Otages : Les manifestants somment les négociateurs de trouver un accord
Les militants ont accusé le gouvernement d'éviter encore un accord après la découverte des corps sans vie de deux otages, un père et son fils ; des envoyés étrangers ont lancé leurs propres appels au cessez-le-feu

Les Israéliens se sont rassemblés samedi soir à Tel Aviv et à Jérusalem pour appeler un accord de cessez-le-feu dans la bande de Gaza qui ouvrirait la porte à la remise en liberté des otages. Ils ont exhorté le gouvernement à faire enfin aboutir les pourparlers entre les deux parties alors que l’armée a retrouvé, il y a quelques jours, les dépouilles d’un père et de son fils qui, selon elle, avaient été kidnappés vivants par le groupe terroriste du Hamas, le 7 octobre 2023, et qui ont finalement été tués alors qu’ils se trouvaient en captivité.
À Tel Aviv, une personne a été arrêtée alors qu’elle manifestait contre le gouvernement, a indiqué la police. À Jérusalem, la brève mise en détention d’un clown, devenu une figure centrale des manifestations antigouvernementales, a suscité la colère de la foule qui s’était rassemblée devant le domicile du Premier ministre Benjamin Netanyahu.
Youssef et Hamza Ziyadne « ont survécu aux abîmes de l’enfer et ils ont été assassinés parce que vous n’avez pas pris la bonne décision au moment où il le fallait », a déclaré Shiri Albag lors d’une prise de parole faite pendant la manifestation hebdomadaire qui est organisée sur la place des Otages, à Tel Aviv, interpellant Netanyahu et son ministre de la Défense, Israel Katz.
Une intervention qui a eu lieu une semaine après la diffusion, par le Hamas, d’une vidéo dans laquelle apparaissait sa fille, Liri Albag, une jeune soldate de Tsahal âgée de 19 ans qui avait été enlevée lors du pogrom du 7 octobre.
251 personnes au total avaient été kidnappées et prises en otage à Gaza.
Albag a fait savoir que ce clip est « l’illustration et le témoignage vivant des échecs constants de Netanyahu et de Katz ».
« Regardez ses yeux », a-t-elle ajouté, s’adressant aux manifestants. « Ces yeux que nous connaissons si bien… Ces yeux qui crient : ‘Sortez-moi de l’enfer. Ne m’oubliez pas’. »

Signalant que les négociations semblent faire des avancées, le bureau de Netanyahu a annoncé, samedi soir, qu’il avait décidé d’envoyer une délégation de haut rang au Qatar qui prendra part aux efforts visant à conclure un accord avec le Hamas.
L’équipe qui est partie dans la soirée de samedi comprend le chef du Mossad, David Barnea, le directeur du Shin Bet, Ronen Bar, le responsable de la question des otages au sein de Tsahal, le général de division (réserviste) Nitzan Alon, et le conseiller politique de Netanyahu, Ophir Falk.
Une décision qui a été prise après que le Premier ministre a procédé à une évaluation de la situation concernant les négociations en cours – une évaluation à laquelle ont participé Katz et les chefs des services israéliens de sécurité. Des représentants de l’administration sortante du président américain Joe Biden et de l’administration entrante du président élu Donald Trump étaient également présents.
Netanyahu avait aussi rencontré à Jérusalem, dans la journée, Steve Witkoff, nouvel envoyé de Trump pour les questions relatives au Moyen-Orient. Witkoff devrait retourner au Qatar pour participer aux négociations avec la délégation israélienne de haut-rang, a confié une source au Times of Israel.

Trump, de manière répétée, a menacé le Hamas de « l’enfer » si un accord n’est pas finalisé avant son entrée en fonction, le 20 janvier – et la fermeté de son discours aurait, semble-t-il, contribué à faire avancer les négociations.
S’adressant aux manifestants en anglais, l’ambassadeur américain sortant, Jack Lew, a déclaré que les États-Unis exerçaient des pressions en faveur de l’accord. Il a rappelé que des citoyens américains figuraient, eux aussi, parmi les otages.
« Les États-Unis exigent la remise en liberté de sept de nos otages ; nous savons que quatre sont déjà morts – et ils doivent être libérés maintenant ! », s’est exclamé Lew, prononçant ce dernier mot en hébreu sous un tonnerre d’applaudissements.
« Il pourrait y avoir un cessez-le-feu dès demain, avec la fin des souffrances des habitants de Gaza, si le Hamas libérait les otages », a-t-il ajouté.

D’autres ambassadeurs internationaux ont également pris la parole – certains profitant de cette tribune qui leur était offerte pour évoquer la situation critique des habitants de Gaza, victimes d’une crise humanitaire dans le contexte de la guerre qui avait été déclenchée par le pogrom du Hamas, un massacre qui avait fait plus de 1 200 morts.
« Je sais que ce n’est pas très populaire de le dire mais ces tragédies sont liées », a affirmé l’ambassadeur allemand en Israël, Steffen Seibert, qui a appelé en hébreu à mettre un terme aux « souffrances indescriptibles de centaines de milliers de Gazaouis” et à libérer les otages.
L’ambassadeur britannique Simon Walters a également choisi de s’adresser aux manifestants en hébreu, évoquant son enfance dans une Irlande du Nord alors déchirée par la guerre – une expérience qui, selon lui, illustre les sacrifices nécessaires à la paix.
« Chaque pas vers la paix a été très douloureux – mais c’était la seule solution possible », a-t-il noté. « Le Hamas est pleinement responsable de tous ces crimes mais dans la pratique, nous savons bien que le seul moyen de ramener les otages à la maison est de négocier ».

Lors d’une conférence de presse qui a précédé le rassemblement, les proches des otages ont accusé avec colère le gouvernement de ne pas vouloir faire les sacrifices nécessaires pour parvenir à un accord. Ils se sont exprimés quelques jours après l’envoi d’une lettre à Netanyahu qui accusait ce dernier d’utiliser les jeunes Israéliens comme de la « chair à canon », une lettre signée par un millier de parents de soldats qui combattent actuellement sur le terrain, à Gaza.
« Au lieu d’obtenir le retour des otages en vie, nous assistons à leur retour dans des sacs mortuaires. Il n’y a qu’en Israël qu’un échec total est présenté au public sous les traits d’une ‘opération héroïque’, » a déploré Ayala Metzger, la belle-fille de Yoram Metzger, un otage assassiné. « Nous ne voulons pas que vous envoyiez d’autres soldats qui perdront la vie en sortant des dépouilles de Gaza. Nous ne voulons pas que d’autres soldats sombrent dans une guerre inutile. »
Lors d’une manifestation anti-gouvernementale organisée à proximité, à Tel Aviv, les manifestants ont condamné avec force les réformes du système judiciaire qui ont été récemment avancées par le gouvernement. Barak Medina, spécialiste du droit, a indiqué à la foule que les changements envisagés « détruiraient le système judiciaire en tant que branche indépendante du gouvernement ».

Les réformes dont le contenu a été dévoilé jeudi par le ministre de la Justice Yariv Levin et par le ministre des Affaires étrangères Gideon Saar semblent être une version adoucie du plan de refonte radicale du système de la justice qui avait été proposé, dans le passé, par le gouvernement – un projet qui avait entraîné des manifestations massives dans tout le pays en 2023. Les critiques estiment que la nouvelle proposition, qui donne aux politiciens de l’opposition une plus grande influence dans le choix des juges, conserve des mesures qui renforceront le contrôle exercé par les politiques sur la justice, tout en réduisant les capacités de cette dernière à contrôler le gouvernement ou la Knesset.
Medina, ancien recteur de l’Université hébraïque, qui représente aujourd’hui 112 parents d’otages dans le cadre d’une requête soumise à la Haute Cour – une requête qui accuse le gouvernement de nier les droits fondamentaux des captifs en n’obtenant pas leur libération – a expliqué que les politiciens devraient se concentrer sur la question de la remise en liberté des otages et sur celle de la fin de la guerre plutôt que de focaliser leurs efforts sur le plan de refonte radicale du système judiciaire.
Limor Livnat – ancien soutien du Likud devenue une critique fervente du parti du Premier ministre – s’en est, elle aussi, pris à l’initiative prônée par Saar et par Levin.

« C’est absolument merveilleux », a-t-elle dit avec amertume. « Les membres de la coalition sont capables de se mettre d’accord. Ils sont même capables de se mettre d’accord pour annuler les élections ».
Après, quelques familles d’otages ont rejoint les protestataires lors d’un rassemblement organisé devant le quartier-général de Tsahal.
La police a annoncé que la majorité des personnes présentes s’étaient dispersées pacifiquement, ajoutant que certaines étaient restées pour allumer un feu, déclenchant des heurts avec les agents.
« Les policiers ont été pris dans des affrontements avec les manifestants, qui ont bloqué le passage et qui ont empêché les forces de l’ordre d’éteindre le feu. Ces dernières ont été bousculées et les protestataires ont refusé de partir », a noté la police dans un communiqué. « Par la suite, les agents ont été dans l’obligation d’utiliser la force pour éteindre le feu de joie ».
Les autorités ont indiqué qu’une personne avait été arrêtée pour des troubles à l’ordre public.
Sur la place de Paris, à Jérusalem, des policiers ont arrêté le clown Hashoteret Az-Oolay – pilier du mouvement de protestation dans la capitale – à l’extérieur de la résidence du Premier ministre.

Portant le maquillage traditionnel d’un clown et vêtue d’un faux uniforme de police, Az-Oolay est devenue l’un des visages des manifestations en faveur de la libération des otages – elle est connue pour distribuer des autocollants en forme de cœur aux militants, aux policiers et aux passants.
Son arrestation a suscité l’indignation des manifestants qui se trouvaient à proximité et la nouvelle s’est rapidement répandue dans tout le rassemblement – dont le maître de cérémonie a fait l’éloge d’Az-Oolay en faisant remarquer qu’elle était « la figure la plus connue des manifestations de Jérusalem ».
« Elle est une figure d’amour, de don, d’acceptation et d’aide apportée à autrui – et c’est elle que la police a choisi d’arrêter », s’est insurgé l’intervenant. La foule a entonné dans la foulée le slogan « Honte ! » en direction des forces de l’ordre.
Au bout d’une demi-heure environ, la police a ramené la jeune femme sur la place de Paris où se tenait le mouvement de protestation.

94 des 251 otages enlevés par le Hamas le 7 octobre, selon les estimations, sont encore à Gaza – notamment les corps sans vie d’au moins 34 personnes dont la mort a été confirmée par l’armée israélienne.
Le Hamas avait remis en liberté 105 civils au cours d’une trêve qui avait duré une semaine à la fin du mois de novembre 2023 et quatre otages avaient été relâchés auparavant. Huit captifs ont été sauvés vivants par les soldats, et les dépouilles de 40 otages ont également été retrouvées – dont celles de trois captifs qui avaient été accidentellement tués par Tsahal alors qu’ils tentaient d’échapper à leurs ravisseurs.
Le Hamas détient également deux civils israéliens entrés dans la bande de Gaza en 2014 et 2015, ainsi que les corps sans vie de deux soldats qui avaient été tués en 2014.