Israël en guerre - Jour 624

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Opinion

Trump relègue les inquiétudes d’Israël au second plan

Le président américain multiplie les accords, les décisions et les alliances qui auront des répercussions jusqu'au cœur du bien-être quotidien et de l'avenir géostratégique d'un Israël poussé à la marge. Gaza pourrait arriver après

David est le fondateur et le rédacteur en chef du Times of Israel. Il était auparavant rédacteur en chef du Jerusalem Post et du Jerusalem Report. Il est l’auteur de « Un peu trop près de Dieu : les frissons et la panique d’une vie en Israël » (2000) et « Nature morte avec les poseurs de bombes : Israël à l’ère du terrorisme » (2004).

Sur une photo fournie par l'Agence de presse arabe syrienne (SANA), le président américain Donald Trump, à gauche, le président intérimaire de la Syrie Ahmed al-Sharaa, à droite, le prince héritier saoudien Mohammed bin Salman, au centre, posent pour une photo à Ryad, le 14 mai 2025 (Crédit : SANA / AFP).
Sur une photo fournie par l'Agence de presse arabe syrienne (SANA), le président américain Donald Trump, à gauche, le président intérimaire de la Syrie Ahmed al-Sharaa, à droite, le prince héritier saoudien Mohammed bin Salman, au centre, posent pour une photo à Ryad, le 14 mai 2025 (Crédit : SANA / AFP).

Personne n’a douté de l’immense engagement personnel de l’envoyé spécial américain pour le Moyen-Orient, Steve Witkoff, à l’égard de la nécessité de garantir la libération de tous les otages du Hamas à Gaza.

Il l’a prouvé à de multiples reprises ces derniers jours. Il a supervisé les contacts indirects avec le Hamas qui ont ouvert la porte à la remise en liberté du dernier otage vivant de nationalité américaine, Edan Alexander, un soldat de Tsahal âgé de 21 ans. Il s’est rendu en Israël pour saluer la libération d’Edan Alexander lundi, il est allé le voir à l’hôpital, mardi, où il a été aussi accueilli par la famille du captif, et il lui a permis d’échanger au téléphone avec le président américain Donald Trump à Ryad et avec le Premier ministre Benjamin Netanyahu.

Et – ce qui est extraordinaire – il a remis à Alexander l’étoile de David que son propre fils Andrew portait autour du cou avant sa mort tragique en 2011 et qu’il aurait lui-même porté depuis. Il a confié à l’otage remis en liberté qu’il « rendrait un grand honneur à mon fils si vous continuiez à le porter ».

Lui et l’émissaire de Trump pour les otages, Adam Boehler, ont ensuite passé plus d’une heure et demie à s’entretenir avec les familles des 58 captifs qui se trouvent encore dans les geôles du Hamas à Gaza, réaffirmant que l’administration Trump est encore déterminée à obtenir leur remise en liberté. Ces proches de captifs ont quitté la réunion, les uns après les autres, en ressentant enfin un peu d’apaisement après 586 jours d’agonie. « La rencontre a été rassurante », a confié Meirav Gilboa-Dalal, dont le fils Guy fait partie des otages vivants, dans la matinée de mercredi. « Nous avons rencontré un homme qui comprend notre douleur ».

Dans l’enregistrement de la réunion, Witkoff déclare que s’il ne parvient pas à faciliter une solution diplomatique dans le cadre de la crise des otages, « ce sera l’un des pires échecs de ma vie ».

L’envoyé spécial américain Steve Witkoff, à gauche, salue l’ex-otage Edan Alexander au centre hospitalier Sourasky de Tel-Aviv, le 13 mai 2025. (Crédit : Bureau de l’envoyé spécial au Moyen-Orient/X)

Witkoff est actuellement à Doha pour tenter de mettre au point une solution diplomatique au nom d’un président qui ne cesse de répéter que les États-Unis sont farouchement résolus à garantir la libération de tous les otages. Netanyahu a, lui aussi, envoyé une délégation, mais il semblerait que la marge de manœuvre dont elle dispose dans le cadre des pourparlers reste limitée. Le Premier ministre a fait savoir, mardi, que si le Hamas proposait « de libérer dix autres » otages vivants, ce serait « très bien. Nous les prendrons… Mais aucune circonstance ne nous fera mettre un terme définitif à la guerre ».

« Un cessez-le-feu temporaire, d’accord. Mais nous irons jusqu’au bout », a-t-il souligné. « Dans les jours à venir, nous irons jusqu’au bout de l’opération en déployant toute notre puissance. Achever cette opération, cela signifie soumettre le Hamas. Cela signifie détruire le Hamas ».

Witkoff a salué mardi le rôle crucial tenu par le Premier ministre israélien dans le processus qui a ouvert la porte à la remise en liberté d’Alexander. Il a assuré à Netanyahu, lors d’une conversation téléphonique, que la manière dont il avait « permis aux négociations d’aller de l’avant » était « en grande partie la raison pour laquelle Edan est aujourd’hui de retour auprès de sa famille ». Alors que Trump a expliqué qu’il s’efforçait de mettre fin à la guerre à Gaza « aussi rapidement que possible », il n’aurait pas toutefois exercé de pressions directes sur Netanyahu pour qu’il le fasse dans le but d’obtenir la libération des otages restants – une condition du Hamas que le Premier ministre a clairement rejeté à plusieurs reprises dans la mesure où elle impliquerait la survie du groupe terroriste, qui aurait alors la possibilité de se reconstruire et de se préparer à une nouvelle attaque meurtrière sur le sol israélien.

Mais le président américain, comme il en apporte la preuve presque minute par minute dans le cadre du déplacement qu’il effectue actuellement au Moyen-Orient, est un négociateur qui sait insister. Qu’il soit encore largement sensible aux inquiétudes soulevées par Netanyahu ou que certaines d’entre elles ne le touchent pas particulièrement, le président américain va clairement de l’avant sur toute une série de questions régionales déterminantes – sans avoir inclus Israël comme étape dans son itinéraire, sans présence israélienne lors de ses rencontres les plus importantes et sans tenir compte des préoccupations exprimées par l’État juif dans le nombre croissant d’accords qu’il a été amené à finaliser.

Avant d’entreprendre son voyage, il a signé une trêve avec les Houthis – deux jours après que le groupe terroriste yéménite, soutenu par l’Iran, a tiré un missile qui a frappé l’aéroport Ben Gurion, incitant les compagnies aériennes étrangères à prendre la fuite.

Le président Donald Trump et le prince héritier saoudien Mohammed bin Salman posent pour une photo lors du Forum d’investissement saoudo-américain au Centre de conférence international du roi Abdulaziz à Ryad, en Arabie saoudite, mardi 13 mai 2025. (Crédit : AP Photo/Alex Brandon)

Il a approfondi de manière spectaculaire les relations américano-saoudiennes, Israël étant tenu à l’écart – il a déclaré aux dirigeants saoudiens que si lui-même rêvait qu’ils rejoignent les Accords d’Abraham avec Israël, « vous le ferez à votre rythme ». Sans le dire explicitement, il a reconnu que l’Arabie saoudite ne normaliserait pas ses liens avec un Israël dirigé par Netanyahu – qui refuse de tracer une voie, même seulement théorique, en direction de l’établissement d’un État palestinien. Il a signé avec Ryad un contrat d’armement d’une ampleur sans précédent, à hauteur de 142 milliards de dollars, sans doute au grand dam de Jérusalem (surtout si la suprématie aérienne d’Israël devait être mise à mal). Il serait également en train de discuter d’un accord concernant le souhait de l’Arabie saoudite de mettre en place un programme nucléaire civil – un accord qui, selon le chef de l’opposition Yair Lapid qui s’est exprimé mercredi, déclencherait immanquablement une course au nucléaire dans tout le Moyen-Orient.

Il est également déterminé à conclure un accord avec l’Iran qui, compte-tenu des tergiversations des États-Unis – qui s’interrogent, dans le cadre de cet arrangement, sur la nécessité de détruire toutes les installations nucléaires du régime de Téhéran – a entraîné la panique à Jérusalem.

Malgré les objections d’Israël, il a levé toutes les sanctions à l’encontre des nouveaux dirigeants syriens qu’Israël considère, à juste titre, comme un régime terroriste jusqu’à preuve du contraire, et il a demandé au président Ahmed al-Sharaa de normaliser ses relations avec Israël et d’adhérer aux accords d’Abraham.

À l’heure où j’écris ces lignes, le président américain vient d’arriver au Qatar, le pays médiateur qui a financé le Hamas, hébergé ses leaders et qui aurait payé certains collaborateurs de Netanyahu pour que ces derniers exercent des pressions en son nom. Trump, de son côté, a insisté sur le fait que l’État du Golfe « essayait absolument d’aider » à résoudre la crise de la guerre à Gaza et des otages.

Chacune de ces actions a de vastes implications pour la sécurité, pour l’économie et pour le bien-être quotidien de la population israélienne. N’importe quel gouvernement israélien aurait tenté d’influencer et d’amender les mesures rapides qui ont été prises par Trump en faveur de la conclusion de potentiels accords avec les Houthis, les Syriens, les Saoudiens et les Iraniens. Mais Israël a été largement poussé à la marge au fur et à mesure que Trump les a avancés.

Il semble que ce soit moins l’expression d’un désintérêt de Trump à l’égard des Israéliens que de la détermination du président américain à aller de l’avant, avec ou sans nous.

Et il s’agit manifestement du reflet d’une réalité qui évolue rapidement en donnant une nouvelle hauteur aux États du Golfe – et en réduisant, par miroir, la place centrale d’Israël dans les réflexions et dans les considérations du président.

« La transformation qui s’est produite sous le leadership du roi Salman et du prince héritier Mohammed a été vraiment extraordinaire », s’est-il enthousiasmé en évoquant l’Arabie saoudite dans le principal discours qu’il a prononcé, mardi dans la soirée. L’admiration de Trump à l’égard des progrès qui ont été réalisés dans le Golfe implique implicitement une rétrogradation d’Israël en tant que puissance régionale de pointe, en tant qu’innovateur sans égal, en tant que pays pionnier de la technologie et destination avisée pour les investissements. À noter qu’à l’heure actuelle, il est presque impossible de venir au sein de l’État juif en prenant l’avion.

Le prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane (à droite) observant le président américain Donald Trump (au centre) serrer la main du président par intérim syrien Ahmed al-Sharaa, à Ryad, le 14 mai 2025. (Crédit : Bandar al-Jaloud/Palais royal saoudien/AFP)

Il est difficile de dire comment tout cela pourrait affecter les efforts livrés par Steve Witkoff à Doha. Gilboa-Dalal a déclaré mercredi que l’envoyé avait confié aux familles que les États-Unis ne pouvaient pas décider à la place d’Israël quelles seraient les conditions acceptées par le pays pour garantir le rapatriement des otages. Mais le président américain dispose d’un pouvoir militaire, diplomatique et économique incalculable – un pouvoir qu’il peut faire jouer s’il le souhaite.

Le fait est que Trump va de l’avant en forgeant toute une série d’accords et d’alliances qui ont un impact radical sur Israël – et ce faisant, il détermine déjà des aspects essentiels de la sécurité et de l’avenir géopolitique de l’État juif.

Dans l’avion qui l’emmenait au Qatar, il a estimé que le fait que les États-Unis entretiennent de bonnes relations avec les États du Golfe « est une très bonne chose pour Israël ». Ce qui est potentiellement vrai – mais seulement si les responsables israéliens se montrent capables d’utiliser ces liens à bon escient. Plus longtemps Israël ne prendra pas place à la table aux côtés du président américain – que ce soit aux niveaux métaphorique et littéral – plus la marge de manœuvre d’Israël en sera entravée.

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