Retour à l’université pour les étudiants et universitaires ukrainiens en Israël
Les adolescents de l’équipe ukrainienne de maths sont les rares réfugiés masculins des groupes d'étudiantes ou d'universitaires dont les maris et familles sont toujours en Ukraine
Sue Surkes est la journaliste spécialisée dans l'environnement du Times of Israel.
Les universités israéliennes interviennent pour venir en aide aux étudiants ukrainiens dont les études sont perturbées par la guerre.
La grande majorité sont des femmes, car la plupart des Ukrainiens âgés de 18 à 60 ans doivent rester au pays pour servir dans les rangs de l’armée en cas de besoin.
Dix-neuf étudiants et chercheurs poursuivent ainsi leurs travaux à l’université Ben Gurion du Neguev, dans la ville de Beer Sheva, dans le sud du pays.
« J’ai été forcée de quitter l’Ukraine parce que j’avais très peur de mourir », confie Viktoria Taranik, qui a exprimé sa gratitude à l’université pour l’accueil.
« Ma mère travaille sous contrat en tant que garde-frontière à la frontière avec la Pologne et elle est ne peut plus quitter le pays en raison de la situation militaire », regrette-t-elle.
« Mes grands-parents se trouvent dans la région de Donetsk [dans l’est de l’Ukraine], une région où les combats se poursuivent depuis 2014. Je suis très inquiète pour ma mère et mes grands-parents », confie-t-elle.
L’université de Tel Aviv, qui a créé début mars un fonds de bourses d’urgence pour les étudiants ukrainiens, a accueilli sept étudiants diplômés ukrainiens, tous des femmes.
Originaires de plusieurs régions en Ukraine, ils poursuivent leurs études de droit, médecine, psychologie, musique et linguistique.
« J’ai réussi à parler à ma famille hier, mais aujourd’hui, le lien a été rompu et je n’ai pas réussi à les joindre », confie Alisa, une étudiante diplômée en droit, qui étudie la gestion de crise à l’Université de Tel Aviv. Elle est originaire d’une petite ville près de Marioupol, dans l’est de l’Ukraine, région qui a subi certains des combats et des destructions les plus violents.
Marina, pour sa part, étudiait le droit à l’Université pédagogique d’État de Kropyvnytskyi, une ville du centre de l’Ukraine qui, selon elle, était encore assez sûre. Mais les locaux de l’université ont été convertis en logements pour les personnes réfugiées de zones plus dangereuses, et les cours n’ont lieu qu’en ligne, sans grande régularité.
« J’aurais dû obtenir mon diplôme en juin », précise Marina, « mais pour l’instant, je suis heureuse de pouvoir poursuivre mes études ici à l’Université de Tel Aviv. »
Plus tôt ce mois-ci, les jeunes femmes ont vendu des produits d’artisanat à l’occasion d’une collecte de fonds et recueilli plus de 5 000 $ en l’espace de deux jours, suffisamment pour acheter 86 trousses de premiers soins et 24 paires de bottes militaires.
À l’université Bar-Ilan de Ramat Gan, dans le centre d’Israël, quatre membres de l’équipe ukrainienne de mathématiques, en lice pour le championnat du monde, s’installent, dans l’attente de l’arrivée de six autres étudiants une fois les formalités administratives terminées. Ils ont entre 14 et 18 ans.
Les entraîneurs de l’équipe israélienne de mathématiques ont eu vent des difficultés de leur équipe rivale et ont pris des dispositions pour qu’ils puissent rapidement venir étudier à l’université.
« Un jour, tous mes espoirs universitaires sont anéantis à cause de la guerre, et le lendemain, je démarre des études, du haut de mes 16 ans, en Israël », confie Boris Holikov de Dniepr, la quatrième plus grande ville d’Ukraine. « J’ai saisi l’opportunité presque immédiatement, car je savais que je ne le regretterais pas. »
Leonid Diachenko, 14 ans, originaire de Kiev, explique que sa mère l’a « conduit jusqu’en Pologne, où nous avons dû nous séparer. C’était vraiment difficile parce que je ne sais pas quand je la reverrai. Cela pourrait prendre beaucoup de temps et je pense beaucoup à la sécurité de ma famille, mais je dois vivre avec. »
Ces dernières semaines, l’école internationale Bar-Ilan, dirigée par le Ofer Dahan, a pris des dispositions pour la délivrance de visas, la mise à disposition de logements et la définition d’un programme académique interdisciplinaire adapté aux besoins des étudiants.
« D’ici octobre, les jeunes suivront des cours de mathématiques, d’informatique et de physique, et apprendront également l’hébreu. Ils recevront des crédits universitaires et certains des étudiants devraient poursuivre leurs études de baccalauréat en octobre », a déclaré Zohar Yinon, PDG de Bar-Ilan.
Dans un autre cadre, Bar-Ilan a reçu une cinquantaine de demandes d’admission émanant d’étudiants et de chercheurs ukrainiens. Treize d’entre aux ont déjà été intégrés et d’autres devraient arriver bientôt.
L’Université hébraïque de Jérusalem a, dans le même temps, accepté 18 étudiants ukrainiens, dont 10 sont déjà arrivés.
L’une d’elles, la Dre Anastasiia Zinevych, se souvient encore des secousses qui ont ébranlé les bâtiments de l’Université économique d’Odessa, où elle enseignait, lorsque des bombes se sont abattues, endommageant gravement un aéroport voisin.
Son mari et elle ont décidé de quitter l’Ukraine et ses « supermarchés vides et pharmacies à court de médicaments ».
« Nous avons emporté avec nous deux ordinateurs portables et un livre de poésie écrit par mon mari », précise-t-elle.
Ayant besoin d’un traitement médical, le couple a choisi Israël après avoir « entendu de bonnes choses sur l’hôpital Hadassah Ein Kerem de l’Université hébraïque ».
Zinev, qui vit dans un appartement appartenant à l’université, travaille actuellement avec le professeur Ran Hassin au Centre d’étude de la rationalité de l’Université hébraïque.
Parmi les neuf autres réfugiés ukrainiens, plusieurs étudiants de premier cycle poursuivent leurs études à l’école internationale Rothberg de l’Université hébraïque, et plusieurs professeurs ont rejoint les départements de psychologie, sociologie, histoire, études juives, informatique et agriculture de l’Université hébraïque.
Trois chercheurs sont par ailleurs arrivés à l’université de Haïfa et d’autres étudiants en recherche devraient arriver dans les prochains jours.
En mars, l’université avait créé un fonds d’urgence destiné à soutenir une centaine de chercheurs ukrainiens et d’autres pays de l’ex-Union soviétique affectés par la guerre.