Israël en guerre - Jour 433

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Témoignage

Musée de la torture et temples : un journaliste israélien au Kurdistan irakien

Jusqu'à récemment menacée de conquête par l'État islamique, la région septentrionale de l'Irak est aujourd'hui si calme qu'une visite depuis Israël devient presque facile à gérer

Jacob Magid est le correspondant du Times of Israël aux États-Unis, basé à New York.

Une femme quitte le temple yézidi du village de Lalish, en Irak, le 23 novembre 2018. (Jacob Magid/Times of Israel)
Une femme quitte le temple yézidi du village de Lalish, en Irak, le 23 novembre 2018. (Jacob Magid/Times of Israel)

ERBIL, Iraq – Le trajet entre Israël et l’Iraq est en fait assez facile à gérer. Il suffit de traverser la frontière jordanienne et de prendre un vol de deux heures entre Amman et Erbil.

J’ai fait le voyage le week-end de Thanksgiving et j’ai passé trois jours à voyager dans la région du Kurdistan avec mon frère – en utilisant nos passeports américains, qui sont remplis de tampons de douane israéliens.

Nous nous intéressons tous les deux au Moyen Orient et nous nous sommes dit que ce serait une façon unique de soulager nos envies de voyage.

Dès notre arrivée, j’ai été frappé par le calme qui régnait dans le pays.

Vue de la Citadelle d’Erbil au Kurdistan irakien. (Jacob Magid/Times of Israel)

Il me faut souligner : Nous sommes restés dans des villes contrôlées par le Gouvernement régional du Kurdistan (GRK), bien à l’écart des zones conquises par l’État islamique, ainsi que des endroits sous l’autorité du gouvernement irakien, où ces tampons auraient probablement pu poser des problèmes. Mais le nord du pays a connu sa part de troubles récents, Bagdad ayant imposé une interdiction de vol de six mois sur l’espace aérien semi-autonome du GRK après un référendum kurde de septembre 2017 sur la sécession avec l’Irak.

Néanmoins, je me suis senti tout aussi en sécurité à Erbil et à Sulaymaniyah, où nous avons passé la majeure partie de notre temps, que dans les méandres de la Cisjordanie où je suis le correspondant du Times of Israel pour les implantations.

Cette comparaison nous est venue à l’esprit, en particulier lors des trajets en taxi collectif que nous avons effectués d’une ville à l’autre, où les chauffeurs semblaient considérer le code de la route comme une simple suggestion.

Erbil, Iraq. (Jacob Magid/Times of Israel)

Nous avons également dû passer par plusieurs postes de contrôle installés le long des autoroutes interurbaines. Bien qu’apparemment confus de voir des Américains traverser ce qui, il n’y a pas si longtemps, était une zone de guerre, les soldats du GRK nous ont laissés passer sans difficulté chaque fois après avoir scanné nos passeports.

Temples de Lalish

Le premier jour, nous avons fait un tour à Lalish, un petit village mystique niché dans des montagnes verdoyantes à deux heures au nord d’Erbil, la capitale kurde.

Le hameau aurait 4 000 ans et abriterait le temple le plus saint de la religion yazidi. Bien que Lalish n’ait pas de résidents permanents, les membres de la minorité religieuse font souvent des pèlerinages sur le site.

Lalish, Irak. (Jacob Magid/Times of Israel)

Des dizaines de fidèles yazidis erraient dans les sanctuaires au toit conique lorsque nous sommes arrivés par un vendredi matin froid et pluvieux. Le village est si sacré pour ceux de la petite mouvance monothéiste qu’on demande aux visiteurs d’enlever leurs chaussures et leurs chaussettes à l’entrée.

Cela ne semblait pas déranger les habitants, qui marchaient nonchalamment le long des pierres boueuses ; mais pour nous touristes, cela nous a pris un peu de temps pour nous y faire et souvent nous étions en retard sur ceux qui nous faisaient gentiment découvrir les temples.

En l’absence de guides officiels sur place, nous dépendions des pèlerins yazidis pour nous fournir des informations sur ce que nous apercevions.

Comme aucun de nous ne parle kurde, nous communiquions en utilisant un mélange de notre arabe rudimentaire – une deuxième ou troisième langue pour la plupart des gens au Kurdistan – et un peu d’anglais.

Une femme quitte le temple Yazidi du village de Lalish, en Irak, le 23 novembre 2018. (Jacob Magid/Times of Israel)

Les conversations étaient plutôt basiques, mais suffisantes pour exprimer la stature majestueuse que Lalish a pour les croyants yazidis.

Vers la fin de notre visite de quatre heures, un groupe d’habitants nous a invités à prendre le thé dans l’une des nombreuses maisons vacantes du village. Les rafraîchissements se sont rapidement transformés en un repas complet lorsque plusieurs femmes plus âgées ont apporté des plateaux de pain, de riz et de légumes.

La demi-douzaine d’hommes d’âge moyen nous ont interrogés sur nos origines et sur ce que nous faisions au Kurdistan ; nous avons opté pour la retenue, disant que nous étions américains et que nous étions journalistes. Et nous avons profité de l’occasion pour leur poser des questions sur l’Etat islamique, qui a capturé et tué des dizaines de milliers de Yazidis en 2014.

L’un des hommes a rapidement sorti son téléphone portable pour nous montrer des vidéos de combattants kurdes frappant des terroristes de l’EI capturés. Il était surprenant de voir à quel point ils étaient capables de discuter d’une période aussi sombre et récente de leur histoire.

De retour à Erbil, où nous étions hébergés chez un collègue journaliste, nous avons visité la célèbre citadelle de la ville et le bazar animé qui se trouve tout près.

Lalish, Irak. (Jacob Magid/Times of Israel)

Le marché ressemblait à d’autres marchés arabes, mais nous avons remarqué que les touristes présentaient un degré d’intérêt beaucoup plus faible. Lors d’une visite au Caire il y a quelques années, nous avons été constamment arrêtés dans la rue par de jeunes locaux intrigués par la présence des Américains. C’était loin de notre expérience au Kurdistan où, en dépit de nos différences, les locaux ne nous ont pas accordé beaucoup d’attention.

Musée de la torture de Saddam Hussein

Après Erbil, on nous a dit que l’autre ville kurde à voir absolument est Sulaymaniyah, à quatre heures au sud-est de la capitale.

Notre premier arrêt fut la « Amna Suraka » – la Red Security Prison. C’est là que le régime de Saddam Hussein a emprisonné, torturé et tué des milliers de Kurdes ainsi que d’autres Irakiens et Syriens de 1979 à 1991, lorsque les valeureux combattants Peshmerga ont libéré le complexe.

Une exposition au Complexe de sécurité rouge « Amna Suraka » à Sulaymaniyeh, en Irak. (Jacob Magid/Times of Israel)

Le site a été transformé en musée en 2003, et une grande partie de la prison a été conservée telle quelle. Les grands murs extérieurs en briques rouges restent criblés d’impacts de balles et les seuls changements apportés aux chambres de torture ont été l’ajout de mannequins grandeur nature pour démontrer la cruauté subie par les prisonniers.

La première exposition du musée est la galerie des Glaces – un labyrinthe entièrement recouvert de 182 000 éclats de verre, représentant le nombre de personnes tuées lors de la campagne génocidaire al-Anfal de Saddam contre les Kurdes d’Irak entre 1986 et 1989. De l’autre côté des miroirs se trouvent 4 500 ampoules, ce qui correspond au nombre de villages détruits lors de cette offensive.

La galerie des Glaces du Complexe de sécurité rouge « Amna Suraka » à Sulaymaniyeh, Irak. (Jacob Magid/Times of Israel)

J’ai été frappé de voir à quel point l’exposition ressemblait au Mémorial des enfants du Musée de la Shoah Yad Vashem à Jérusalem, qui abrite également une caverne sombre, où d’innombrables petites lampes ont été installées en souvenir des vies perdues.

Une grande partie du musée est constituée d’images, avec des photos de victimes plaquées sur les murs et les plafonds de plusieurs pièces.

L’une de ces salles rend hommage aux combattants qui ont lutté contre l’EI, dans ce que le conservateur a décrit comme la première exposition du genre au monde. Sur les photos des combattants tombés au champ d’honneur, on peut voir des femmes, ce qui surprendrait probablement les touristes occidentaux qui parcourent cette exposition.

Tout comme le narratif israélien (et palestinien d’ailleurs), le musée met fortement l’accent sur la victimisation kurde ainsi que sur la justesse de la cause.

Complexe de sécurité rouge Amna Suraka à Sulaymaniyeh, Irak. (Jacob Magid/Times of Israel)

A la recherche des synagogues

Sulaymaniyah était aussi le foyer de l’une des rares communautés juives du Kurdistan irakien. Le quartier où ils vivaient s’appelle Jewlakan, ou quartier juif.

Alors que presque tous les Juifs ont été chassés du pays après la création d’Israël, les guides de voyage que nous avons étudiés en préparation du voyage indiquaient que plusieurs synagogues avaient récemment été rénovées par le GRK à Jewlakan.

Nous avons parcouru les ruelles étroites du quartier à la recherche des lieux de culte, mais nous n’en avons trouvé aucun signe.

Les gens du quartier que nous avons approchés nous ont assuré que nous étions à Jewlakan, mais qu’ils ne connaissaient aucune synagogue.

Sur le point d’abandonner nos recherches après plus d’une heure, j’ai demandé à un autre résident qui passait s’il avait la moindre idée de ce à quoi les guides faisaient allusion.

Il nous a dirigé avec enthousiasme vers un bâtiment situé au bout d’une ruelle qui semblait trop résidentiel pour être un lieu de culte public. Mais comme nous n’avions rien à perdre, j’ai ouvert la grille et frappé à la porte.

Trente secondes plus tard, une femme d’âge moyen portant un tchador musulman apparaît. Nous lui avons demandé en arabe si elle était juive et elle a hoché la tête avec enthousiasme, nous a fait entrer et a commencé à nous montrer du doigt le plafond.

N’étant pas tout à fait convaincu de son judaïsme, surtout à cause de sa tenue vestimentaire, nous avons continué à lui poser des questions. Cependant, elle ne parlait pratiquement pas l’anglais ou l’arabe et paraissait vouloir montrer sans cesse le plafond du doigt.

Le plafond d’une maison dans le quartier juif Jewlakan à Sulaymaniyah, en Irak, dont les habitants actuels disent que c’était une synagogue. (Jacob Magid/Times of Israel)

Réalisant que nous ne comprenions pas, elle est allée dans une autre pièce, a réveillé un de ses enfants et nous a invités à parler avec lui. Je l’ai suivi et j’ai demandé au jeune homme s’il était juif. Se frottant les yeux avec perplexité, l’adolescent a dit qu’il était musulman, mais que la maison était autrefois une synagogue. Il s’est ensuite retourné et s’est rendormi.

Ne voulant pas déranger la famille davantage, nous avons remercié la femme pour son hospitalité et nous nous sommes mis en route.

Il s’agissait peut-être l’un des temples « rénovés » que les guides avaient mentionnés. Ou pas.

Cette visite fut un bon résumé de notre court voyage au Kurdistan irakien – un petit aperçu, rien de plus, d’une région historique qui, d’Israël, n’est pas aussi éloignée qu’on pourrait le penser.

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