Remis sur pieds, un aventurier israélien reprend le chemin de sa vie
Roei Sadan a passé cinq ans à faire le tour du monde à vélo, mais après s'être remis d'une chute de 500 mètres, il n’aurait jamais pensé qu'il se préparerait à un défi plus dur encore
Roei « Jinji » Sadan, 34 ans, est un athlète d’aventures extrêmes qui a passé cinq ans sur son vélo, parcourant 66 000 kilomètres à travers le monde. Son imposant 1,84 mètre (6 pieds), accentué par une flamboyante barbe rousse, l’a porté sur les montagnes et dans les vallées, à travers les déserts et les champs de glace, sur les six continents et dans 42 pays.
« J’étais sur le toit du monde », a déclaré Sadan, littéralement et au sens figuré.
Mais une cicatrice sur sa gorge, où le tube pour pouvoir respirer a été fixé pendant deux mois, est le seul signe physique qui révèle une autre montagne que Sadan doit désormais affronter.
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« Ce voyage se mesure en centimètres, pas en kilomètres », dit-il. « C’est, sans aucun doute, le voyage le plus grand et le plus difficile de ma vie ».
En août l’année dernière, Sadan prenait une pause dans son entraînement pour descendre en kayak la côte ouest de l’Amérique du Nord, de l’Alaska à San Diego. Il venait de terminer la route la plus haute du monde, à cheval, dans le nord de l’Inde, et avait passé quelque temps à attendre que sa petite amie le rejoigne en Inde pour des vacances. Il avait décidé de profiter de la semaine pour gravir les 6 100 mètres (20 000 pieds) de la montagne Stok Kangri, avec un ami.
« Je me souviens du sommet, puis je me suis réveillé deux mois plus tard », a déclaré Sadan.
Alors qu’il redescendait, Sadan a glissé sur un rocher et a chuté sur des centaines de mètres, son corps rebondissant sur les rochers comme une poupée de chiffon. Ce qui est arrivé ensuite est « une série de miracles », a déclaré Sadan.
Il a été miraculeusement rattrapé par un groupe de grimpeurs qui justement était en train de faire de l’escalade en contrebas de Sadan et de ses amis. Quand ils ont vu un corps tombant sur le côté de la montagne, ils ont enfoncé leurs piolets dans la neige et absorbé la force de la chute de Sadan avec leur corps.
Sadan était à peine conscient, mais justement, encore une fois, le groupe de randonnée avait une bouteille d’oxygène alors que les amis de Sadan commençaient désespérément à appeler le ministère israélien des Affaires étrangères pour organiser un sauvetage.
Juste alors que l’oxygène était sur le point de manquer, l’hélicoptère est arrivé, et Sadan a été hissé et transporté à l’hôpital de Leh et, plus tard, de New Delhi. Des amis d’Israël sont arrivés, un médecin dans leurs bagages, qui a stabilisé Sadan assez longtemps pour le faire revenir en Israël, où il est tombé dans le coma pendant plus d’un mois.
« Le médecin a dit à mes parents que du fait de la lésion cérébrale, je reviendrais soit dans le même état que le vieux Roei, soit que je serais un légume, rien d’autre », dit Sadan.
Six mois après l’accident, le 9 février, Sadan se levait de son fauteuil roulant et quittait l’hôpital Tel Hashomer de Tel Aviv. Ses amis et les infirmières ont formé un tunnel humain, l’applaudissant sans retenue, alors qu’il montait son vélo à la porte, pour entamer l’aventure du reste de sa vie.
Aujourd’hui, Sadan est en ambulatoire à l’hôpital, où il a terminé la rééducation physique. Il a subi une lésion cérébrale diffuse (dommages au cerveau sur une large zone, pas à un endroit précis), une cheville brisée et un éperon osseux sur sa hanche, ce qui est fréquent chez les patients qui ont été dans le coma à long terme. Son côté gauche est encore faible, il souffre de fatigue chronique et n’a que très peu de mémoire à court terme, mais il prévoit un rétablissement complet avec le temps.
« Pendant mon voyage à vélo, je croisais ces déserts, j’avais faim, j’avais soif, mais j’ai toujours su que pour aller quelque part, je devais passer par nulle part », dit Sadan. « En ce moment, je suis dans le nulle part de ma vie ».
Tout au long de ses précédents périples, Sadan a dit qu’il a toujours su qu’il avait la force intérieure de traverser ces déserts, peu importe combien de temps il mettrait, à quel point il aurait chaud ou la fatigue qu’il ressentirait. Curieusement, « Sadan » signifie « enclume » en hébreu, un outil utilisé par les métallurgistes et construit pour résister à la chaleur et à la pression extrême.
J’ai interviewé Sadan un certain nombre de fois au cours de son voyage en vélo, et je l’ai même rejoint sur les célébrations des trois derniers kilomètres de son voyage autour du monde depuis le centre-ville de Jérusalem jusqu’au mur Occidental, en 2011. Chaque fois qu’il se rappelait quelque chose de nos réunions passées, tout son visage s’allumait – il était si heureux de se rendre compte qu’il avait encore accès à ces souvenirs.
Le tour du monde en vélo de Sadan l’a emmené du nord de l’Alaska le long de la côte ouest d’Amérique du Nord, d’Amérique centrale et d’Amérique du Sud, puis, à partir de la pointe de l’Afrique du Sud jusqu’en Ethiopie et, après une pause de deux semaines jusqu’en Israël. Il a ensuite pédalé à travers l’Europe, de l’Espagne à Istanbul, à travers la Turquie, par l’Ouzbékistan et le Tadjikistan, pour un voyage à travers la Chine, et finalement pour ses quatre derniers mois en Australie, le long de la côte, où il a fait du vélo pendant deux semaines sur un tandem avec une motarde israélienne aveugle, Orly Tal.
Sur son chemin, il a été l’un des ambassadeurs informels les plus lointains d’Israël, emmenant son vélo bleu et blanc hybride Thorn, nommé Emouna (qui signifie « foi » en hébreu), paré d’un drapeau israélien flottant à l’arrière, aux quatre coins de l’outback australien, dans les déserts de l’Afrique, et les jungles d’Amérique centrale qui n’avaient jamais vu un Israélien avant.
Il a parlé dans les écoles, les ambassades, les communautés juives et des synagogues, encourageant les gens à poursuivre leurs rêves. Ensuite, il réenfourchait toujours Emouna et pédalait en direction de l’horizon, seul.
Mais maintenant, son voyage est passé d’un récit extrêmement personnel à un nouveau ton où il doit compter sur les autres pour tout alors qu’il vient de passer des mois à reprendre le contrôle de son corps.
« J’étais alpiniste, je suis devenu quelqu’un qu’il faut aider pour aller aux toilettes », a déclaré Sadan, en secouant la tête.
« Je suis arrivé avec beaucoup d’ego. Au début, j’ai déclaré, ‘Je n’ai pas besoin d’un kinésithérapeute pour apprendre à marcher ! Je suis un grimpeur de montagne !’ Mais alors j’ai essayé de le faire seul et je suis tombé. Donc, je savais qu’il me fallait écouter. L’ego tue, vous devez arriver sans ego ».
« Les gens me regardent et pensent que je suis une personne différente », a déclaré Sadan dans une conversation TEDx à l’Université de Tel-Aviv le 15 février. « Peut-être parce que je suis passé des montagnes aux hôpitaux. Peut-être parce que j’avais confiance en moi, mais qu’aujourd’hui je dois faire confiance aux autres. Ce qu’ils ne comprennent pas c’est que je suis toujours la même personne, c’est juste mon voyage qui a changé ».
« D’après la philosophie Zen, seule une personne qui atteint le point le plus bas dans une vallée pourra apprécier le plus haut sommet », a-t-il poursuivi dans le discours pour lequel il s’est entraîné depuis son lit d’hôpital. « Pour moi cela a visiblement fonctionné dans l’autre sens ».
« Avant la chute, je vivais mon rêve, et c’est ce que je faisais, mais je n’avais pas compris que quand je suis tombé, ce n’est pas juste moi qui suis tombé, toute ma famille et mes amis sont tombés avec moi », a déclaré Sadan au Times of Israel. « Ils m’ont aidé à me relever afin qu’ils puissent se relever eux aussi. Je ne suis pas seul, et maintenant je le sais ».
Sadan a déclaré que la chute avait radicalement changé sa relation avec sa famille et ses amis, lui permettant de comprendre combien il compte sur eux, le rapprochant, exposant à la fois sa vulnérabilité et leur soutien indéfectible.
Il a rencontré sa petite amie, Sharon Cohen, seulement cinq mois avant cette chute, et ils ont récemment célébré leur un an, tandis que Sadan était encore en rééducation à temps plein. « Essayer de construire une relation tout en étant en rééducation est très difficile », a-t-il dit.
Sadan a dit qu’il était déjà tombé amoureux de quelqu’un durant son tour du monde, mais qu’il a décidé de choisir son voyage plutôt que l’amour.
« C’est qu’à l’époque mon voyage comptait davantage, mais maintenant l’amour est plus important », a déclaré Sadan. « Je mûris, et j’ai ce grand voyage derrière moi. Je me sens complet, même si c’est le seul voyage que je vais faire dans ma vie ».
Sadan a encore ses yeux rivés sur l’horizon. Il entretient des rêves d’ascension du mont Everest, même s’il faudra beaucoup de petites victoires avant qu’il ne puisse examiner ce rêve sérieusement. « Chaque pas que je fais représente beaucoup de pas pour bien des gens », a-t-il dit.
« Mon slogan avant était ‘Rêve avec les yeux ouverts’. Parfois, un cauchemar est une sorte de rêve. A la fin de la journée, tout est une expérience. Parfois, une expérience est un cauchemar qui se termine ».
Sadan, qui était auparavant un conférencier coacher, sait que son histoire est encore plus puissante depuis sa chute. Il espère se lancer dans une tournée mondiale de conférences pour partager son histoire et inspirer les autres à se lancer dans leurs propres voyages.
« Ce [voyage à vélo] était mon chef-d’œuvre », a déclaré Sadan, tout en préparant ses affaires et le chien de Cohen, Dubi, pour partir à sa session d’après-midi de thérapie physique.
« Je ne ferai pas d’autre voyage à vélo à travers le monde dans ma vie. Mais ce n’est pas la force que vous avez qui importe. Il y a des gens qui sont plus forts que moi, il y a des gens qui sont meilleurs cyclistes que moi. Ce qui importe c’est combien de force vous donnez. Ce qui importe c’est à quel point vous pouvez amener les gens à regarder les montagnes de leur vie et les amener à les gravir. C’est un mix entre aventurier et créateur d’inspiration ».
« Regardez, il n’y a pas eu d’autre Israélien qui ait parcouru le monde entier à vélo », a-t-il ajouté. Mais maintenant, cette aventure est seulement une partie de son message. « Nous nous trouverons tous un jour dans une situation où nous aurons besoin de l’aide des autres. Parce qu’à un moment, nous allons tous nous retrouver embarqués dans un voyage que nous n’avions pas prévu ».
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