Une experte en ADN ancien aide à identifier les victimes du massacre du 7 octobre
Gila Kahila Bar-Gal, professeure à l'Université hébraïque, utilise ses connaissances en matière d'extraction d'ADN d'anthropologie physique à Abu Kabir
Cela fait presque deux mois que la professeure Gila Kahila Bar-Gal ne travaille plus dans son laboratoire à l’Université hébraïque de Jérusalem. Après s’être portée volontaire au Centre national de médecine légale (Abu Kabir), elle se retrouve aujourd’hui impliquée dans une mission à laquelle elle n’aurait jamais pensé participer.
Bar-Gal, dont les recherches portent sur l’interprétation de l’ADN à partir d’échantillons archéologiques et sur la médecine légale des animaux sauvages, a mis son expertise au service des efforts déployés pour parvenir à l’identification de l’énorme quantité de restes humains apportés à Abu Kabir depuis le 7 octobre.
Ce jour-là, le Hamas a déferlé sur la frontière avec Israël pour attaquer sauvagement plus de 20 communautés israéliennes, tuant plus de 1 200 personnes et prenant en otage environ 240 Israéliens et ressortissants étrangers dans la bande de Gaza. Cette attaque dévastatrice a déclenché la guerre en cours entre Israël et le Hamas.
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Dirigé par la docteure Nurit Bublil, le laboratoire d’Abu Kabir est chargé d’extraire les profils ADN qui serviront à identifier toutes les personnes décédées le 7 octobre. Dans de nombreux cas, cela s’est avéré extrêmement difficile en raison de l’état de dégradation des restes.
Bar-Gal a l’habitude des ADN difficiles à extraire, à séquencer ou à génotyper. Mais à Abu Kabir, elle est confrontée à des circonstances différentes.
« Je travaille généralement avec de l’ADN provenant d’échantillons archéologiques et de musées. Lorsqu’il s’agit d’échantillons anciens, la qualité et la quantité d’ADN dans le spécimen sont très faibles », a expliqué Bar-Gal.
Dans le cas des victimes du 7 octobre, ce n’est pas l’âge des os qui pose problème. C’est plutôt le fait que les terroristes ont mis le feu aux maisons et aux victimes, et qu’il ne reste donc que des os calcinés.
« Les restes des victimes étaient de natures diverses et comprenaient notamment des échantillons calcinés. Le problème est l’absence d’ADN dans les échantillons qui ont été exposés à des températures aussi élevées », a poursuivi Bar-Gal.
Avant de se porter volontaire à Abu Kabir, Bar-Gal a contacté la Division de l’identification et de la médecine légale de la police israélienne, ainsi que Tsahal.
« J’ai appelé la police et Tsahal la nuit du 7 octobre. J’avais déjà collaboré avec eux ou fait du travail bénévole pour eux et j’ai proposé mon aide », a déclaré Bar-Gal.
« Ils m’ont dit qu’ils n’avaient pas besoin de moi à ce moment-là, alors j’ai pensé à la Dr Bublil, que j’avais déjà rencontrée, et je l’ai appelée. Elle m’a dit que mon aide serait la bienvenue ».
L’expertise de Bar-Gal en matière d’extraction et d’amplification de l’ADN en vue de produire un profil à comparer avec les bases de données de la police et d’autres bases de données vient renforcer le travail effectué à Abu Kabir. Son expérience des sciences médico-légales et de la préparation des preuves à utiliser devant les tribunaux est également essentielle pour parvenir à des identifications fiables à 100 %.
Elle apporte également ses connaissances en tant que directrice des collections nationales d’histoire naturelle de l’Université hébraïque, ainsi que son expérience en anthropologie physique et ses compétences en matière d’identification morphologique des os humains et non humains.
Bar-Gal travaille principalement dans le laboratoire de médecine légale moléculaire d’Abu Kabir, mais il n’est pas rare qu’elle soit appelée en salle de dissection.
« Je consulte les médecins et les anthropologues pour savoir quel os – et quelle partie de l’os – serait le plus approprié pour un prélèvement en vue d’une analyse d’ADN », explique-t-elle.
Lorsque les sacs d’ossements arrivent, les anthropologues physiques étalent les os et les fragments d’os afin de reconstituer des squelettes partiels ou entiers. Bar-Gal les aide parfois dans leur travail afin de maximiser les chances d’extraire l’ADN d’ossements provenant d’individus différents.
« L’objectif est de trouver le nombre minimum d’individus à partir d’un sac de restes apportés. Si vous avez des os entiers ou des parties indicatives d’os, c’est un peu plus facile. Mais si vous avez de petits morceaux d’os, c’est parfois très difficile », a souligné Bar-Gal.
Bar-Gal a indiqué que la seule façon de supporter son travail à Abu Kabir était de considérer les restes comme des spécimens uniquement. Toute autre approche lui rendrait le travail impossible. Surtout lorsqu’il s’agit d’ossements dont elle sait qu’ils proviennent d’enfants.
Ayant elle-même été membre d’un des kibboutzim attaqués et connaissant des personnes d’autres kibboutzim, la tâche n’est pas toujours facile et elle a dû faire face à des moments difficiles.
« La première semaine où j’ai reçu des restes à échantillonner, ils étaient étiquetés avec des noms et des lieux. C’était très difficile. Depuis, les sacs que je reçois ne portent que des numéros, et je ne sais donc pas d’où ils viennent, ce qui est mieux », a-t-elle déclaré.
Au moins dix personnes du massacre du 7 octobre sont toujours portées disparues ou n’ont pas été identifiées, et les familles ont exprimé leur colère face à l’incertitude qui entoure le sort de leurs proches. Plusieurs familles ont été informées que leurs proches étaient retenus en otage à Gaza, avant d’apprendre qu’ils étaient en fait décédés, et ce, en raison de retards dans la récupération de leurs dépouilles sur le terrain ou dans leur identification en laboratoire – ou les deux.
« Les familles sont impatientes depuis le début, mais elles doivent comprendre que cette procédure n’a rien à voir avec la série Les Experts ou toute autre série télévisée où l’on obtient un profil d’ADN en 45 minutes à partir d’un échantillon. La procédure demande beaucoup plus de temps », a affirmé Bar-Gal.
« L’extraction de l’ADN de l’échantillon prend 15 à 20 minutes. Ensuite, l’échantillon doit être placé dans des solutions tampons pendant deux jours pour extraire l’ADN avant de l’amplifier pour obtenir un profil. L’ensemble du processus prend au minimum trois à quatre jours », a-t-elle déclaré.
Le processus peut également être frustrant pour les scientifiques, car il s’avère parfois infructueux. Bar-Gal a indiqué qu’il lui était arrivé de devoir extraire des échantillons du même os trois ou quatre fois.
Il arrive que des ossements soient testés et s’avèrent tous avoir appartenu à la même personne, malgré tous les efforts déployés par l’institut et les anthropologues physiques pour éviter que cela ne se produise. Les familles doivent également comprendre que plus le temps passe, plus les restes se dégradent et plus le processus d’identification devient difficile, voire impossible.
« La possibilité que nous ne puissions pas identifier tout le monde est réelle, mais nous continuons néanmoins à essayer. Nous ne baissons pas les bras et nous poursuivons notre travail d’échantillonnage afin d’obtenir des réponses », a assuré Bar-Gal.
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