Les psychiatres repoussent leur verdict sur la santé mentale de Malka Leifer
L'audience sur l'évaluation du comité psychiatrique, devant décider si la pédophile présumée feint une maladie mentale pour éviter son extradition, est reportée au 14 janvier
Jacob Magid est le correspondant du Times of Israël aux États-Unis, basé à New York.
Mardi, un comité psychiatrique a informé le tribunal de district de Jérusalem qu’il ignorait qu’un délai leur avait été fixé pour présenter sa conclusion sur la santé mentale de Malka Leifer, qui est accusée de crimes sexuels et soupçonnée de feindre une maladie mentale afin d’éviter son extradition en Australie.
Le conseil médical devait présenter ses conclusions lors d’une audience mardi matin, comme prévu il y a plus de trois mois. Cependant, des dizaines de journalistes et de parties intéressées s’étant pressés dans la salle d’audience, la juge Chana Lomp est entrée brièvement pour lire à haute voix une lettre du représentant de la commission, Amir Ben Ephraim, le psychiatre chef du district nord, qui a déclaré que ses deux collègues et lui avaient besoin de temps supplémentaire pour bien examiner Leifer.
Mme Lomp a annoncé que le comité aurait jusqu’au 10 janvier pour formuler sa recommandation et qu’une audience pour discuter des conclusions aurait lieu le 14 janvier.
Les accusateurs de Leifer ont répondu avec dégoût à l’annonce, disant qu’ils attendaient avec impatience le rendez-vous de mardi au tribunal – le 62e depuis que Leifer a été arrêtée en Israël en 2014.
« Nous nous sentons mal et anxieux. Cela fait trois mois que nous attendons ce jour. Qui n’a pas lu le mémo ? Était-ce intentionnel ? » a tweeté Dassi Erlich, qui a mené une campagne publique pour extrader son ancienne directrice d’école vers l’Australie, où elle est accusée de 74 abus sexuels.
We feel sick with anxiety.
3 months waiting for this day.
Adjourned – Jan 14 because the psychiatrists were unaware of hearing today.
Who didn't get the memo? Was this intentional?
Another nerve-wracking month.
We don't understand why this happening, but it doesn't make sense— Dassi Erlich #Leiferisback (@dassi_erlich) December 10, 2019
« Est-ce que ça va vraiment avancer ? Combien de temps encore pouvons-nous tenir ? » a-t-elle déploré dans une autre déclaration.
La nature des retards dans l’affaire Leifer a été une cause de tensions dans les relations entre Jérusalem et Canberra. Le Premier ministre australien Scott Morrison a demandé le mois dernier à Israël de clore rapidement l’affaire.
Dans une interview accordée lundi à la chaîne publique Kan, Christian Porter, procureur général australien, a déclaré : « Il ne fait aucun doute qu’il existe en Australie un niveau de frustration très important parmi les victimes, parmi le grand public pour qui ces délits [présumés] sont bien connus… que les progrès ont été aussi lents qu’ils l’ont été, malheureusement. »
« La communauté juive est frustrée par le fait que ce jour marque un nouveau retard », a déclaré Jeremy Leibler, président de la Fédération sioniste d’Australie, dans un communiqué. « Leifer a été autorisée à continuer cette farce bien trop longtemps. Elle doit retourner en Australie pour être jugée. La communauté juive soutient les victimes et leur campagne pour ramener Malka Leifer en Australie afin qu’elle soit traduite en justice. »
La semaine dernière, la Cour suprême a confirmé une décision ordonnant à Leifer de comparaître devant la commission psychiatrique, rejetant un appel des avocats de cette femme de 52 ans contre la décision initiale du tribunal de Jérusalem. Leifer a été présentée aux experts mercredi.
En 2000, Leifer a quitté Israël pour travailler à l’école ultra-orthodoxe Adass Israel à Melbourne. Lorsque des allégations d’abus sexuels à son encontre ont commencé à faire surface huit ans plus tard, des membres du conseil scolaire ont acheté à la mère de huit enfants un billet d’avion pour Israël, lui permettant d’éviter d’être inculpée.
Elle a été arrêtée en Israël en 2014 après que l’Australie a demandé son extradition, mais un tribunal de Jérusalem a suspendu la procédure en 2016, la jugeant mentalement inapte à être jugée. Elle a été arrêtée de nouveau en 2018 après avoir été filmée semblant mener une vie parfaitement normale.
La juge Channa Lomp du tribunal de district de Jérusalem a statué en octobre que les preuves concernant la santé de Leifer n’étaient pas concluantes et qu’un comité d’experts psychiatriques serait donc nommé pour déterminer si l’ancienne directrice simulait un trouble mental.
L’accusation et la défense se sont toutes deux opposées à la nomination d’un nouveau comité, arguant que des preuves suffisantes avaient été soumises pour parvenir à un verdict.
L’État s’est appuyé sur les avis juridiques de trois psychiatres de district publiés au cours des deux dernières années qui ont déterminé que Leifer est mentalement apte à faire face à la justice.
Les avocats de Leifer, quant à eux, ont cité le témoignage de médecins de la prison, qui affirmaient qu’elle prenait la dose la plus élevée de médicaments antipsychotiques. Ils ont également fait venir plusieurs avocats du monde entier pour faire valoir que leur cliente n’était pas mentalement apte.
L’équipe de défense, Yehuda Fried et Tal Gabay, a rejeté la vidéo faite clandestinement de Leifer et insiste qu’elle souffre de maladie mentale, mais que les crises de panique débilitantes qu’elle vit surviennent surtout quand elle est en situation de stress, par exemple en prison ou lors des audiences au tribunal.
En convoquant le comité psychiatrique, Mme Lomp a accepté la demande de l’État selon laquelle le psychiatre en chef du district de Jérusalem, Jacob Charnes, ne devait pas participer au comité même si le tribunal était sous sa juridiction.
Charnes a changé trois fois d’avis sur la santé mentale de Leifer, ce qui a fait traîner en longueur les procédures qui ont duré plus de cinq ans. En juillet dernier, la police a recommandé que le vice-ministre de la Santé Yaakov Litzman soit inculpé de fraude et d’abus de confiance pour avoir exercé des pressions sur des fonctionnaires de son bureau, dont Charnes, pour empêcher l’extradition de l’ancienne directrice d’école.