L’armée admet ne pas avoir suffisamment agi pour empêcher le déchaînement meurtrier à Jit, en Cisjordanie
Une enquête établit que l'armée avait envoyé des troupes dans ce village après avoir reçu une alerte initiale mais qu'elle n'a pas su comprendre pleinement quelle était la situation ; des soldats ont aidé des Palestiniens à fuir
Emanuel Fabian est le correspondant militaire du Times of Israël.
L’enquête de l’armée israélienne qui avait été ouverte sur le déchaînement meurtrier de violences de la part d’une centaine de résidents d’implantations israéliens qui avaient pris d’assaut le village de Jit en Cisjordanie, au début du mois, a révélé mercredi que les premières troupes arrivées sur les lieux n’avaient pas agi comme elles auraient dû le faire pour arrêter les attaquants.
Tsahal a aussi démis de leurs fonctions deux membres d’un groupe de sécurité local provenant d’une implantation voisine pour avoir agi « en dehors du cadre de leur autorité » lors de l’attaque.
Selon l’enquête militaire, Tsahal a reçu une alerte de la part de l’agence de sécurité intérieure du Shin Bet dans la soirée du 15 août concernant un groupe d’Israéliens à bord de véhicules qui se dirigeaient vers la région d’Yitzhar pour y commettre un « crime nationaliste ».
Un grand nombre de soldats et d’agents de la police des frontières ont été envoyés dans la région pour tenter d’empêcher les violences, selon l’enquête.
Vers 20 heures, une centaine de résidents d’implantations radicaux, le visage masqué, sont entrés dans Jit et ils ont mis le feu à trois voitures et à deux bâtiments, tout en lançant des cocktails Molotov et des pierres.
À 20h06, le commandant de la brigade régionale a déclaré qu’un incident avait commencé et des troupes ont été dépêchées dans le village. Six minutes plus tard, les soldats ont fait leur entrée à Jit.
« L’enquête a révélé que les premiers militaires arrivés sur les lieux n’ont pas été en mesure de comprendre pleinement la situation. Ils ont tenté de disperser les attaquants et d’empêcher toute atteinte aux Palestiniens mais ils auraient dû agir avec plus de détermination », a souligné Tsahal.
Quelques minutes plus tard, selon l’enquête, des troupes supplémentaires et des agents de la police des frontières sont arrivés sur les lieux, et ils « ont agi avec assurance – tout en risquant leur vie – en bloquant les assaillants et en les poussant hors du village, tout en utilisant des moyens de dispersion d’émeutes et en procédant à des tirs de semonce ».
Une demi-heure après le début de l’attaque, tous les résidents d’implantations israéliens ont été expulsés du village, selon l’enquête.
Tsahal a déclaré que les troupes ont secouru et aidé des familles palestiniennes, y compris des femmes et des enfants, au cours de l’attaque. Les soldats ont aidé les Palestiniens à s’échapper de maisons en feu et ils leur ont prodigué les premiers soins.
L’enquête a également révélé que des agents de la police des frontières en poste dans la zone ont empêché d’autres assaillants de rejoindre ce déchaînement de violences.
Un Palestinien a été tué et un autre blessé par balles lors de l’attaque. Le Shin Bet et la police ont indiqué que les coups de feu avaient été tirés par des résidents d’implantations.
En outre, Tsahal a déclaré que plusieurs membres d’une équipe civile de sécurité locale pour une implantation voisine, Hayat Gilad, qui n’étaient pas en service actif de réserve, sont arrivés à Jit au début de l’attaque en uniforme militaire. L’enquête a révélé que les agents de sécurité ont « agi en dehors du champ d’autorité défini pour » l’équipe de sécurité locale, sans fournir plus de détails sur ce qu’ils ont fait.
Deux d’entre eux ont été démis de leurs fonctions et leurs armes ont été confisquées.
Aucun suspect n’a été arrêté lors des émeutes, mais la semaine dernière, la police et le Shin Bet ont arrêté quatre personnes, dont un mineur.
Les trois adultes ont été placés en détention administrative – ce qui permet à Israël d’incarcérer des suspects pendant une période indéterminée sans nécessité qu’ils soient mis en examen – dans le cadre de l’enquête. Ils sont soupçonnés de terrorisme, a indiqué la police.
D’autres arrestations sont prévues, a précisé Tsahal.
Le chef du Commandement central, le général de division Avi Bluth, a déclaré que « c’est un acte terroriste très grave, un acte terroriste qui a été commis par des Israéliens qui ont délibérément entrepris de porter atteinte aux résidents du village de Jit, et nous avons échoué parce que nous ne sommes pas arrivés à temps pour les protéger. »
« Cette responsabilité est d’abord la mienne en tant que chef du Commandement central et je ferai tout pour améliorer » la situation, a dit Bluth, selon un communiqué publié par l’armée.
Il a par ailleurs rendu hommage aux soldats qui sont arrivés plus tard dans le village et qui ont secouru les Palestiniens qui étaient piégés dans des maisons en feu. « Cette enquête est toujours en cours et elle ne sera pas close tant que nous n’aurons pas traduit les émeutiers en justice », a affirmé le général.
Ce déchaînement de violences avait été condamné par tous les leaders du spectre politique israélien. Il avait aussi entraîné un tollé au sein de la communauté internationale, notamment de la part de la Maison Blanche et de plusieurs diplomates européens.
Les violences ont grimpé en flèche en Cisjordanie depuis le pogrom qu’avait commis le groupe terroriste du Hamas dans le sud d’Israël, le 7 octobre. Les hommes armés avaient tué près de 1200 personnes et ils avaient kidnappé 251 personnes qui avaient été prises en otage dans la bande de Gaza. Les violences étaient d’ores et déjà en recrudescence avant la guerre, notent toutefois les groupes de veille.
Les autorités israéliennes n’arrêtent que rarement les auteurs de ces attaques. Les groupes de défense des droits de l’Homme déplorent des condamnations encore plus rares, notant que la majorité des charges sont habituellement abandonnées dans ce type de dossier.
Depuis le 7 octobre, les troupes ont arrêté 4 850 Palestiniens qui étaient recherchés en Cisjordanie, notamment plus de 1960 affiliés au Hamas.
Selon le ministère de la Santé de l’Autorité palestinienne, ce sont plus de 650 Palestiniens de Cisjordanie qui ont perdu la vie depuis le 7 octobre. L’armée déclare que la vaste majorité d’entre eux ont été tués dans des échanges de coups de feu ; qu’ils étaient des émeutiers aux prises avec les soldats ou des terroristes qui commettaient des attentats.
Il y a eu aussi plusieurs meurtres de Palestiniens qui ont été commis par des partisans du mouvement pro-implantation. Certains font encore l’objet d’une enquête.
Pendant la même période, 27 personnes, notamment des forces sécuritaires, ont été tués dans des attentats terroristes en Israël et en Cisjordanie. Cinq autres membres des forces de sécurité ont perdu la vie dans des affrontements avec des terroristes en Cisjordanie.