Israël en guerre - Jour 475

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Explication

Sur fond de possible crise humanitaire à Gaza, où en sont l’eau et l’électricité ?

Israël a fortement réduit l'approvisionnement en eau et stoppé celui de l'électricité et de carburant - mais l'État juif maintient qu'il y en a encore assez pour prévenir une crise humanitaire

Jeremy Sharon est le correspondant du Times of Israel chargé des affaires juridiques et des implantations.

Les Palestiniens remplissent des conteneurs d'eau dans la ville de Rafah, dans le sud de la bande de Gaza, le 20 octobre 2023. (Crédit : Abed Rahim Khatib/Flash90)
Les Palestiniens remplissent des conteneurs d'eau dans la ville de Rafah, dans le sud de la bande de Gaza, le 20 octobre 2023. (Crédit : Abed Rahim Khatib/Flash90)

La campagne militaire d’Israël contre le Hamas à Gaza, qui a suivi le carnage perpétré par le groupe terroriste sur le sol israélien en date du 7 octobre, est accompagnée de restrictions extrêmement sévères sur l’entrée des produits alimentaires, du carburant, de l’eau et autres aides humanitaires au sein de l’enclave côtière.

Le 9 octobre, le ministre de la Défense, Yoav Gallant, a ainsi établi qu’il avait ordonné « le siège complet » de Gaza et qu’il n’y aurait « pas d’électricité, pas de produits alimentaires, pas de carburant » susceptibles de pénétrer sur le territoire, tandis que le ministre de l’Énergie, Yisrael Katz, a déclaré qu’il avait donné pour instruction à l’Autorité de l’eau israélienne de couper son système d’acheminement de cette ressource vitale dans la bande, le même jour.

Mais certains produits de base – dont l’eau – ont recommencé à entrer sur le territoire dans une quantité limitée suite aux lourdes pressions exercées à l’international – spécialement de la part de l’administration Biden – dans un contexte d’inquiétudes, de la part des Nations unies et des ONG internationales, face à la perspective d’une potentielle crise humanitaire à Gaza.

Katz a annoncé, le 15 octobre, que l’approvisionnement en eau reprendrait dans le sud de la bande tandis que plus de 80 camions transportant des aides humanitaires – produits alimentaires, eau et médicaments – ont pu faire leur entrée au sein de l’enclave côtière depuis le 21 octobre, empruntant le poste-frontière de Rafah qui sépare Gaza et l’Égypte.

L’approvisionnement en eau et en électricité sont considérés comme déterminants pour empêcher une crise humanitaire à Gaza, alors quel est l’état des lieux réel à Gaza concernant ces deux ressources de première nécessité ?

L’eau

Avant le 7 octobre, Israël fournissait à la bande de Gaza 18 millions de mètres-cubes (18 milliards de litres) d’eau potable par an par le biais de trois principales conduites – ce qui représentait environ 9 % de l’usage annuel de l’enclave.

Des Palestiniens remplissent des conteneurs à eau dans la rue à Gaza City, le 12 octobre 2023. (Crédit :Atia Mohammed/Flash90)

C’est Gaza qui produisait le reste – environ 200 millions de mètres-cubes par an – une eau pompée dans la nappe côtière, sous la bande et sous la sous la plaine côtière israélienne, ou dessalée.

Cette eau – qui représente approximativement 79 % de l’eau produite à Gaza – est impropre à la consommation en raison de sa forte salinité, explique le docteur Elai Rettig du département des sciences politiques de l’université de Bar Ilan.

La nappe est contaminée par l’eau de mer en raison de pratiques de gestion médiocres, elle est donc purifiée dans six usines de traitement de l’enclave.

Ces usines s’appuient habituellement sur l’approvisionnement en électricité qui est assuré par le principal réseau électrique à Gaza pour effectuer ces opérations, mais également sur des groupes électrogènes qui fonctionnent au carburant.

Au moins une des trois usines majeures de dessalement, au sein de l’enclave côtière – l’usine de dessalement du sud de Gaza, qui a été financée par l’Union européenne – a également des panneaux solaires qui fournissent l’énergie nécessaire aux opération de l’usine.

L’usine de désalinisation de Deir al-Balah, dans le centre de la bande de Gaza, le 8 décembre 2020. (Crédit : Abed Rahim Khatib/Flash90)

Suite à la reprise d’une partie de l’approvisionnement en eau dans le sud de la bande de Gaza, le Bureau des Nations unies pour la coordination des affaires humanitaires (OCHA) a indiqué, mardi 24 octobre, qu’environ 200 mètres-cubes d’eau (soit 200 000 litres) par heure étaient acheminés par les canalisations dans le sud du pays – contre 600 mètres-cubes par heure avant-guerre.

Mercredi, l’OCHA a annoncé que l’approvisionnement était passé à 600 mètres-cubes par heure.

Ce qui équivaut à 14 000 0000 de litres par jour ou un tiers de la fourniture qui était assurée avant-guerre. Il y a environ 2,1 millions de personnes qui vivent à Gaza, ce qui signifie que la quantité actuelle d’eau mise à disposition par Israël est d’environ 6,8 litres d’eau par jour et par personne.

L’Organisation mondiale de la Santé (OMS) affirme qu’il faut environ 50 à 100 litres d’eau par jour et par personne pour garantir que les besoins de base seront assurés. Un chiffre qui comprend l’eau nécessaire pour faire le ménage dans les habitations et pour laver les vêtements.

L’OMS note toutefois que 15 litres d’eau par personne et par jour peuvent être suffisants en cas d’urgence – 7,5 litres, au début d’une période d’urgence, peuvent pourvoir aux besoins les plus fondamentaux (boire, faire la cuisine et maintien de l’hygiène).

En plus de l’eau acheminée par les principales canalisations, l’OCHA a fait savoir, mardi, qu’une usine de dessalement de Khan Younès – l’une des trois plus importantes de Gaza – avait repris ses opérations à hauteur de 7 %, le 21 octobre, après que l’agence controversée chargée des réfugiés palestiniens à l’ONU, l’UNRWA, « est parvenue à coordonner la récupération et la distribution du carburant à partir de l’un de ses entrepôts de Gaza ».

Et mercredi, l’OCHA a ajouté qu’une autre usine de dessalement avait repris « des opérations limitées » la veille et qu’avec l’usine de Khan Younès, 4 000 mètres-cubes d’eau (soit quatre millions de litre) étaient produits par jour.

L’UNICEF, de son côté, a remis « de petites quantités de carburant récupéré dans ses propres réserves à Gaza » qui ont été livrées « à des usines déterminantes de production d’eau », ce qui a permis de distribuer aux personnes reliées au réseau d’eau 30 litres par personne, a noté l’OCHA.

Des camions du Croissant Rouge égyptien transportant de l’aide humanitaire pour la bande de Gaza traversant la frontière de Rafah, à Rafah, en Égypte, le 21 octobre 2023. (Crédit : Mohammed Asad/AP Photo)

L’organisation a toutefois affirmé que l’approvisionnement en carburant à ces usines cesserait jeudi, faute de ressource.

Environ 120 puits et 20 stations de pompage, qui ont aussi reçu des livraisons limitées en carburant, fonctionnent également, a précisé l’OCHA.

De plus, cinq camions contenant 40 000 litres d’eau, 4 500 kits d’hygiène pour toute la famille et 12 réservoirs de stockage d’eau, achetés par l’UNICEF, sont entrés à Gaza depuis l’Égypte, le 24 octobre.

L’OCHA a toutefois annoncé que les résidents de Gaza consommaient une eau avec plus de 30 000 milligrammes par litres de sel à partir des puits agricoles.

Une eau telle que celle-ci peut être définie comme étant « modérément salée », selon le Geological Survey, aux États-Unis, et elle pose des risques pour la santé comme l’hypertension, en particulier pour les groupes de population vulnérables, bébés ou femmes enceintes.

Rettig ajoute qu’utiliser une eau de ce type pour boire peut entraîner des épidémies de choléra et autres maladies.

Il déclare néanmoins qu’il est impossible de savoir de manière exacte le niveau réel d’approvisionnement en eau et en électricité à Gaza, dans la mesure où c’est le groupe terroriste du Hamas qui gouverne le territoire et qu’il contrôle toutes les informations sur ce genre de sujet.

L’armée israélienne, de son côté, insiste sur le fait qu’il n’y a pas encore de crise humanitaire à Gaza et qu’elle surveille avec beaucoup d’attention la situation.

Un porte-parole de l’UNICEF, profondément impliqué dans l’approvisionnement en eau au quotidien à la population de la bande, a refusé plusieurs demandes d’information sur l’état des lieux des opérations concernant les usines de traitement de l’eau et de dessalement de l’enclave côtière.

Electricité et carburant

Israël, avant la guerre, assurait 50 % des besoins en électricité de Gaza à travers dix lignes électriques.

Une vue d’ensemble de la seule centrale électrique qui produit de l’électricité dans la bande de Gaza, le 27 juin 2019. (AP Photo/Hatem Moussa)

Israël a coupé tous ses approvisionnements en électricité à Gaza, le 11 octobre, et n’a pas recommencé depuis à en fournir à nouveau.

Une centrale électrique qui fonctionne au carburant fournit habituellement 25 % supplémentaires d’électricité à l’enclave côtière, tandis que des panneaux solaires et des groupes électrogènes privés complètent les besoins.

Selon l’OCHA, la centrale électrique ne fonctionne pas en ce moment – ce qui signifie que Gaza, sous la direction du Hamas, vit avec moins de 25 % de l’approvisionnement qui était assuré avant-guerre.

En temps de paix, la bande fabrique environ 25 % de son électricité, dans la journée, à partir de l’énergie solaire, selon Rettig – une ressource qui est encore disponible.

Mais même avant la guerre, l’approvisionnement en électricité, à Gaza, était extrêmement aléatoire, avec une moyenne de 13 heures par jour, selon l’OCHA – ce que Rettig attribue à l’incapacité, pour le gouvernement du Hamas, à maintenir l’état du réseau de manière appropriée.

Mardi, l’UNRWA a averti qu’il n’y aurait plus de carburant dès le lendemain avant de noter, vingt-quatre heures plus tard, que de nouvelles livraisons de carburant avaient été garanties – au moins pour une journée.

L’État d’Israël, de son côté, a insisté sur le fait qu’il n’était pas responsable de l’octroi d’énergie à l’enclave ennemie et que le Hamas avait gardé le carburant pour pouvoir exploiter son réseau de tunnels et pour alimenter sa machine de guerre contre l’État juif.

Jonathan Conricus, porte-parole de l’armée, a déclaré jeudi à la BBC que le Hamas avait entreposé entre 850 000 et un million de litres de carburant – des réserves qui auraient pu être utilisées pour activer des groupes électrogènes pour faire fonctionner les usines chargées de l’eau, ou pour alimenter les hôpitaux en électricité.

Douze réservoirs de pétrole dans lesquels le Hamas stockerait ses réserves alors que la bande de Gaza est à court de carburant, du fait de la guerre avec Israël, le 24 octobre 2023. (Crédit : Compte du porte-parole arabe de l’armée israélienne sur X)

Conricus a aussi souligné lors d’un point-presse, jeudi dans la journée, que les médias étrangers rapportaient depuis au moins le 16 octobre que Gaza allait venir à manquer dans les vingt-quatre heures de carburant, d’électricité et d’eau – ce qui n’est pas encore survenu.

Le porte-parole de Tsahal a insisté sur le fait que la quantité de carburant amassée par le Hamas était suffisante pour pomper de l’eau et pour faire fonctionner les hôpitaux « pendant de nombreuses journées » et il a fait remarquer un communiqué qui avait été émis par l’UNRWA, le 16 octobre, qui avait signalé que les responsables du Hamas, du ministère de la Santé de Gaza, avaient volé le carburant et les équipements médicaux qui étaient conservés à son siège, à Gaza.

L’UNRWA avait fait disparaître ensuite ce communiqué, affirmant que rien ne lui avait été dérobé.

Mardi, l’armée israélienne a posté des images de réservoirs de carburant qui, selon elle, ont été placés sous le contrôle du Hamas. Ils contiendraient « un demi-million de litres de pétrole », a ajouté Tsahal. Des propos qui ont été confirmés par des responsables arabes et occidentaux au New York Times.

Les hôpitaux à Gaza

De nombreux hôpitaux de Gaza ont installé des panneaux solaires avec des systèmes de batterie et ils possèdent aussi des groupes électrogènes pour garantir un approvisionnement continu en électricité pour les département sensibles, comme les soins intensifs et les unités néonatales.

Toutefois, ces batteries ont été probablement créées pour prendre en charge le transfert de l’énergie solaire vers les groupes électrogènes après le crépuscule, pendant environ deux heures, et elles ne permettent pas d’assurer un approvisionnement en électricité pendant toute la nuit, explique Rettig.

Des Palestiniens blessés pris en charge à l’hôpital Al-Najjar suite à une frappe israélienne à Rafah, dans le sud de la bande de Gaza, le 19 octobre 2023. (Crédit : Abed Rahim Khatib/Flash90)

Seuls 23 des 35 hôpitaux de Gaza sont actuellement en fonctionnement, selon un rapport établi par l’OMS en date du 23 octobre. Le taux d’occupation des lits dépasse les 100 % dans les sept plus grands établissements hospitaliers.

Les douze autres hôpitaux ont été fermés suite à des dégâts essuyés lors des bombardements israéliens et en raison de la pénurie de carburant, a commenté un responsable de l’OMS.

L’officiel a ajouté que 1 000 patients, sur le territoire, dépendent actuellement d’un dialyseur et que 130 bébés prématurés ont besoin de soins divers. Par ailleurs, il y a aussi des personnes qui se trouvent actuellement dans les services de soins intensifs et des malades nécessitant une intervention chirurgicale. Tous, a-t-il déclaré, « dépendent d’un approvisionnement stable et ininterrompu en électricité pour espérer rester en vie ».

« L’OMS répète son appel à ouvrir un passage sécurisé qui permettra la délivrance d’équipements médicaux et de carburant dans toute la bande de Gaza », a-t-il conclu.

En réponse à un post écrit par l’UNRWA sur X, mardi, disant que l’agence allait devoir arrêter ses opérations en raison d’un manque de carburant, mercredi soir, le compte officiel de Tsahal a partagé cette publication en y ajoutant une photo des réservoirs de carburant, à Gaza, dont Israël avait révélé l’existence, ajoutant : « Demandez au Hamas si vous pouvez en avoir une partie ».

Mais Rettig déclare qu’il pense qu’en fin de compte, Israël devra fournir du carburant pour éviter une crise humanitaire dans les hôpitaux.

« On peut dire que c’est au Hamas de le fournir mais il ne le fera pas – et Israël devra donc le faire pour éviter une crise, personne ne veut que les hôpitaux n’aient plus l’électricité », note-t-il.

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