Rebutés par l’orthodoxie, des Israéliens optent pour un mariage à la Grecque
Une start-up israélienne propose des "houppa-escapade" aux couples cherchant à s’échapper des griffes de l’orthodoxie
TEL AVIV (JTA) – Les mariages israéliens font honneur aux valeurs familiales et communautaires. Et la patrie juive n’est-elle pas le meilleur endroit pour célébrer la continuité juive ?
Depuis cet été, une nouvelle société israélienne s’attaque aux traditions et propose des « mariages-escapades » dans les îles grecques. Cette startup s’appelle Wedaway, et exploite un marché jusqu’alors monopolisé par le Grand Rabbinat orthodoxe, qui gère les mariages juifs dans le pays.
« De nombreuses personnes qui ne peuvent pas ou ne veulent pas se marier via le Rabbinat tombent sur Wedaway lors de leurs recherches sur Internet », explique Gal Zahavia, fondatrice et PDG de la société, au JTA. « Mais ce qui les attire réellement, c’est l’idée d’un petit mariage tels qu’ils les voient au cours de leurs voyages ou sur internet. Et les israéliens adorent la Grèce. »
L’idée de Wedaway a germé dans l’esprit de Zahavia après qu’elle a célébré sont propre mariage grec en juin dernier. Avec son mari, ils ont célébré leur union dans un château sur l’île d’Evia. Ils voulaient quelque chose d’autre que le mariage israélien typique, qui compte souvent des centaines d’invités, réunis dans une salle de fêtes pour une soirée standardisée, où l’on enchainera, en l’espace de quelques heures, la cérémonie, le repas et les danses.
Ils se sont ensuite mariés officiellement via le Rabbinat. Ils disent regretter cette décision, parce que de nombreux Israéliens ne jouissent pas de ce même privilège.
Zahavia avait commencé à organiser des mariages depuis son domicile, dans la ville de Kadima. Cet été, elle a célébré 7 mariages, et 5 autres sont prévus d’ici fin octobre. L’année suivante compte déjà 5 réservations, et elle prévoit d’engager du personnel, voire même de proposer une nouvelle destination : la Toscane.

En Israël, il n’existe pas de mariage civil pour les unions juives hétérosexuelles. Mais l’État d’Israël accepte que ces mariages soient célébrés à l’étranger. Chypre, la République Tchèque et les États-Unis sont les destinations plébiscitées par les Israéliens. Si les Israéliens ne peuvent pas se marier en Grèce, car Athènes demande des documents que Jérusalem ne peut fournir, ce pays reste un lieu privilégié pour faire la fête.
Zahavia doit la plupart de sa clientèle au Rabbinat. Sur les 12 couples qui se sont mariés avec Wedaway cet été, sept ont choisi de se marier en dehors d’Israël en signe de protestation contre l’autorité orthodoxe. Les quatre autres mariages n’étaient pas reconnus par le rabbinat comme juifs ou avaient d’autres problèmes avec le mariage tel qu’il est défini par la religion. Un seul couple a choisi de faire la cérémonie en Israël et de célébrer en Grèce.
« Le rabbinat est bon pour mon business, mais j’aurais préféré que les gens puissent se marier ici. », explique Zehavia. « J’aurais eu des clients de toutes façons, parce qu’aller en Grèce, c’est une expérience unique. Et les nouvelles vont vite. »
Ni le Rabbinat ni le ministère de l’Intérieur n’étaient joignables pour obtenir leur avis.
Les mariages organisés par Wedaway sont le genre d’événements millimétrés, dont les blogs, la téléréalité et les réseaux sociaux font une publicité magnifiée. On retrouve les musiciens locaux envoutants, les banquets grecs colorés, les cocktails ouzo haut de gamme servis sous des lanternes de papiers et les soirées autour de la piscine et des jeux aquatiques. La cérémonie est en général un emprunt contemporain aux traditions juives ou chrétiennes.
Un inconvénient – ou avantage, selon le point de vue – c’est que les couples qui font appel à Wedaway doivent réduire leur listes d’invités. Un mariage israélien moyen compte des centaines d’invités, depuis les parents du couple jusqu’à leur serveuse préférée. Les clients de Lahavia emmènent avec eux une petite cinquantaine de personnes. Même s’il faut compte en 300 et 500 dollars par invités, ça reviendra toujours moins cher que de se marier en Israël.
Et pourtant, réduire sa liste d’invités n’est pas chose facile. Les valeurs familiales et communautaires sont au centre de la culture israélienne, et le mariage en est le symbole ultime, explique Larissa Remennick, professeur en sociologie à l’université de Bar-Ilan en Israël.
« Les juifs ont toujours été très portés sur les valeurs familiales, sur l’importance de se marier et d’avoir des enfants. La mitzva biblique d’être fructueux et de se multiplier a toujours beaucoup d’influence dans ce pays. On pourrait dire que c’est notre ‘raison d’être’ (sic) », explique-t-elle au JTA.
« Cette société est révolutionnaire, d’une certaine manière. »
Wedaway n’est pas la première société à aider les Israéliens à se marier à l’étranger. Ce secteur est actif depuis les années 1990. En 2014, 8 782 couples ont déclaré pour leur état-civil israélien s’être mariés à l’étranger. Par ailleurs 50 797 couples ont célébré leur union en Israël, selon le Bureau Central des Statistiques. Mais le secteur semble s’orienter vers la simplification des formalités à l’international, et non pas sur l’organisation desdits mariages.
Wedding Tours est la plus grande société d’organisation de mariages à l’étranger. Igal Lukianovsky, PDG, raconte que la société, fondée en 2001, a organisé 1 200 mariages à Chypre et en République Tchèque en 2015. Parmi ces couples, seulement une vingtaine ont sollicité de l’aide pour la cérémonie à proprement parler.
« Environ 80 % des couples font une fête en Israël avec leurs familles et amis. Ils vont à Chypre uniquement pour l’aspect officiel, pour signer les papiers. », explique-t-il au JTA.
Wedaway, de son côté, s’attaque principalement aux festivités.
Tomer et Shir se marieront la semaine prochaine grâce à Wedaway. Ils auraient pu se marier via le Rabbinat, mais, étant donné qu’ils viennent de familles laïques, c’était évident pour eux de ne pas faire appel au Rabbinat.
Tomer, 32 ans, travaille pour un site internet dédié à l’éducation. Shir, 29 ans, est en médecine. Ensemble depuis 2011, ils vivent dans un appartement dans le centre de Tel Aviv. Ils ont souhaité garder leur anonymat, leurs noms de famille ne seront donc pas dévoilés.
« Nous sommes laïcs, et le Rabbinat est très invasif, particulièrement à l’égard des femmes. On dirait qu’ils s’imposent sur tous les citoyens juifs, et nous ne voulons pas coopérer », explique Tomer. « Si nous avions été au Rabbinat, mon père aurait tenté de m’en empêcher. Dans ma famille, c’est évident de ne pas y aller.
Le couple ne prévoit pas de se marier officiellement. Ils se renseignent sur les cartes d’union domestique, qui officialisent le statut de couple. Ces dernières années, la législation et les décisions judiciaires ont accordé aux unions domestiques la plupart des droits et des responsabilités du mariage.
De plus en plus d’Israéliens attendent pour se marier, indéfiniment pour certains. Le nombre de couples non-mariés qui vivent ensemble a augmenté de 29 % ces dernières années. De 65 000 en 2012 à 88 000 en 2012, selon le Bureau Central des Statistiques. Certains imputent cette tendance au rabbinat.
Dans une déclaration au sujet de l’augmentation du nombre de couples non-mariés, Hiddush, une organisation en faveur de la liberté religieuse en Israël, a écrit ce mois ci : « Les institutions religieuses officielles, habilités par l’État dégoutent de nombreux couples israéliens qui souhaitent se marier, à cause des tribulations inutiles, imposées par le Rabbinat sur leur route vers le mariage, et de la peur de devoir gérer leurs divorces via le tribunal rabbinique. »
Tomer et Shir célèbreront leur non-mariage la semaine prochaine sur l’île d’Evia, dans une cérémonie juive égalitaire. Il y aura une houppa (dais nuptial), mais pas de rabbins. Ils briseront tous les deux des verres à la fin de la cérémonie.
La seule tradition que Tomer espère garder, c’est cette coutume israélienne qui consiste à faire un chèque en guise de cadeau de mariage.
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