Rivlin condamne le « terrible crime » des massacres de Kfar Kassem
Le président israélien estime que Juifs et Arabes doivent tirer les leçons de cette tuerie qui s’est déroulée en 1956
La population arabe en Israël est partie intégrante de l’Etat juif et sera toujours un élément fondamental de la société israélienne, a déclaré dimanche le président Reuven Rivlin lors d’une cérémonie commémorative à l’occasion du 58ème anniversaire du massacre de Kfar Kassem, au cours duquel la police des frontières a tiré et tué 49 Arabes israéliens, dont plusieurs femmes et de nombreux enfants.
Rivlin a été le premier président israélien à assister à la cérémonie commémorative annuelle dans la ville.
« La population arabe en Israël n’est pas un groupe marginal, » a-t-il déclaré. « Nous sommes destinés à vivre côte à côte et nous partageons le même sort. »
Le président a ensuite condamné sévèrement le massacre, le qualifiant de « crime odieux » qui a lourdement pesé sur la conscience collective d’Israël.
« Le meurtre criminel qui a eu lieu dans votre village est un chapitre sombre dans l’histoire de la relation entre les Arabes et les Juifs vivant ici, » a déclaré Rivlin lors de la cérémonie.
« Un crime terrible a été commis ici. Nous devons regarder directement ce qui est arrivé. Il est de notre devoir d’enseigner cet événement et d’en tirer les leçons. »
Le président a demandé que les dirigeants israéliens arabes condamnent sans équivoque l’attaque terroriste qui s’est produite mercredi à Jérusalem dans laquelle un bébé israélien de trois mois a été tué.
Chaya Zissel Braun a été tuée alors qu’un résident palestinien de Silwan, à Jérusalem Est, a foncé en voiture sur un groupe de personnes qui attendaient le tramway.
« Le meurtre d’un bébé est choquant et révoltant pour toute personne pourvue d’un cœur humain, » a déclaré Rivlin, défenseur d’un État unique, et qui a fait un effort notable pour lutter contre le racisme dans la société israélienne depuis sa prise de fonctions en juillet.
« Cette attaque meurtrière est une autre tâche dans l’histoire tragique du conflit israélo-palestinien, dans lequel Juifs et Arabes ont vécu et lutté au cours des 150 dernières années, » a-t-il déclaré.
« Je suis venu ici non pas en dépit de ce qui se passe à Jérusalem, mais plutôt à la lumière du terrorisme et de la violence qui se déchaînent. Je me tourne vers vous dans l’espoir que votre main se tourne vers moi et vers la communauté juive. »
Sheikh Abdullah Nimr Darwish, le fondateur du Mouvement islamique en Israël, s’est adressé à la foule lors de l’événement et a souligné qu’il condamnait fermement le meurtre du bébé israélien.
Il a ensuite exprimé l’espoir que Jérusalem devienne un jour une ville de paix et de compréhension entre toutes les religions.
Alors que l’ancien président Shimon Peres en 2007 avait exprimé officiellement ses regrets sur le massacre, les habitants de Kfar Kassem étaient impatients d’entendre les excuses de Rivlin pour ces meurtres et admettre ainsi que le comportement de la police équivalait à un acte de terrorisme, a fait savoir le site israélien Ynet.
« Au début, il y avait des désaccords sur la visite [à Kfar Kassem] du président, » a fait savoir un militant politique local.
« Le sentiment était que si Rivlin ne reconnaissait pas le massacre par des excuses, il était préférable pour lui de ne pas venir. Il est temps qu’Israël s’excuse pour avoir tué des gens de sang-froid, » a ajouté ce militant, qui a requis l’anonymat.
Le député Issawi Freij (Meretz), dont le grand-père a été tué dans le massacre, a déclaré avant l’événement : « Il y a de grandes attentes quant aux paroles de Rivlin. »
Malgré les efforts des membres du parti nationaliste arabe Balad pour boycotter la visite, Freij, lui-même un résident de Kfar Kassem, a proclamé : « Nous faisons tout pour assurer que ce sera un événement respectueux. »
Le massacre de Kfar Kassem a eu lieu le 29 octobre 1956, dans le contexte de l’imposition par Israël de la loi martiale sur les résidents arabes du pays dans les années qui ont suivi la création de l’Etat juif.
L’armée israélienne avait placé un couvre-feu ce jour-là sur plusieurs villages arabes israéliens dans la région centrale du pays, y compris à Kfar Kassem, invoquant des raisons de sécurité. Mais tandis que la police des frontières avait été chargée d’informer les riverains du couvre-feu, de nombreux civils dans la région n’avaient pas été informés.
Plus tard ce soir-là, les agents de la police des frontières ont ouvert le feu sur des dizaines de résidents de Kfar Kassem qui rentraient dans leur village, ignorant le couvre-feu, après une journée de travail.
43 personnes ont été tuées dans la fusillade, et 13 blessées. 6 autres Arabes israéliens ont été tués dans des affrontements qui ont duré tout au long de la soirée. Parmi les personnes tuées il y avait 6 femmes et 23 enfants âgés de 8 à 17 ans.
Dans un procès qui a eu lieu après le massacre, la police des frontières a affirmé que les victimes de Kfar Kassem avaient brisé le couvre-feu et donc posé un risque de sécurité.
Le tribunal a toutefois jugé que l’ordre d’ouvrir le feu sur les civils était « manifestement illégal », et condamné 8 officiers pour des peines allant de 7 à 17 ans de prison. Aucun des policiers n’a subi de peine complète, et un grand nombre d’entre eux ont été graciés par le président Yitzhak Ben-Zvi.
Les familles des personnes tuées dans le massacre ont reçu des compensations financières suite à la tragédie.
Adiv Sterman a contribué à cet article.