Shoah: Le tatouage qu’une survivante a découpé de son bras figure dans une expo
Kitty Hart-Moxon, 97 ans, explique que la plupart meurent avec leurs tatouages, mais le sien “sera là pour toujours”; et elle était lasse des “questions idiotes”

Une boîte en verre contenant les tatouages qu’une survivante d’Auschwitz a conservés après les avoir découpés de son bras et de celui de sa mère après sa mort, figure en photo dans une nouvelle exposition qui a ouvert ses portes vendredi à Londres.
Kitty Hart-Moxon, 97 ans, a déclaré au journal The Guardian qu’elle travaillait comme infirmière et radiologue dans la Grande-Bretagne d’après-guerre, lorsqu’elle s’est aperçue que les manches courtes de son uniforme exposaient son tatouage du camp nazi.
Lorsqu’un médecin a fait remarquer son tatouage en supposant que c’était le numéro de téléphone d’un petit ami dont elle ne se souvenait pas, Hart-Moxon, alors âgée de 25 ans, a décidé de supprimer le numéro qui avait été tatoué sur son avant-bras par les nazis au camp de concentration.
« Je connaissais un chirurgien plasticien, et je lui ai demandé de le retirer. J’en avais assez des questions stupides et des chuchotements, et des gens qui ne voulaient pas connaître la vérité. Je voulais juste m’en débarrasser pour arrêter tout ça : ces chiffres étaient devenus un fardeau », a-t-elle expliqué dans une interview.
Après la mort de sa mère, Hart-Moxon a également demandé que son tatouage soit retiré.
« Mon numéro était le 39934 avec un petit triangle en bas, et celui de ma mère le 39933 », a-t-elle déclaré au Guardian. « J’ai pensé qu’il valait mieux l’enlever et le mettre dans un bocal à spécimens. Il sera là pour toujours, même lorsque je ne serai plus là. »
« C’est l’histoire de ma vie, n’est-ce pas ? Et je ne pense pas que quelqu’un d’autre ait le sien, parce que la plupart des gens sont morts avec. Mais j’ai pensé qu’il serait désormais là pour toujours. Cela fait partie de l’Histoire. C’est important », a-t-elle déclaré au journal.

Hart-Moxon a déclaré que ça lui est apparu comme une évidence de présenter ces tatouages lorsqu’on lui a demandé de choisir un objet unique pour symboliser les horreurs qu’elle avait subies pour Generations : Portraits of Holocaust Survivors à l’Imperial War Museum de Londres, qui présente des photos de plus de 50 survivants de la Shoah et de leurs proches photographiés au printemps 2021.
Hart-Moxon est née à Bielsko en Pologne, cadette du couple de Juifs libéraux Karol Felix et Lola Rosa Felix. Dans une interview en 2010, elle a déclaré qu’elle n’avait aucune conscience de l’antisémitisme jusqu’à ce que, alors qu’elle était écolière, elle et son équipe juive de natation se soient fait lancer des pierres lors d’une compétition.
Après l’invasion nazie, sa famille s’est réfugiée à Lublin, s’enfuyant avec de faux documents avant d’être enfermée dans le ghetto, selon un profil du Holocaust Education Trust du Royaume-Uni.
Alors qu’elles se faisaient passer pour des travailleurs forcés polonais, Hart-Moxon et sa mère ont été trahies et capturées, puis condamnées à mort, une peine qui a ensuite été commuée en emprisonnement à Auschwitz-Birkenau.
Après un an et demi, les deux femmes ont été envoyées dans un sous-camp de Gross-Rosen près de Wrocław avant de survivre à une marche de la mort vers un autre camp de travail. Elles ont ensuite été envoyées à Bergen-Belsen, d’où elles ont été libérées par les troupes américaines en avril 1945. En 1946, elle et sa mère ont reçu des permis pour s’installer au Royaume-Uni.
Le père de Hart-Moxon a été assassiné pendant la Shoah et son frère a été tué au combat. Trente membres de sa famille ont été assassinés à Auschwitz-Birkenau.
Hart-Moxon travaille maintenant comme militante éducative et a raconté son histoire dans un certain nombre de livres et de documentaires.
L’exposition se déroule jusqu’au 7 janvier 2022 et comprend des portraits de 13 photographes, ainsi que de la duchesse de Cambridge.