Mansour Abbas: la coopération politique arabo-juive doit être un but, pas un moyen
Le leader de Raam affirme que le caractère religieux du parti est intrinsèque, mais nie toute équivalence entre la branche sud du Mouvement islamique et les Frères musulmans
Carrie Keller-Lynn est la correspondante politique et juridique du Times of Israël.
Une semaine après que son parti a réintégré la coalition, le chef du Raam Mansour Abbas a déclaré mardi que sa vision était de transformer la participation arabe à la politique d’un moyen utilitaire pour soutenir les gouvernements à une fin digne en soi.
« Nous voulons faire de cette relation un objectif en soi, et non un instrument », a déclaré M. Abbas lors d’un symposium à l’université Reichman.
« Cela va au-delà du fonctionnement au jour le jour », a-t-il dit, ajoutant : « Si nous réussissons à appliquer un tel modèle… alors nous pourrons nous occuper de la question plus complexe et plus difficile, celle des relations palestino-israéliennes. »
Après un « gel » de trois semaines de son adhésion à la coalition suite aux événements au Mont du Temple/Al-Aqsa à Jérusalem, Raam est revenu pour donner à la coalition en difficulté « une autre chance ». La coalition avait perdu sa majorité en avril, et le retour de Raam a rétabli l’alliance à une parité de 60-60 sièges avec l’opposition. Son retour a été décidé au moment opportun pour aider à protéger le gouvernement de la menace d’un avant-projet de loi visant à imposer des élections.
L’entrée de Raam au gouvernement l’année dernière a marqué la première fois qu’un parti islamiste rejoignait une coalition israélienne. Ce faisant, Raam a rompu avec une stratégie politique arabe bien établie.
Alors que la Liste arabe unie – dont Raam est un parti allié – refuse toujours de participer activement à la politique israélienne tant que les questions d’égalité et les aspirations nationales palestiniennes ne sont pas sérieusement abordées, Raam a inversé cette équation.
« Ils veulent du changement mais ils ne veulent pas comprendre que le changement est le résultat d’un travail de collaboration. Comment un changement peut-il se faire sans partenaires ? » a déclaré Abbas à propos de la stratégie de la Liste arabe unie.
Avec l’ambition de forger une nouvelle voie pour l’intégration politique arabe, Raam a intentionnellement mis de côté les préoccupations nationales palestiniennes afin de se concentrer sur les victoires civiles. Ses détracteurs affirment qu’aucun résultat tangible n’a encore été obtenu, en partie parce que les fonds importants que Raam a obtenus pour la lutte contre la criminalité et les questions économiques dans le secteur arabe ont été bloqués dans des rouages bureaucratiques. Qui plus est, Raam n’a obtenu qu’une reconnaissance limitée des villages et des constructions illégales dans le Neguev, un des éléments clés pour ses électeurs.
Outre les critiques émanant de la société arabe, et la scission dans ses propres rangs, Raam est devenu le punching-ball préféré des membres de l’opposition de droite. Certains de ses attaquants les plus véhéments appartiennent au Likud du leader de l’opposition Benjamin Netanyahu, un parti qui, l’année dernière encore, courtisait Abbas.
Non seulement le Likud reproche à Raam d’être un parti de « sympathisants du terrorisme », mais Netanyahu a également fait référence aux liens idéologiques du Mouvement islamique avec les Frères musulmans.
Le parti Raam, en tant que parti politique de la branche sud du Mouvement islamique, a été critiqué pour sa dépendance consultative au Conseil de la Choura du Mouvement. Il a également été critiqué pour le fait que le Mouvement islamique soit inspiré par les Frères musulmans, une organisation islamique transnationale qui compte le groupe terroriste Hamas parmi ses enfants idéologiques.
Lors d’un débat à la Knesset sur une mesure économique lundi soir, le député du Likud Yoav Galant est monté sur le podium, à côté d’Abbas qui présidait temporairement la discussion, et a déclaré que « nous allons exclure le Mouvement islamique tout comme nous avons exclu la faction du Nord qui est hostile à l’État d’Israël. C’est ce qui doit être fait ».
« Nous ne sommes pas les Frères musulmans », a déclaré le leader du Raam à Reichman, tout en notant adhérer à certains éléments de son idéologie.
« Si vous prenez n’importe quelle faction idéologique, que ce soit l’islam, les libéraux, les communistes – tout parti associé à cette faction aura des similitudes avec d’autres à travers le monde », a-t-il dit. « Cependant, cela ne signifie pas que vous similaires. »
Si Abbas s’est distancié verbalement de toute équivalence avec les Frères musulmans, il a fait un clin d’œil aux profondes racines islamiques de Raam.
« Si votre parti se nomme le Mouvement islamique, il est évident que l’islam en régisse de nombreux aspects », a-t-il déclaré.
Abbas a cité le défunt fondateur du Mouvement islamique, le cheikh Abdullah Nimar Darwish, qui, selon Abbas, avait créé le mouvement en reconnaissant la complexité de la vie dans une société multi-identitaire comme Israël.
« Darwish a dit qu’il faudrait un mouvement local qui, non seulement essaye, mais parvient effectivement à concilier plusieurs identités, non seulement l’identité civile des citoyens mais aussi l’identité nationale. » Il ajoute que Darwish « a compris qu’il devait ouvrir une voie dans laquelle diverses identités religieuses pourraient vivre ensemble ».
Bien que le fait de se détacher d’une identité islamique puisse aider son parti à élargir sa base dans le secteur arabe multiconfessionnel d’Israël, Abbas – lui-même musulman religieux – a écarté l’idée que Raam puisse se dissocier du Mouvement islamique.
« On a dit que ce serait merveilleux si Raam n’était pas affilié au Mouvement islamique du sud », a-t-il déclaré, mais « si c’était le cas, nous perdrions 70 % de notre raison d’être ».
« Le fait qu’un parti ait été créé à partir d’un mouvement religieux en tenant compte du contexte dans son ensemble est très important… Nous savons que l’establishment religieux peut avoir des idées nouvelles et nous le prouvons déjà », a-t-il ajouté.
Mais, vu l’attachement de Raam à son caractère religieux, M. Abbas a déclaré que son parti devrait faire un effort s’il voulait établir des liens avec d’autres segments de la société arabe.
« Raam est un parti au sein de la société arabe, et il ne touche même pas les chrétiens ni les druzes », a-t-il déclaré. « Si nous voulons combler le fossé entre Raam et la société arabe dans son ensemble, nous devons nous adapter en tant que parti », a déclaré M. Abbas.
M. Abbas a répété que, 11 mois à peine depuis le début du revirement politique révolutionnaire de Raam, il est important de maintenir une perspective à long terme, car il y a et continuera d’y avoir des obstacles en cours de route. « Le progrès ne va pas dans une seule direction, il peut aussi aller à reculons », a-t-il déclaré.
Le leader de Raam a notamment rappelé la flambée de violence arabo-juive de mai dernier dans les villes mixtes, parallèlement à l’opération militaire d’Israël contre le groupe terroriste du Hamas, dans la bande de Gaza.
« Nous avons formé la coalition deux à trois semaines après la fin des événements », a-t-il déclaré, ajoutant que les négociations ont été couronnées de succès parce que Raam avait maintenu sa position consistant à jouer un rôle actif dans la politique israélienne.