Malgré une faible fréquentation, les commerçants de D-City à Mishor Adumim ne désespèrent pas
Selon les gérants de magasins, la fréquentation du centre commercial, déjà faible avant le 7 octobre, a depuis diminué d'environ 20 % - mais rien n'entame leur détermination

Si vous cherchez à aménager votre maison en Israël, le centre commercial D-City, qui est situé en périphérie de Jérusalem, a tout pour vous séduire : c’est probablement le plus beau centre commercial du pays, avec de nombreuses marques parmi les plus connues d’Israël et un parking facile d’accès.
Pourtant, une chose manque.
« C’est une ville fantôme », déplore Scott Lawrence, un habitant de Jérusalem venu pour acheter des meubles en cet après-midi de la mi-février. « C’est incroyable, mais il n’y a absolument personne ici. »
Installé dans une zone industrielle près de Maale Adumim, une ville de Cisjordanie, à une demi-heure du centre-ville de Jérusalem, D-City défie toutes les attentes. Ce centre commercial de luxe, conçu dans le style des grandes places européennes, est niché dans le désert, à quelques kilomètres seulement du campement bédouin délabré de Khan al-Ahmar.
D-City revendique son statut de pôle de la décoration intérieure mais le divertissement est l’un de ses principaux marchés. Il contribue en effet à stimuler la croissance économique de la municipalité locale, même si ses magasins sont pour la plupart vides.
Lorsque le Times of Israel se rend à D-City par une chaude journée du mois de février, un calme inquiétant règne, rappelant étrangement les confinements de l’époque de la pandémie de COVID-19. Dans ce centre commercial de 120 magasins et de 60 000 mètres carrés d’espace commercial, il n’y a pas plus de quelques dizaines de clients, selon l’estimation de ce journaliste, et de nombreux grands showrooms de créateurs sont désertés ou fermés. Les travaux en cours près de l’entrée principale renforcent l’impression d’un centre commercial à peine ouvert.
« C’est très agréable ici, mais je pense qu’ils doivent trouver un moyen de mieux exploiter le potentiel qu’il peut y avoir », déclare Shmuel, un autre chaland de Jérusalem.

La guerre d’Israël contre le groupe terroriste palestinien du Hamas à Gaza n’arrange pas les choses, de nombreux Israéliens étant désormais plus réticents à l’idée de se rendre au-delà de la Ligne verte pour des raisons de sécurité. Selon les estimations des commerçants, la fréquentation du centre commercial par la clientèle juive et arabe – une fréquentation qui était déjà faible avant le pogrom perpétré par le Hamas en Israël le 7 octobre 2023 – a depuis diminué d’environ 20 %.
Pour ceux qui avaient investi plus d’un milliard de shekels dans un centre commercial ouvert il y a moins de quatre ans dans l’espoir qu’il devienne l’un des plus fréquentés du pays, ce calme est d’autant plus décevant. Cependant, les propriétaires des magasins et la direction du bâtiment affirment que les choses sont plus animées qu’il n’y paraît.
« Les personnes qui cherchent à acheter des meubles savent qu’elles doivent venir ici », dit Aviad, qui gère deux magasins de matelas et de placards sur mesure dans ce centre commercial.
« Nous avons ouvert il y a un an, et nous accueillons des designers et des entrepreneurs qui construisent de grands complexes d’appartements dans tout le pays et qui savent qu’ils bénéficieront d’une meilleure expérience d’achat ici. Je réalise beaucoup de ventes par téléphone ou en ligne, et les gens entendent parler de nous par le bouche à oreille. Notre entreprise n’a besoin que de quelques ventes par jour, et cet endroit attire la bonne clientèle. »
Malgré le manque de visiteurs, de nombreux gérants de magasin semblent occupés lors de notre visite, répondant aux appels et prenant en charge les commandes par téléphone et en ligne. La plupart de ceux à qui nous parlons affirment qu’ils restent investis dans le centre commercial, même si les allées et venues des clients restent peu nombreuses.
« Nous croyons fermement en ce complexe et en son avenir », dit Evgeni Haitovich, vice-président des ventes du magasin de literie israélien Aeroflex, qui compte vingt-quatre showrooms à travers le pays. « Les gens viennent ici parce qu’ils savent qu’ils peuvent y trouver tout ce dont ils ont besoin pour leur maison, et ce dans en un seul endroit. Toutes les entreprises israéliennes du secteur de la décoration intérieure devraient être ici. »
Un centre commercial d’un autre genre
D-City fonctionne selon des règles différentes de celles de la plupart des centres commerciaux, indique Hanoch Kass, l’adorable propriétaire juif orthodoxe dont la société d’investissement possède le centre.

« Il s’agit d’un centre commercial axé sur la décoration d’intérieur, ce qui est totalement différent de la plupart des centres commerciaux, où l’objectif est d’attirer beaucoup de monde et de faire acheter des vêtements », explique Kass, dont le groupe éponyme gère également des projets immobiliers en Géorgie.
« Ici, des architectes viennent de temps en temps pour rencontrer les distributeurs, puis ils passent des commandes par téléphone pouvant atteindre plusieurs dizaines de milliers de shekels à la fois. »
En 2024, le chiffre d’affaires total des magasins de D-City s’est élevé à 180 millions de shekels, un chiffre respectable mais inférieur à celui de l’année précédente en raison de la guerre, ajoute Kass. Une importante modernisation est en cours, ce qui permettra d’intégrer de nouveaux magasins au centre commercial, dont beaucoup ne seront pas liés à l’habitat, a-t-il noté.
Le centre commercial n’est qu’une partie de l’équation pour un vaste complexe de 200 000 mètres carrés, fait remarquer Kass. On y trouve également un hôtel de 150 chambres (100 chambres supplémentaires sont actuellement en cours de construction), une immense salle de réception, un parc d’attractions et plusieurs centres de divertissement ainsi qu’un espace de travail, une salle de sport et un spa.

« Notre salle de réception est pleine presque tous les soirs. Nous accueillerons près de 7 000 personnes ce soir pour un mariage », précise lors de notre entretien. Cette immense salle, construite sur le modèle du célèbre hôtel Venetian de Las Vegas, devait à l’origine servir de restaurant « mais cela n’a aucun sens si le centre commercial n’attire pas la foule », note-t-il.
Néanmoins, poursuit Kass, le complexe de loisirs D-Jump, qui est situé à l’intérieur du centre commercial, est plein presque tous les jours, et le parc d’attractions Magic Kass, installé à proximité, a accueilli un million de visiteurs l’année dernière. L’hôtel accueille principalement des groupes de touristes, des conférences et des événements organisés par l’armée et par la police, mais il comprendra le plus grand spa du pays une fois sa construction terminée dans le courant de l’année, dit-il.
« Chaque étape se déroule bien et nous accueillerons beaucoup plus de visiteurs lorsque nous aurons terminé la mise à niveau au mois de septembre », explique-t-il.
Des attentes inassouvies
Mais tout le monde n’est pas prêt à attendre aussi longtemps. De nombreux magasins ont fermé leurs portes, le rythme des fermetures s’accélérant ces derniers mois, affirment certains commerçants.
« Quand cet endroit a ouvert ses portes, il y avait du monde et les ventes étaient bonnes », raconte Etti, dont le magasin de tapis Tzemer a organisé une vente de liquidation avant la fermeture de sa boutique, au mois de février.
« Mais suite à la pandémie de coronavirus et suite à la guerre, il n’y a presque plus personne ici, malgré les investissements considérables qui y ont été réalisés. Les magasins ont fermé les uns après les autres, et maintenant nous n’avons pas d’autre choix que de fermer, nous aussi. »
La désolation du centre commercial contraste avec l’effervescence qui régnait dans ces allées lors de son inauguration au mois d’août 2021 – un événement qui avait fait grand bruit. Des dizaines de milliers de personnes s’y étaient rendues chaque jour pendant la grande ouverture – avec des concerts de chanteurs israéliens célèbres, des spectacles de rue, des jeux de lumière laser et même une file de danseuses de cabaret qui s’étaient installées devant la fontaine géante, à l’entrée du centre commercial.

Si beaucoup avaient remis en question la logique d’ouvrir un centre commercial dans le désert en pleine pandémie de coronavirus, d’autres avaient fait part de leur optimisme, affirmant qu’il remplacerait le quartier industriel de Talpiot, à Jérusalem, en tant que référence de la capitale pour les aménagements de la maison. Il semblait alors logique que les grandes salles d’exposition modernes et le vaste parking de D-City incitent les acheteurs à délaisser Talpiot, ses vieux bâtiments délabrés et ses possibilités de stationnement limitées.
Kass avait prédit à l’époque que D-City deviendrait bientôt l’un des centres commerciaux les plus fréquentés du pays.
Cependant, les préoccupations en matière de sécurité, une réputation de prix élevés et la situation géographique du centre commercial, en dehors de la capitale, auront empêché cette vision de s’inscrire dans la réalité. Le centre commercial compte désormais 40 % de magasins en moins par rapport à son ouverture, et le trafic reste faible, alors même que l’activité à Talpiot reste régulière.
« Nous avons une succursale Aeroflex à Talpiot et une autre ici, ainsi que d’autres dans tout le pays », dit Haitovich.

« Les ventes sont plus fortes à Talpiot, mais l’une ne remplace pas l’autre. »
Une chose est néanmoins avérée : D-City contribue à insuffler une nouvelle vie aux commerces environnants.
Lors de son ouverture en 2021, la zone industrielle environnante de Mishor Adumim avait été rebaptisée Park Israel. Depuis, elle est devenue l’une des zones industrielles les plus actives du pays, selon un porte-parole de la municipalité voisine de Maale Adumim.
« Le commerce dans la zone industrielle a commencé à se développer en 2014 lorsque Rami Levy y a ouvert une succursale d’épicerie, et il n’a cessé de croître régulièrement depuis lors », ajoute le porte-parole.
« L’ouverture de D-City a été une étape importante et marquante qui nous a amenés à changer de nom. »
Park Israel abrite aujourd’hui des centaines de magasins sur une superficie d’environ 180 hectares d’espace commercial bâti, selon le porte-parole. Le parc industriel emploie environ 7 500 personnes, dont environ 5 000 Palestiniens.
Les habitants de la région estiment que D-City est trop grand pour faire faillite et que les choses continueront de s’améliorer dans le centre commercial, malgré la faible fréquentation.
« Ils ont beaucoup investi dans cet endroit », dit Chen, qui est gérant d’un magasin d’électronique au sein du centre commercial depuis 2022.
« Les bonnes choses prennent du temps à se développer, et il faut parfois être patient. Il n’y a aucune raison que cela ne fonctionne pas. »
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