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Stéphane Mandelbaum ou l’art de la transgression, au Musée juif de Bruxelles

Dessinateur au talent fou, mythomane en quête de gloire, marginal juif dyslexique: longtemps honni, l’artiste au destin tragique prend aujourd’hui sa revanche sur le monde de l’art

  • Affiche de l’exposition de Stéphane Mandelbaum, du 14 juin au 22 septembre 2019 au Musée juif de Bruxelles, reprenant le dessin « L’Empire des sens » de l’artiste.
    Affiche de l’exposition de Stéphane Mandelbaum, du 14 juin au 22 septembre 2019 au Musée juif de Bruxelles, reprenant le dessin « L’Empire des sens » de l’artiste.
  • Stéphane Mandelbaum, Composition (Mishima, Bacon…), 1980. Stylo-bille sur papier. 16,7 x 23,5 cm. Galerie Zlotowski, Paris. © Galerie Zlotowski
    Stéphane Mandelbaum, Composition (Mishima, Bacon…), 1980. Stylo-bille sur papier. 16,7 x 23,5 cm. Galerie Zlotowski, Paris. © Galerie Zlotowski
  • Stéphane Mandelbaum, Francis Bacon (dessin n°1), vers 1980. Stylo-bille et ruban adhésif sur papier. 48,5 x 64,5 cm. Collection Gil Weiss, Bruxelles. © Roger Asselberghs
    Stéphane Mandelbaum, Francis Bacon (dessin n°1), vers 1980. Stylo-bille et ruban adhésif sur papier. 48,5 x 64,5 cm. Collection Gil Weiss, Bruxelles. © Roger Asselberghs
  • Stéphane Mandelbaum, Salomon Mandelbaum et autoportrait, vers 1981. Stylo-bille et crayons de couleur sur papier. 54,5 x 65 cm. Collections Karmitz, Paris. © Philippe Migeat
    Stéphane Mandelbaum, Salomon Mandelbaum et autoportrait, vers 1981. Stylo-bille et crayons de couleur sur papier. 54,5 x 65 cm. Collections Karmitz, Paris. © Philippe Migeat

Du 14 juin au 22 septembre 2019, le Musée juif de Bruxelles consacre une exposition à Stéphane Mandelbaum, artiste « brut » et provocateur originaire de la ville et aux intérêts multiples.

A travers une centaine d’œuvres, dont de nombreux portraits, l’institution retrace l’univers et le parcours, tous deux aussi fous et flous, de l’homme.

Né en 1961, Mandelbaum commence très jeune et de façon compulsive le dessin. Il sera vite coupé dans son élan. Artiste au talent fou, mythomane en quête de gloire, marginal juif dyslexique ou encore obsédé sexuel, Mandelbaum portera le masque de gangster de bas étage impliqué dans un sombre trafic d’œuvres d’art lors de son dernier fait d’armes.

Retrouvé mort par des enfants dans une décharge près de Namur le corps partiellement brûlé à l’acide, il a (probablement) été abattu par ses complices en 1986 après le vol d’un faux Modigliani – il se serait trompé de tableau lors du cambriolage du domicile d’une octogénaire. Il était âgé de 25 ans. Pierre Goldman, cet activiste d’extrême gauche théoricien du « gangstérisme » pour lequel il avait une grande fascination – il l’a dessiné – aurait sans doute été affligé par le pathétique de ce parcours de bandit.

Portrait de Stéphane Mandelbaum, 1985. © George Meurant

Si toutes les différentes facettes de la vie brouillonne et romanesque qu’a menée Mandelbaum se retrouvent dans l’œuvre du jeune artiste, le judaïsme – ou plutôt la judéité – occupe lui aussi une place centrale. Tandis que des inscriptions en yiddish et en hébreu parsèment ses dessins, il interroge également sa judéité par la représentation de nombreux dignitaires nazis – Goebbels, Ernst Röhm et Himmler, notamment.

Dans l’un de ses dessins, sa famille, marquée par les persécutions nazies, est représentée sous la crosse d’un Saint-Nicolas nazi tandis que lui porte une étoile jaune. Dans un autre, un shohet, le boucher spécialiste de la shehita, le rite juif d’abattage par jugulation, accompagne la phrase « Je dansai avec une femme qui était une putain juive et qui me parla yiddishe é polonais » – dyslexique, il fait de nombreuses fautes d’orthographe.

Stéphane Mandelbaum, Shoret, vers 1980. Stylo-bille et feutre sur papier. 50 x 70 cm. Collection particulière. © Frédéric Dehaen

Malgré cet attrait culturel et cet héritage, le « demi-Juif » qu’il était se verra refuser par le rabbinat une inhumation dans le cimetière juif de Bruxelles. Son père était Juif, sa mère arménienne – dont la culture et l’héritage ne l’ont jamais intéressé – ne l’était pas.

Outre Pierre Goldman et des responsables nazis, on retrouve dans ses œuvres les sulfureux Arthur Rimbaud, Pier Paolo Pasolini ou encore Francis Bacon – artistes de la marge, comme lui. Sa passion pour la pègre l’emmène aussi à représenter gangsters, prostituées et proxénètes. Au fil de sa courte existence, la définition de son être est devenue celle même de son art expressionniste, expérimentaliste et provocateur.

« Au début, il peignait les choses qui l’attiraient, qu’il voyait et qui le touchaient, explique Pierre Thoma, peintre et ami proche de l’artiste. Et puis, à force, il est devenu ce qu’il mettait sur le papier. »

Stéphane Mandelbaum, Der Goebbels, vers 1980. Mine graphite et gouache sur papier marouflé sur toile. 150 x 120,5 cm. Collection Centre Pompidou, Paris. © Philippe Migeat

Intimement mêlés, l’œuvre et la vie de Mandelbaum, qui se définissait comme un « jeune errant ivre, obsédé de mort », se distinguent par leur violence.

« [Ses] dessins posent un imaginaire sur le papier, une pensée en action dont se dégage une composition réfléchie tout en laissant cours à une large part d’aléatoire dans le processus artistique, expliquent les deux commissaires de l’exposition. Il en résulte un travail post-expressionniste, provoquant, marqué par la volonté d’offenser. Ces travaux composites, au processus rapide, direct, saccadé font de Mandelbaum un artiste en pleine résonance avec l’immédiateté contemporaine. »

Ce printemps, l’artiste avait pour la première fois investi les murs d’une grande institution – le Centre Pompidou, à Paris. L’exposition présentée à Bruxelles, qui compte une centaine d’œuvres, est non seulement différente par sa présentation, mais compte en plus une vingtaine de peintures qui n’ont pas été présentées à Paris. Elle propose également « une série d’œuvres plus transgressives, qui associent images de la déportation et pornographie ».

Face à la volonté d’offenser de Mandelbaum, le Musée juif de Bruxelles s’excuse presque et rappelle être « un espace de tradition et d’ouverture », dont le nouvel espace d’art contemporain entend « interroger, parfois frontalement, le présent ».

Stéphane Mandelbaum, Portrait de José, 1985. Mine graphite sur papier. 160,5 x 134 cm. Collection Antoine de Galbert, Paris. © Célia Pernot

Souvent comparé à Jean-Michel Basquiat – qui a touché le sommet tandis que Mandelbaum restait quasi inconnu –, il semblerait que le criminel raté et vrai artiste qu’il était ait, avec ces expositions, enfin réussi à prendre sa revanche sur le monde de l’art.

Exposition « Stéphane Mandelbaum – The inner demons of an 80’s provocative artist », du 14 juin au 22 septembre 2019, au Musée juif de Belgique, 21, rue des Minimes, à Bruxelles. Tarif plein : 10 euros. De nombreuses œuvres sont également à découvrir sur le site consacré à l’artiste.

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