Un sceau grec de 2 000 ans éclaire sur le pluralisme dans la Jérusalem antique
Le dieu Soleil, symbole de santé et de prospérité, était le seul membre du panthéon païen utilisé par les Juifs pendant la période du Second Temple, selon l'archéologue Eli Shukron
Amanda Borschel-Dan édite la rubrique « Le Monde Juif »
La découverte d’une rare chevalière de 2 000 ans gravée du dieu grec du soleil Apollon constitue une nouvelle preuve de la présence d’une communauté juive pluraliste dans les rues de la Jérusalem antique à l’époque du Second Temple, a expliqué l’archéologue Eli Shukron au Times of Israel.
« Cela nous permet de voir une Jérusalem qui n’était pas une sorte de ville ultra-orthodoxe, elle était davantage pluraliste », commente M. Shukron, qui est convaincu que la bague aurait orné le doigt d’un juif. Le fait qu’un juif ait choisi le symbole d’un dieu grec, « montre la grande variété des pratiques à Jérusalem. Tout le monde était juif, mais il y avait des groupes et des perspectives différents », ajoute-t-il.
Le sceau en jaspe brun foncé (intaille) a été récemment découvert dans le cadre du projet archéologique du parc national de la vallée de Tzurim, lors du tamisage humide de la terre provenant des fouilles en cours de la Cité de David sur les fondations du mur Occidental.
Selon M. Shukron, il ne fait aucun doute que c’est Apollon qui est gravé sur le minuscule sceau, de forme ovale, de 13 millimètres de long, 11 millimètres de large et 3 millimètres d’épaisseur. Selon un communiqué de presse de la Cité de David, il aurait généralement été utilisé comme cachet de signature à la cire d’abeille pour sceller des contrats, des lettres, des testaments et des biens ou des liasses d’argent.
Le profil d’Apollon présente des cheveux longs et fluides qui se répandent sur son cou robuste. Il a un grand nez, des lèvres épaisses et un petit menton proéminent, selon le communiqué de presse. Ses cheveux sont tressés au-dessus de son front, avec de longues boucles atteignant l’épaule.
Tout cela fait de lui le dieu Apollon aux yeux d’un archéologue de formation. « Immanquable », assure Eli Shukron.
La question se pose alors, que fait un dieu grec païen dans un quartier juif comme la Jérusalem du 1er siècle ?
Selon l’archéologue de la Cité de David, il existe déjà une poignée d’artefacts archéologiques datant de la période du Second Temple dans laquelle Apollon joue un rôle prépondérant : deux autres sceaux d’Apollon ont été découverts à Massada et deux autres à Jérusalem, l’un provenant également des fouilles des tunnels de drainage du mur Occidental et l’autre dans une tombe du mont Scopus.
Eli Shukron pointe que, alors que pendant la période romaine, d’autres membres du panthéon grec et romain sont représentés, dans les siècles entourant le passage à l’ère commune, seul Apollon a été honoré. Le dieu symbolisait la lumière, la santé, le bien-être général et le succès – ce à quoi tout le monde aspire généralement, dit-il , c’est pourquoi le symbole était considéré comme « casher » pour ces Juifs du Second Temple.
« Il est important de voir que Jérusalem est plus que du conservatisme, il y a des gens comme lui qui [comme le prouve son adoption d’un symbole païen comme signature] exprimaient une plus grande liberté de pensée », affirme Eli Shukron. Ce qui est également clair, d’après l’utilisation très publique du symbole, c’est qu’un ensemble de Juifs semblent également en avoir adopté l’usage.
Le professeur Shua Amorai-Stark, expert en pierres précieuses gravées, a fait une évaluation du sceau et a noté qu' »à la fin de la période du Second Temple, le dieu soleil Apollon était l’une des divinités les plus populaires et les plus vénérées des régions de la Méditerranée orientale. Apollon était un dieu aux fonctions, significations et épithètes multiples. Parmi les sphères de responsabilité d’Apollon, il est probable que l’association avec le soleil et la lumière (ainsi qu’avec la logique, la raison, la prophétie et la guérison) a fasciné certains Juifs, étant donné que l’élément de lumière contre l’obscurité était très présent dans la vision du monde juif à cette époque », a-t-il expliqué.
Selon Shua Amorai-Stark, cette polarisation de la lumière par rapport à l’obscurité se traduit par le choix par l’artisan d’une pierre foncée stratifiée de jaune-doré et de brun clair. « Le choix d’une pierre foncée avec une coloration jaune des cheveux suggère que le créateur ou le propriétaire de cette intaille a cherché à souligner l’aspect dichotomique de la lumière et de l’obscurité et/ou leur lien », a-t-il ajouté.
Pour l’archéologue Eli Shukron, le fait que cette bague ait existé et ait été utilisée pendant la période du Second Temple constitue un point d’ancrage entre les Juifs d’il y a deux millénaires et d’aujourd’hui.
« Comme dans la Jérusalem d’aujourd’hui, chacun regarde les choses d’une manière différente », commente-t-il.