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Les sionistes chrétiens s’inquiètent du projet de loi contre le prosélytisme

Cette législation parrainée par Yahadout HaTorah, soumise au début de chaque nouveau mandat de la Knesset, ne sera pas adoptée, dit un porte-parole

Lazar Berman est le correspondant diplomatique du Times of Israël

Des sionistes chrétiens lors de la Journée de prière pour la paix, à Jérusalem, en 2013. (Crédit : Times of Israel/Lazar Berman)
Des sionistes chrétiens lors de la Journée de prière pour la paix, à Jérusalem, en 2013. (Crédit : Times of Israel/Lazar Berman)

Un projet de loi rendant le prosélytisme passible de sanction pénale et d’une peine de prison alarme les sionistes chrétiens en Israël et dans le monde entier, malgré les assurances données par les responsables du gouvernement qui ont assuré qu’elle ne serait pas adoptée.

Le texte, qui a été soumis par Moshe Gafni et Yaakov Asher, députés du parti ultra-orthodoxe Yahadout HaTorah, déclare que « les groupes missionnaires, en particulier chrétiens », ont renforcé leurs efforts de prosélytisme en Israël.

Le langage utilisé dans le projet de loi rendrait passible d’un an de prison toute tentative visant à convertir un adulte. La peine pourrait passer à deux ans si elle concerne la conversion d’un mineur.

La législation, que Gafni soumet au début de chaque nouvelle législature et qui ne devrait pas être avancée, a été déposée le 9 janvier, mais elle n’a suscité la controverse que lorsque son contenu a été révélé par les médias chrétiens, ces derniers jours.

C’est Joel Rosenberg, Juif messianique du Trinity Broadcasting Network, qui a fait part pour la première fois de l’existence du texte de loi, la semaine dernière. L’information a ensuite été reprise mardi par Newsmax, un média américain de droite suivi par des dizaines de millions de téléspectateurs.

Mercredi matin, le ministère des Affaires étrangères a commencé à recevoir des appels de chefs de groupes d’amitié parlementaires, de diplomates, de leaders du mouvement sioniste chrétien, et de responsables des communautés juives du monde entier, a expliqué un diplomate israélien.

Moshe Gafni, député du parti Yahadout HaTorah, à la Knesset, à Jérusalem, le 18 janvier 2023. (Crédit : Yonatan Sindel/ Flash90)

Les personnels du ministère des Affaires étrangères ont préparé des rapports sur les répercussions de la loi pour le ministre des Affaires étrangères Eli Cohen et le directeur-général Ronen Levy, a indiqué le diplomate qui s’est exprimé sous couvert d’anonymat.

Le Premier ministre Benjamin Netanyahu s’est lui-même impliqué dans la controverse mercredi en fin de journée, écrivant sur Twitter que « nous ne ferons avancer aucune loi contre la communauté chrétienne ».

Un post qui a apaisé Juergan Buehler, le président de l’Ambassade chrétienne internationale à Jérusalem.

« Nous sommes reconnaissants de l’assurance qui nous a été donnée par le Premier ministre Netanyahu, qui a fait savoir que la proposition de loi anti-prosélytisme n’ira pas de l’avant et nous le remercions pour avoir rapidement répondu à nos inquiétudes », a-t-il déclaré.

« Le Premier ministre a fait beaucoup, tout au long de sa longue carrière politique, pour renforcer et pour conserver les relations entretenues par Israël avec les chrétiens du monde entier, et nous lui rendons avec chaleur son acceptation de notre communauté ».

Des chrétiens évangéliques fêtent Ein Gedi, la semaine dernière. (Autorisation : Ambassade chrétienne internationale de Jérusalem)

Les sionistes chrétiens forment une communauté de soutien vitale et croissante pour Israël dans le monde entier. Leurs efforts ont permis de modifier les positionnements adoptés par certains pays étrangers sur la question israélienne. Ils ont fait venir énormément d’argent et de touristes au sein de l’État juif, aidant aussi à financer l’immigration juive et des projets humanitaires dans le pays.

De son côté, le porte-parole de Gafni a souligné que le député soumettait le projet de loi depuis des années – une sorte de formalité procédurale – mais « qu’il n’est pas d’actualité pour le moment ».

« En discuter aujourd’hui n’est absolument pas pertinent », a annoncé le bureau de Gafni.

La question des tentatives d’évangélisation des Juifs d’Israël est un sujet sensible. Pendant des siècles, des centaines de milliers de Juifs d’Europe ont été soumis à la conversion forcée de la part de l’église catholique – et de l’église orthodoxe dans une moindre mesure – des conversions qui étaient effectuées sous la menace de l’expulsion, voire de la mort.

Israël avait déjà envisagé une loi anti-prosélytisme dans le passé. En 1998, le député d’Avoda Nissim Zvili avait parrainé une législation qui rendait passible de sanction pénale les écrits d’évangélisation – un texte qui, avaient craint les chrétiens, aurait pu être utilisé pour rendre illégale la possession du Nouveau testament.

Il avait retiré son projet de loi après la promesse faite par des dizaines de groupes évangéliques qu’ils ne se livreraient pas à des activités prosélytes dans le pays.

Un niveau de stress croissant

Les sionistes chrétiens qui vivent en Israël ont estimé que le projet de loi n’entamerait pas leur soutien pour le pays, ni leur franchise au sujet de leur foi.

« En tant que chrétiens qui œuvrons à construire des ponts entre les Juifs et les musulmans, nous savons bien qu’une fois que nos voisins ont compris que nous les soutenions de manière inconditionnelle, nous avons été libres d’être nous-mêmes et d’exprimer ouvertement notre foi », a commenté Jonathan Miles, fondateur de Shevet Achim, une organisation chrétienne qui fait venir des enfants des pays arabes voisins pour être pris en charge dans les hôpitaux israéliens.

Fuad Jamal (à gauche), Hiwa Sherzad, et Jonathan Miles inspectent les papiers d’identité d’une famille de réfugiés kurdes syriens dont le bébé doit subir une chirurgie du cœur en Israël (Crédit : Times of Israel/Lazar Berman)

« Aucune législation ne saura changer cette interaction humaine fondamentale », a-t-il insisté.

« Cela n’amoindrirait pas mon soutien pour Israël », a déclaré de son côté un homme chrétien qui vit au sein de l’État juif depuis toujours mais qui a réclamé l’anonymat, dans la mesure où il n’a pas encore obtenu un statut de résident permanent. « En revanche, je crois que ça augmenterait mon niveau de stress. Je suis ici pour faire ce que je suis appelé à faire ».

Il a souligné qu’il ne faisait pas de prosélytisme et que son objectif n’était pas de faire un travail d’évangélisation dans le pays.

« En tant que chrétien qui vit ici, en Israël, je me contente de faire ce que me demande de faire personnellement le seigneur », a-t-il expliqué. « Et ce n’est pas nécessairement de tenter de convertir à ma religion, à Jésus, ceux qui sont autour de moi. Ce n’est pas de faire du prosélytisme ».

« Je suis appelé à servir en tant que lumière sur la terre, en tant que sel de la terre. J’ai le sentiment de le faire en aidant les Juifs de différentes manières, en faisant revenir les Juifs sur cette terre, en aidant les survivants de la Shoah qui vivent ici et, avant tout, en aimant le peuple juif autant qu’il m’est possible de le faire. A mes yeux et personnellement, cela ne signifie pas à proprement parler de partager les Évangiles ».

« Avec un peu de chance, ce n’est pas le début d’une tentative d’expulser tous les chrétiens du pays. »

Le jeune homme a ajouté que si la loi devait être adoptée, il ne sait pas avec qui il pourrait évoquer ouvertement sa foi.

« Avec un peu de chance, ce n’est pas le début d’une tentative d’expulser tous les chrétiens du pays, a-t-il poursuivi.

Des bénévoles chrétiens évangéliques récoltent des raisins de vin Merlot pour le compte de l’entreprise familiale israélienne Tura Winery dans les vignes du domaine situé dans l’implantation israélienne de Har Bracha, en Cisjordanie, le 23 septembre 2020. (Menahem Kahana/AFP)

Glenn Plummer, évêque en Israël de la Black Church of God in Christ, une église pentecôtiste des États-Unis dont les fidèles sont en majorité des Afro-américains, a indiqué que si le projet de loi n’était pas une nouveauté, « l’atmosphère, dans le pays, est nouvelle. Ce gouvernement est un nouveau gouvernement ».

Il a indiqué au Times of Israel craindre que même un débat lancé sur la législation n’entraîne une hostilité à l’égard des chrétiens parmi les Israéliens.

L’évêque Glenn Plummer, pasteur pentecôtiste qui s’est installé en Israël pendant la pandémie de COVID-19, lors d’une interview avec Lazar Berman, le 17 décembre 2021. (Autorisation : Glenn Plummer)

Selon Plummer, la formulation de la législation est tellement imprécise que si elle devait être adoptée, elle était susceptible de rendre pénalement sanctionnable le simple prêche dans une église.

« Je prêche l’évangile », s’est-il exclamé avec ferveur. « Cela fait 22 ans que je suis pasteur. Je ne suis pas seulement un pasteur, je suis un évêque ».

« Si six millions et demi d’Afro-américains entendent, dans mon église, qu’Israël songe à bannir les évangiles de Jésus-Christ, ce serait terrible », a-t-il continué. « Sincèrement, je suis perplexe parce que je ne veux pas encore en rajouter sur Israël ».

En même temps, le pasteur – une personnalité majeure des émissions chrétiennes américaines – a noté que même si le projet de loi devait être adopté, son soutien à l’État juif resterait le même.

« Rien ni personne ne pourrait faire seulement vaciller l’amour que je porte à Israël, le soutien que j’apporte à Israël. Point final », a-t-il dit. « Parce que ce soutien est ancré dans la bible. Elle parle du Dieu d’Israël. Quelqu’un pourrait-il m’amener à renoncer au Dieu d’Israël ? », s’est-il interrogé.

« C’est pour cette raison que nous ne changerons pas d’avis », a-t-il poursuivi.

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