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Pourquoi l’un des pires massacres de la Shoah n’est commémoré que par une ménorah carbonisée

Depuis 2001, des groupes juifs ont essayé mais échoué à remporter du soutien pour améliorer le mémorial de Babi Yar, où nazis et collaborateurs ont assassiné 50 000 juifs

Des chiens errants près du monument de Babi Yar, le 14 mars 2016, à Kiev, où des nazis et des collaborateurs locaux ont assassinés 30 000 juifs en 1941. (Crédit : Cnaan Liphshiz/JTA)
Des chiens errants près du monument de Babi Yar, le 14 mars 2016, à Kiev, où des nazis et des collaborateurs locaux ont assassinés 30 000 juifs en 1941. (Crédit : Cnaan Liphshiz/JTA)

KIEV, Ukraine (JTA) – Sur un chemin boueux du parc Babi Yar, Vladimir Proch négocie des flaques profondes alors qu’il suit deux rabbins et un groupe d’officiels ukrainiens.

Survivant de l’Holocauste de 87 ans, Proch vit près du ravin de Kiev où des nazis et des collaborateurs locaux ont assassiné plus de 50 000 juifs à partir de septembre 1941. Il a suivi chaque rebondissement de la saga de 15 ans pour commémorer les victimes d’une manière adaptée à l’échelle de la tragédie, qui même pour les standards nazis est extraordinairement barbare.

Sentant que le clergé et les officiels faisaient partie des derniers efforts pour rendre hommage aux victimes, Proch s’est approché de l’un des rabbins, Yossi Azman, et lui a demandé, incrédule : « Vous pensez que nous allons finalement avoir un monument approprié ? »

Proch a de bonnes raisons d’être sceptique. Depuis 2001, de nombreux groupes et magnats juifs ont tenté mais échoué à obtenir le soutien municipal pour améliorer un site célèbre où des victimes juives ne sont rappelés que par une ménorah de 1,80 mètre sans clôture.

Construire près d’une décharge de construction parcourue par des sans-abris et des troupeaux de chiens errants, la ménorah est toujours carbonisée suite à une récente mise à feu, le sixième assaut par des vandales sur le monument pour l’année dernière uniquement. Des croix gammées figurent sur deux entrées de la station de métro proche du parc du mémorial.

Et pourtant, à l’approche du 75e anniversaire du massacre de Babi Yar, les autorités et les représentants de la communauté disent qu’ils sont déterminés à construire un nouveau monument et à éviter les pièges qui ont mis à mal les précédentes tentatives – y compris des problèmes de financement, des inquiétudes sur la construction sur des restes humains et leur profanation, et des querelles internes à la communauté juive grincheuse d’Ukraine.

La nouvelle initiative pour commémorer l’Holocauste à Babi Yar a commencé officiellement le mois dernier, quand le Premier ministre Arseniy Yatsenyuk a mis un place un comité permanent d’officiels et de représentants de la communauté, qui se rencontrent chaque semaine.

Ils ont pour objectif de construire un nouveau monument pour le 29 septembre, le jour où les nazis ont commencé à faire marcher les juifs de Kiev vers le ravin de la périphérie de la ville et à les massacrer systématiquement avec des armes automatiques. Selon certaines estimations, 100 000 juifs, Roms, communistes et prisonniers de guerre soviétiques ont été assassinés à Babi Yar, dont 33 000 juifs pendant les deux premiers jours uniquement.

Le projet actuel de mémorial est un plan sans ambition pour deux chemins mémoriels qui se connecteraient sur le lieu de la ménorah, située sur les bords extérieurs du parc, vers son centre. Un chemin serait dédié aux victimes juives, un autre aux Ukrainiens qui ont risqué leur vie pour sauver des juifs.

Le destin de la ménorah, que des groupes juifs ont placé ici de manière provisoire il y a 25 ans, est incertain. Une proposition, qui est préférée par la municipalité locale, comprend un mur de pierre intégrant des répliques d’objets personnels comme des lunettes, des chaussures et des sacs – faisant écho aux piles de vêtements pris aux victimes avant qu’elles ne soient abattues.

Vladimir Proch, juif ukrainien de 87 ans, survivant de la Shoah, près du monument de Babi Yar à Kiev, le 14 mars 2016. (Crédit : Cnaan Liphshiz/JTA)
Vladimir Proch, juif ukrainien de 87 ans, survivant de la Shoah, près du monument de Babi Yar à Kiev, le 14 mars 2016. (Crédit : Cnaan Liphshiz/JTA)

« C’est juste assez digne pour sembler décent », a déclaré Moshe Azman, rabbin influent du Habad de Kiev, et concurrent au titre de grand rabbin d’Ukraine, à propos de la nouvelle proposition.

« Ce n’est pas luxueux, pas énorme, pas spectaculaire – et c’est pour cela que ça a une chance de réussir là où les autres projets ont échoué », a ajouté Azman, le père du rabbin Yossi Azman. Moshe Azman a assisté aux réunions du comité permanent.

Le rabbin Dov Bleich, un autre rabbin important d’Ukraine, a déclaré que : « N’importe quelle sorte de monument à moitié décent est mieux que la réalité actuelle de Babi Yar, qui n’est qu’un déshonneur. »

La conception minimaliste, qui devrait coûter 150 000 dollars, reflète les réalités économiques de l’Ukraine. Le pays connaît un chômage effréné, et sa devise nationale, le hryvna, ne vaut plus maintenant que le tiers de sa valeur de 2014 face au dollar. Cette année, l’économie ukrainienne s’est effondrée quand le gouvernement a été renversé par une révolution, qui a déclenché un conflit armé, toujours en cours, avec les séparatistes soutenus par les Russes.

Bleich a déclaré que plusieurs projets avaient échoué parce qu’ils étaient trop ambitieux.

« Dans la réalité actuelle, mais même avant dans un pays pauvre comme l’Ukraine, un projet à 30 ou 40 millions de dollars n’est souvent simplement pas viable, a-t-il déclaré. Cela ne va tout simplement pas arriver, ou prendra un long moment. »

Babi Yar compte actuellement trois pierres fondatrices qui y ont été placées en grande pompe ces 15 dernières années pour des projets de commémoration juive qui ne se sont jamais matérialisés.

En 2001, le comité de distribution commune juif américain, ou Joint, a proposé de construire un centre communautaire juif près du site de commémoration actuel. Les juifs religieux ont pensé que ce n’était pas adéquat. Les dirigeants de la communauté juive, pendant ce temps, se sont plaints que les locaux, pas le Joint, devraient gérer la commémoration.

Vadim Rabinovich (Crédit : Cnaan Lipchitz via JTA)
Vadim Rabinovich (Crédit : Cnaan Lipchitz via JTA)

En 2006, l’homme d’affaires et militant juif Vadim Rabinovich a commencé à faire avancer des projets pour un musée sur un terrain qu’il a acheté à proximité, mais pas sur le site de commémoration.

Mais ce projet aussi a été cessé par des critiques comme Meylakh Shoychet, directeur pour l’Ukraine de l’union des conseils pour les juifs de l’ancienne Union soviétique. Shoychet et Vitaly Nachmanovich, le secrétaire du comité public pour la commémoration des victimes de Babi Yar, ont affirmé que la construction perturberait les restes humains, en violation de la halakha [loi juive].

Dans un email à JTA, Nachmanovich a promis de continuer à s’opposer à la tentative de Rabinovich pour raviver le projet pour un musée.

Les peurs de profanation des restes humains sont un sujet commun quand il s’agit des innombrables fosses communes et cimetières juifs en Europe. La complication halakhique est particulièrement présente à Babi Yar à cause de la nature des exécutions qui y ont eu lieu.

Après le meurtre initial, où les nazis abattaient les juifs qui étaient allongés en couche sur les corps de leurs frères défunts, de plus petits groupes de juifs ont été exécutés et enterrés ici entre 1941 et 1943. Pendant cette période, les nazis ont exhumé et brûlé des corps, et les cendres ont été dispersées dans une tentative de cacher leurs crimes, rendant impossible de pointer tous les emplacements où reposent des restes humains dans le grand parc Babi Yar.

« L’endroit tout entier doit être traité comme un cimetière, parce que c’est ce que c’est », a déclaré Shoychet.

Bleich et Azman préfèrent le nouveau projet pour cette raison aussi.

« Il n’entraîne que la pose de tuiles sur le sol, pas de le creuser, a dit Bleich. Cela enlève beaucoup de préoccupations. »

Toutes les victimes de Babi Yar sont commémorées dans un monument massif que les autorités ont construit en 1976 pour tous les « citoyens soviétiques » tués là-bas. Mais un monument reconnaissant les juifs comme des victimes spécifiques du génocide nazi n’a été approuvé qu’après la chute de l’Union soviétique.

Pour les juifs, Babi Yar est très important parce que c’est le premier massacre de cette échelle perpétrée pendant l’Holocauste, et le troisième des quatre plus importants au total. En 2006, pendant un discours prononcé sur le site, Meir Lau, ancien grand rabbin ashkénaze d’Israël, l’avait décrit comme un ballon d’essai d’Adolf Hitler pour la solution finale.

Si la réaction internationale à Babi Yar « avait été sérieuse, spectaculaire, en septembre 1941, ici en Ukraine », a déclaré Lau, le destin des juifs d’Europe « aurait peut-être fini d’une manière différente ».

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