Quand les Minutemen luttaient contre les nazis dans le New Jersey
Dans les années 30, à Newark, un groupe de gangsters juifs défendait la communauté de la menace de leurs voisins pro-Allemagne et antisémites
JTA – Le débat sur la violence contre les nazis est devenue d’actualité en janvier, après qu’un manifestant libéral a frappé Richard Spencer en plein visage, durant l’investiture de Donald Trump. Il a été relancé après les rixes entre nationalistes d’extrême-droite qui se sont rassemblés à Charlottesville, en Virginie, et les contre-protestants, notamment du mouvement Antifa.
Bien que la plupart des témoins oculaires relatent une violence plus importante du côté des manifestants d’extrême-droite, et qu’un contre-manifestant a été tué par une automobiliste présumément affilié au groupe de suprématie blanche, les détracteurs, tels que l’avocat Alan Dershowitz, ont désapprouvé les « anti-fascistes » qui sont venus au rassemblement.
« Ils font usage de la violence, et simplement parce qu’ils sont opposés au fascisme et à certains monuments [confédérés], cela n’en fait pas des héros du libéralisme », a-t-il dit sur Fox & Friends.
Mais il n’est pas question ici de savoir s’il est légitime d’opposer la violence à la haine. En réalité, c’est une question qui a fait débat dans les années 30, chez les juifs américains, qui faisaient face à l’ascension d’Hitler en Allemagne et à celle des sympathisants nazis chez eux.
C’est à Newark, dans le New Jersey, que ce débat a déchaîné les passions. Cette ville hébergeait une population importante d’Allemands-Américains, et nombre d’entre eux soutenaient la cause nazie. Bien que seulement 5 % des 45 000 habitants Allemands-Américans aient sympathisé avec les nazis, ils le faisaient savoir, comme l’explique Warren Grover, un historien et auteur de Nazis in Newark, publié en 2003.
Après l’arrivée d’Hitler au pouvoir en 1933, les Juifs de Newark ont vu des sympathisants nazis défiler dans les rues de leur ville.
« Les menaces qui pesaient sur eux étaient physiques, parce que les nazis défilaient en uniforme. Nombre d’entre eux étaient armés. Ils fracassaient les fenêtres, attaquaient les commerçants, mais sans jamais faire de victimes », raconte Grover des résidents du Third Ward de la ville, où de nombreux Juifs et sympathisants nazis cohabitaient.
Les nazis diffusaient également des films porteur d’un message antisémite, et accrochaient des affiches antisémites dans la ville, a expliqué Grover au JTA. Lors d’une élection municipale dans la ville voisine d’Irvington, ils ont placardé des posters à travers la ville, exhortant les résidents à ne pas voter pour les candidats juifs.
En réaction, les Juifs ont commencé à s’organiser pour se défendre. À travers le pays, les Juifs luttaient contre les nazis de manière ponctuelle. Mais à Newark, un groupe plus organisé a émergé : les Minutemen.
Meyer Lansky, un truand juif, a commencé ce groupe à New York, mais les Minutemen ont été interdits par les autorités après que certains Juifs les ont signalés, craignant que l’usage de la violence ne contribue à la recrudescence de l’antisémitisme.
Cependant, à Newark, les Minutemen ont trouvé leur place, aidés par un autre gangster juif, Abner « Longy » Zwillman, et dirigé par l’ancien boxeur professionnel Nat Arno.
Le 18 octobre 1933, le JTA a évoqué un affrontement, devant un rassemblement nazi dans un auditorium allemand. « Le rassemblement, à Schwabenhalle, sous l’égide des Amis de la Nouvelle Allemagne… a été la cible de jets de pierre et de boules puantes, jetées par des anti-nazis dans la foule du millier de personnes qui attendaient à l’extérieur de la salle.
En mai de la même année, le JTA parlait d’une mêlée à Irvington : « Un rassemblement nazi s’est terminé en coup de poings, en émeute miniature, en arrestations et de nombreuses personnes ont été blessées ».
Bien que les Minutemen eurent été « acclamés et acceptés par la majeure partie de la population juive de Newark », explique Grover, tout le monde n’était pas enthousiaste.
Certains juifs, notamment ceux qui étaient affiliés au mouvement réformé, « avaient le sentiment que cela ternissait la réputation des Juifs que de les voir prendre part à des rixes, et pensaient que le gouvernement s’en chargerait », dit-il. Ceux qui s’opposaient au groupe ne vivaient généralement pas dans le Third Ward.
Et pourtant, le groupe, principalement juif, qui comptait également des membres irlandais et italiens, est devenu un atout de taille dans la lutte contre les sympathisants d’Hitler.
« Les Minutemen étaient prêts. Les Minutemen avaient des matraques et des bombes puantes, et ils attaquaient les participants à l’évènement », raconte Grover au sujet d’une manifestation en 1933.
« La police est venue, il y a eu des arrestations, et certains ont dit plus que tard que les Juifs, les Minutemen, n’avaient pas le droit d’attaquer un rassemblement pacifique dans une salle de Newark.
Les Minutemen ont également dopé le moral des Juifs.
« Les prouesses physiques dont ils faisaient état, contre les nazis de Newark, les nazis d’Irvington, était une fierté pour les Juifs d’Europe de l’Est, qui sont arrivés à cause des pogroms en Russie dans les années 1880 », a ajouté Grover.
« Ils en étaient fier, parce qu’ils voyaient les actualités allemandes, qui leur montrait comme les Juifs en Allemagne étaient traités, et toutes les lois anti-juives. »
Au final, affirme Grover, le groupe a atteint son objectif : dissuader les nazis de s’organiser à Newark.
« La simple idée d’avoir les Minutemen présents lors de leurs rassemblements décourageait de nombreux nazis d’organiser des rassemblements publics », dit-il. « Ils ont réussi parce qu’à cause de la crainte qu’ils ont suscitée, la propagande nazie ne les a atteint que dans une moindre mesure. »
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