne ».
« Tout le monde doit exercer ce droit sacré qui consiste à servir le pays et à se battre en son nom et en particulier en cette période difficile – nos frères ultra-orthodoxes y-compris. »
Le leader de l’opposition Yair Lapid, à la tête de la formation centriste Yesh Atid, a indiqué que ces propos étaient « un scandale et une insulte proférée à l’encontre des soldats qui sacrifient leur vie en défendant le pays ».
« Le rabbin Yosef est un fonctionnaire avec un salaire versé par l’État – il ne peut pas menacer l’État », a-t-il écrit sur X.
Il a ajouté que les membres de la communauté ultra-orthodoxe, dont beaucoup ne travaillent pas, auraient du mal à s’adapter à la vie en dehors d’Israël.
« Si les Haredim partent à l’étranger, ils découvriront que les ultra-orthodoxes doivent travailler pour gagner leur vie, sans même rêver que quelqu’un les finance », a déclaré Lapid à la Radio militaire – faisant référence au fait que seulement 55,8 % des hommes Haredim en Israël travaillent pour gagner leur vie. Les étudiants de yeshiva, qui reçoivent des bourses du gouvernement pour leurs études, considèrent souvent l’intégration dans le monde laïc comme une menace pour leur identité religieuse et la continuité de leur communauté.
Il a ajouté que « si 66 000 jeunes ultra-orthodoxes s’enrôlent, l’armée israélienne aura 105 nouveaux bataillons nécessaires à la sécurité d’Israël ».
De son côté, Avigdor Liberman, le chef de la faction Yisrael Beytenu, a écrit que « sans devoirs, pas de droits ».
« C’est une honte que le rabbin Yitzhak Yosef et ses escrocs ultra-orthodoxes puissent encore porter atteinte à la sécurité d’Israël et agir contre la halakha », a-t-il déclaré.
Même le parti d’extrême-droite Hatzionout HaDatit, au sein de la coalition, a déploré ces paroles, affirmant : « L’enrôlement au sein de l’armée : Une bonne action ! Nous sommes fiers d’avoir le privilège de servir le peuple d’Israël, d’apprendre la Torah et d’aider Israël dans un moment de besoin. »
« Après 2 000 ans d’exil, nous ne quitterons jamais notre pays. Une communauté qui est désireuse de payer de sa vie pour la Terre d’Israël n’abandonnera jamais, quelle que soit la situation », a-t-il ajouté.
Le parti ultra-nationaliste Otzma Yehudit a estimé, de son côté, que « le service militaire est un privilège énorme pour les Juifs qui se défendent eux-mêmes dans leur pays et c’est une grande chose ».
À l’inverse, le parti Yahadut Hatorah a affirmé dans un communiqué que le peuple juif n’avait « aucun droit d’exister » en tant que nation sur la terre d’Israël sans le mérite des étudiants à temps plein des yeshivot.
Répondant aux critiques contre le grand rabbin séfarade Yitzhak Yosef, le parti ultra-orthodoxe a déclaré que ceux qui apprennent la Torah « nous ont soutenus pendant des milliers d’années ». d’exil ». « Nous n’avons pas le droit d’exister en tant que nation, à Dieu ne plaise, sur la Terre d’Israël, sans que les érudits de la Torah n’étudient à plein temps », a déclaré le parti.
Faisant écho au grand rabbin séfarade Yitzhak Yosef, le directeur général du ministère des Services religieux, Yehudah Avidan, a lui déclaré qu’il quitterait en effet le pays si le gouvernement commençait à recruter des Haredim.
« S’ils m’en donnent l’ordre, je quitterais le pays », a déclaré Avidan à la chaîne de télévision nationale Kan, après la déclaration de Yossef samedi soir.
Les gouvernements successifs de Netanyahu ont eu du mal à parvenir à un consensus sur la législation relative au service militaire pour les ultra-orthodoxes, depuis une décision de la Haute Cour de 2017 qui a statué que les exemptions générales de service militaire pour les étudiants ultra-orthodoxes de yeshiva étaient discriminatoires et inconstitutionnelles, tout en ordonnant à l’État de trouver une solution à la question.
Une loi autorisant l’exemption a expiré en juin 2023, et un règlement temporaire visant à la prolonger devrait expirer à la fin du mois de mars, après quoi l’armée ne pourra plus exempter les ultra-orthodoxes du service militaire obligatoire.
Alors que la coalition soutenue par les Haredim cherche à faire adopter une nouvelle loi étendant l’exemption, la question est devenue de plus en plus controversée, en raison de la guerre à Gaza et des fortes pressions que celle-ci fait peser sur la population qui sert dans l’armée.
Le ministre de la Défense Yoav Gallant a fait savoir, mercredi, qu’il s’opposait à la prolongation des exemptions de service et qu’il n’apporterait son soutien qu’à un projet de loi qui serait par ailleurs approuvé par les ministres centristes Benny Gantz et Gadi Eisenkot, qui ont rejoint le cabinet dans le cadre de la guerre à Gaza.
Selon Gallant, la pénurie de main-d’œuvre que connaît l’armée pendant ces combats à Gaza et dans le contexte d’hostilités continues, le long de la frontière, nécessite la contribution de tous les secteurs de la société, ce qui rend impossible l’exemption de service militaire dont profitent les jeunes ultra-orthodoxes.