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Theresa May reste l’héroïne de nombreux Juifs britanniques – malgré le Brexit

La Première ministre britannique, qui a démissionné le 24 mai, a adopté des positions sans précédent en faveur des Juifs et d'Israël

Theresa May quitte une rencontre du cabinet au 10, Downing Street à Londres, le 15 janvier 2019 (Crédit :  AP/Frank Augstein)
Theresa May quitte une rencontre du cabinet au 10, Downing Street à Londres, le 15 janvier 2019 (Crédit : AP/Frank Augstein)

JTA — Alors que l’establishment politique au Royaume-Uni continue de s’enfoncer des suites du Brexit, l’avenir des hauts responsables à la tête du pays est largement plongé dans l’incertitude.

La Première ministre britannique Theresa May, usée par l’interminable casse-tête du Brexit qu’elle n’a pas su mettre en oeuvre, a annoncé vendredi 24 mai sa démission, au bord des larmes, laissant à celui ou celle qui lui succédera un pays paralysé par les divisions.

Profondément impopulaire auprès des électeurs, Theresa May a dû encaisser une succession de déboires au Parlement, où même les membres de son propre parti conservateur s’opposent à l’accord qu’elle a élaboré pour la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne.

Mais pour de nombreux Juifs britanniques, c’est une certitude : même si May  s’en est allée, son départ a signé l’adieu de l’un des Premiers ministres ayant témoigné le plus d’amitié à la communauté juive de toute l’histoire du Royaume-Uni.

Des membres de la communauté juive manifestent contre le chef du Parti travailliste britannique d’opposition Jeremy Corbyn et l’antisémitisme au sein du Labour, devant les chambres du Parlement britannique dans le centre de Londres, le 26 mars 2018. (Crédit : AFP PHOTO / Tolga AKMEN)

« La Première ministre May a suivi la tradition des hauts responsables considérés comme s’étant montrés amicaux et attentifs aux besoins de la communauté juive ainsi qu’à Israël », a commenté Jonathan Arkush, ancien président du Board of Deputies of British Jews. Et pourtant Theresa May, ajoute-t-il, « en vient même à se distinguer ».

Sous sa gouvernance, le Royaume-Uni a adopté des positions sans précédent en faveur du peuple juif et d’Israël.

Son cabinet a ainsi adopté la définition de l’antisémitisme mise au point par l’INHRA (l’Alliance internationale du souvenir de la Shoah), rejetée par certains militants anti-israéliens à cause de la manière dont elle considère que les discours de haine anti-Israël traduisent parfois des sentiments plus globalement anti-juifs.

Photo d’illustration : Un drapeau du Hezbollah durant un rassemblement al-Quads à Londres. (Crédit : Steve Winston via Jewish News)

Il a également placé sur liste noire l’organisation toute entière du Hezbollah plutôt que seulement sa branche armée. Et le Royaume-Uni gouverné par Theresa May avait fait savoir en 2017 qu’il voterait contre un article permanent condamnant Israël au Conseil des droits de l’Homme des Nations unies. L’initiative de Londres a été suivie par le reste de l’Europe le mois dernier.

L’année dernière, le prince William avait mis un terme à un boycott officieux des visites officielles en Israël de la part de hauts membres de la famille royale britannique. Le gouvernement de Theresa May a joué un rôle central dans l’organisation de ce déplacement.

La Première ministre se sera même opposée à son ministère des Affaires étrangères sur la question israélienne, imposant sa politique et parvenant à « diluer l’hostilité institutionnelle [du ministère] envers Israël », affirme Jonathan Hoffman, blogueur basé à Londres et ancien vice-président de la Fédération sioniste de Grande-Bretagne.

Le prince William et le maire de Tel Aviv Ron Huldai, sur une plage de Tel Aviv, le 26 juin 2018. (Crédit : Menahem KAHANA/AFP)

Divergeant des tentatives du Foreign Office soucieux d’afficher une impartialité face à la déclaration Balfour – un document-phare de l’histoire du sionisme – Theresa May l’avait ouvertement saluée lors du centenaire de la déclaration, en 2017.

Mais l’un des plus importants cadeaux qu’elle ait fait à la communauté juive pourrait bien être ce qu’elle a semblé désireuse de ne pas faire : utiliser la crise de l’antisémitisme qui a éclaté au sein du parti d’opposition du Labour au profit de sa propre formation conservatrice.

Les accusations d’antisémitisme lancées contre les responsables du Labour ont explosé à la suite de l’élection, en 2015, du responsable d’extrême gauche Jeremy Corbyn à la tête du parti. Un tournant traumatisant pour de nombreux Juifs britanniques, qui considéraient depuis longtemps le Parti travailliste comme leur famille naturelle.

Le chef de l’opposition britannique Jeremy Corbyn s’adresse aux délégués le dernier jour de la conférence du Parti travailliste à Liverpool, en Angleterre, le 26 septembre 2018. (AFP Photo/Oli Scarff)

Jeremy Corbyn est un vigoureux détracteur d’Israël. Il avait défendu une fresque antisémite et déclaré que les « sionistes » nés en Grande-Bretagne ne comprenaient pas l’humour anglais.

Il a attiré des milliers de personnes de l’extrême gauche dans les rangs du Labour. Les discours sont devenus tellement toxiques au sein de la formation que de nombreux Juifs l’ont quittée – notamment d’éminents députés juifs.

Malgré tout, Theresa May a résisté à la tentation d’exploiter la question pour des gains politiques, note Arkush.

« Il aurait été très préjudiciable que la lutte contre l’antisémitisme soit comme prise en otage », a-t-il précisé à JTA. Mais en tant que parti au pouvoir, les conservateurs auraient eu tort d’ignorer le problème pour autant, continue-t-il. « Nous avons eu le sentiment que May était derrière nous sans tirer parti de la situation. »

Le Premier ministre britannique Theresa May prend la parole lors du dîner de charité de l’United Jewish Israel Appeal à Londres, le 17 septembre 2018. (Crédit : Peter Nicholls/Pool via AP)

Sous la direction de Theresa May, les conservateurs ont limité leur traitement de l’affaire au Parlement – où leurs représentants ont abordé la question par des requêtes ou des allocutions.

« Ça a été la bonne stratégie », estime Hoffman, un économiste qui avait travaillé avec Theresa May lorsqu’elle était employée à la Banque d’Angleterre.

Mais son parti se montre pour sa part en lui-même bien plus perméable au racisme et à la radicalité.

En mars, 15 responsables politiques conservateurs locaux qui avaient été suspendus pour avoir publié des propos anti-musulmans ont paisiblement repris leurs postes. L’un d’entre eux avait qualifié les Saoudiens de « paysans du sable ». Un autre avait comparé les Asiatiques à des chiens. Au mois de décembre, un panel chargé des plaintes au sein du parti conservateur avait réhabilité l’ancien ministre des Affaires étrangères de Theresa May, Boris Johnson, mis en cause après ses comparaisons des femmes portant la burqa à des boîtes aux lettres ou à des braqueurs de banque.

Boris Johnson, ministre britannique des Affaires étrangères, a la sortie de la réunion hebdomadaire du cabinet tenue au 10 Downing Street à Londres, le 20 mars 2018. (Ben Stansall / AFP)

Les propos de Boris Johnson n’étaient pas bien passés auprès des leaders de la communauté juive.

Un porte-parole du Board of Deputies of British Jews avait alors écrit sur Twitter : « Solidarité avec la communauté musulmane après la hausse des incidents anti-musulmans. C’est totalement inacceptable – que cela se passe dans la rue ou dans notre sphère politique. »

Le président du groupe Jewish Leadership Council, Jonathan Goldstein, avait qualifié de « totalement honteux » les propos de Johnson. Edie Friedman, présidente du Jewish Council for Racial Equality, avait également condamné ce qu’elle avait qualifié de « racisme subliminal ».

Les responsables de la communauté juive britannique « soutiennent traditionnellement des politiques de gauche », explique Hoffman. « Ce qui les empêche d’épouser pleinement May et le parti conservateur. »

Hoffman ne prévoyait pas non plus de voter pour elle, préférant une voix « plus centriste » et en raison de la conduite du Brexit par la Première ministre qui s’était engagée à le mener à bien après avoir succédé à David Cameron. Les deux étaient opposés à l’idée que le Royaume-Uni quitte l’Union européenne. Mais après la démission de David Cameron à la suite du référendum national ayant prôné le départ de la Grande-Bretagne de l’UE, Theresa May l’avait remplacé avec l’objectif avoué d’obtenir les meilleurs gages de sortie possibles de l’UE pour son pays.

Ce qui n’a pas bien fonctionné pour la Première ministre, au moins à la Chambre des communes – la chambre basse du Parlement. Une majorité de députés a en effet rejeté son plan a trois reprises.

Ces revers et d’autres ont suscité mépris, haine et misogynie à son égard.

Mais fidèle à sa capacité visiblement sans faille à résister aux violences, Theresa May a répondu au dédain qui lui était témoigné sur les réseaux sociaux et ailleurs en esquissant littéralement des pas de danse peu habiles lors de son arrivée à la tribune à la clôture d’un Congrès.

Si l’incident lui a valu des moqueries, il a aussi suscité la sympathie – même parmi ses critiques. Mais sa popularité reste faible. Dans un sondage réalisé au mois de décembre, seuls 41 % des personnes interrogées avaient estimé qu’elle avait une influence capable de s’avérer décisive à juste titre. Le plus haut score qu’elle a enregistré dans les sondages depuis les élections de 2017, qu’elle avait remportées de justesse.

Maintenant que Theresa May a démissionné, les Juifs britanniques trouveront un ami chez pratiquement tous les responsables politiques conservateurs susceptibles de lui succéder, estime Arkush. Parmi eux, le secrétaire aux Affaires étrangères, Jeremy Hunt, le ministre de l’Intérieur Sajid Javid et celui de l’Environnement Michael Gove.

Sajid Javid en conférence de presse près de Finsbury Park, où il a visité la scène d’une attaque véhiculaire, à Londres, le 19 juin 2017. (Crédit : Tolga Akmen/AFP)

Malgré les problèmes d’image de Corbyn, ce dernier a su renforcer la présence du Labour à la Chambre des communes de 12 %. Les conservateurs ont pour leur part perdu 4 % de leurs représentants.

Pour Hoffman, l’économiste, il est impossible de ne pas prendre en considération le rôle tenu par May dans le Brexit, qu’il qualifie de « tragédie s’il doit vraiment se produire ». Lui et de nombreux autres Britanniques auraient voulu la voir réclamer un nouveau référendum sur le sujet, plutôt qu’elle fasse la promotion du Brexit.

Sans le Brexit, Hoffman indique qu’il aurait pu voter pour elle.

« Mais aujourd’hui, c’est un peu ridicule », dit-il, « parce que la politique britannique tourne seulement autour du Brexit – c’est le seul sujet inscrit à l’ordre du jour ».

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